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ilpeiiftaJf'i'
^tûlZÛKA^
♦
Library
of the
University of Toronto
?
•(
D E
L' O R I G I N E
DES
FONTAINES.
A PARIS,
Chez Jean&Laurent d'Houry,
fur le Quay des Auguftins j à l'image
S. Jean.
M. DC. L XXVIII.
AV^C r RIVILECE DV ROf.
Digitizéd by the Internet Archive
in 201-0 with funding"'from
Univçrsity of Olj^wa
littp://www.arcliive.org/details/deloriginedesfonOOperr
A MONSIEVR,
MVHVGVENS
DE ZVLICHEM.
ONSIEFR,
^my que je -vous ay: dédié
ce petit ouvrage deT^ [a naijjance
& </f:^ le moment mefme de fi
\
a 1}
E P I s T R E.
conception y je pourrois pourtant
changer i avis à prefent ^puis que
fay changé la refolution ou fejîois
alors de ne le pas rendre public.
Ma pensée qui ejloit excufahle en
ce temps4à ou la chofe fe pajjoit
feulement entre nous ^ pourroitne
tejlre plus en celuj-cy ^ ou j'y ap-
pelle tant de témoins ; ^ l'inten-
tion que fay toujours eue de vous
honorer j pourroit dans la fuite
n avoir pas l'effet que je de/ire.
le fay , MoNSlEVR^ quel efi
l'avantage qui me peut revenir en
mettant vn nom aujft illujlre que
le vojlre a la tejle de mon livre ^
E ? I s T R E,
mais je ne njondrois pas dMs t in-
certitude dufucce:^ ^ qne cela vous
pujl caufer le regret d avoir accepté
vne choje de ft peu de valeur ; je
ne voudrois pas non plus par là
vous engager à fa défenje ^ puis
que je la veux bien abandonner
moy-mejme, jUdais toutes ces con--
Jiderations ne fçauroient me dé-
tourner de mon premier dejjein qui
nejl autre choJe que de vous don-
ner en cette rencontre quelque
marque de ma reconnoijjance pour
t amitié que vous rri ave^^ toujours
fait paroijîre. le veux en rendre
icy vn témoignage quifoit public^
â II]
E P I s T R E.
de me/me que je ^eux que tout le
monde fçache que je fuis & que
^OHS voulez bien que je me dife ,
MONSIEFR,
Voftre très- humble 8c tics
obeïfTant fervitcur >i«*
^ ^ ^ ,j, ^ ^ yi. A A i ,j^j^ .Jl-Jl'Jl JlcA 'A.
T'TV' T T T T' T' T' t t t t t t t t t*
AVERTISSEMENT.
'.E difcours de l'Origine des
fCll'Foncaines , dcnuc comme
il eft de ces grands raifon-
nemens de Phyfique , &: de ces
fubdles demonftrations de Géo-
métrie 3 dont les Sçavans ont ac-
couftumé d'orner de femblables
ouvrages , femblera vn peu fimple
pour la matière dont il traite. Mais
j'aycru, &: j'ay mefme reconnu par
ma propre expérience , quedes cho-
fcs fi fubtiies inférées dans vn dif-
cours comme celuy-cv , n'eftoient
fouvent d'aucune vtilité, foit aux
gens les plus habiles/oit aux autres;
parce que les premiers en avant
vne parfaite connoiiïance ^ il ne
fert de rien de leur dire des chofes
qu'ils fçavent déjà , 6e: fouvent
mieux que ceux qui les leur difent >
a iiij
AVERTISSEMENT,
Et il fert encore moins de les dire
aux autres ^ puis que ne les fçachanc
point ils ne les peuvent pas com-
prendre par vn difcours qui n'eft
point fait pour les enfeigner, &
qui au contraire fuppofe toujours
les ledeurs dans vne fuftifante ca-
pacité pour les entendre.
l'ay cru aufli qu'il n'eftoit pas
neceflaire, quoy qu'il s'agiiTe icy
de Phyfique , de prendre occafion
de parler de la compofition des
corps naturels , &: d'en expliquer
les principes , fuivant les ancien-
nes ou les nouvelles opinions, ny
de parler des petits corps qui les
compofent , de leur forme &: de
leur mouvement : Car encore que
j'en aye touché quelque chofe en
quelque endroit où je parle des
parties de l'air &: de celles de l'eau,
&: du mouvement qu'elles ont;
l'effet néanmoins que je veux leur
attribuer fe peut aifément com-
prendre fans tous ces grands pre-
AFERTISSEMENT.^
paratifs qui neferviroientqu'à fai-
re voir ma vanité en grotTilTant
inutilement mon diicours , 6^ à
y caufer de l'obfcunté , bc peut-
eftre à faire naiftre des occafions de
nouvelles difputes. Il n'eft pas dif-
ficile 5 quand on le veut, de pa-
roiftre fçavant en difant de gran-
des chofes 5 &: deux ou trois cercles
ou triangles ne font pas mal-aifez
à tracer , les livres bc les amis ne
manquent pas danscebefoin. Mais
mon deffein a efté de parler feule-
ment de ce qui tombe grofliere-
ment fous les fens, fans approfon-
dir ny les caufes ny les effets dans
leur origine. Auffi quand je parle
de reflexion ou réfraction , je n'ex-
plique point par quels angles &: par
quelles fupperficies elles fe font,
il iuffit qu'il foit confiant qu'elles
fe font. De mefme quand je parle
de l'évaporation des chofes humi-
des, de celle de la glace , de la
dilatation ou condenfation des
'ArERTISSEMENT.
vapeurs ôide leur refolution en eau,
des couleurs que l'air &: les nues
prennent quelquefois ; je ne dis
point quelles font les caufes & les
moyens internes de tous ces qSqis
remarquables, je me contente d'en
parler avec vne fimplicité qui fe
peut accommoder aux efprits les
plus médiocres ; eftant perfuadé
que toutes ces éruditions n'au-
roient point éclarcy davantage mon
fujet, principalement n'ayant pas
eu deflein d'enfeigner ny la Phy-
flque ny l'Optique.
L'on pourra dire que cette ma-
nière modcfte & foûmife s'accor-
de peu avec la fierté qu'il fem-
ble que j'ay eue quand j'ay entre-
pris vn deflein que j'élève aufTi
haut que je fais, éc quVne perfon-
ne qui aflemble comme je fais auiîi
tout ce qu'il y a eu de Philo fo-
phes depuis plus de vingt fiecles,
pour fe mettre au milieu d'eux , ôr
critiquer leurs fentimens ôc mcfmc
'AVERTISSEMENT.
les rejetter; devroit du moins pour
la bienfeance, avoir tenu vnc con-
duire plus élevée & plus hardie,
quand ce ne feroit mefme que pour
adoucir Toutrage qui femble eftre
fait à ces grands hommes quand
ils font attaquez par vn auffi petit
adverfaire que je fuis. Mais quel-
que eftime que j'aye eue pour le
fujet que j'ay traité , &: quelque
critique que j'ayc faite fur les opi-
nions de ces Philofophes , je n'ay
point cru pour cela eftre obligé
d'élever mon ftile & de prendre
des manières de fierté & de har-
diefTe. Ce n'eft point vneçhofe ex-
traordinaire que d'examiner les
fentimçns de quelque auteur que
ce foit , il efl: permis aux plus pe-
tits difciples de demander aux plus
renommez Philofophes , dans les
Ecoles mefme où ils ont le plus de
crédit , la raifon des propofîtions
qu'ils ont avancées; &: la foiblcffe
de ces difciples , ny celle de leurs
'AVERTI SSEMENT.
raifonnemens , n'a jamais fait de
tort à la gloire de ces grands hom-
ines ; il n'y en a mefme pas vn
d'entre eux qui n'ait fait le fcm-
blable, & qui n'ait réfuté les opi-
nions des autres pour fouftcnir la
fîenne , ny qui ait cru poui: cela fe
mettre au dcflus d'eux.
Le Père Schottus qui a traité de
l'Origine des Fontaines en a vfé
de la mefme façon : il a rapporté
les opinions de tous ceux qui en ont
écrit avant luy , & les a refutées
de mefme : mais la manière dont
il s'eft fervy n'eil: pas celle que j'ay
fuivie : l'ordre vn peu trop fchola-
ftique qu'il a voulu garder m'a fem-
blé y caufer vne trop grande diffi-
culté 5 en ce que les opinions de
chaque Philofophe eftant difperfées
dans plufieurs fedions de fon livre,
pour les examiner par leurs diffé-
rentes parties \ il faut pour fçavoir
quelle efl l'opinion d'vn Auteur
parcourir tout le livre par toutes
AERTI SSEMENT.
Tes feclions , ce qui eft affcz en-
nuyeux, ôc de relie forte que ce
Père mefme qui s'en eft apperceu
a efté contraint de faire vne reca-
pitulation fommaire de la fîenne à
la fin de fon livre pour la faire
voir dans toute fon étendue fans
interruption. La méthode que j'ay
gardée elT: véritablement plus fim-
ple& moins ingenieufe , mais autli
elle eft plus claire à mon avis, &:
plus capable d'eftre fuivie par beau-
coup deperfonnes qu'vn plus grand
ordre pourroit embarraffer. Fay
donc fait la déduAion de chaque
opinion le plus brièvement &: le plus
fidellement que j'avpu fansm'aflfu-
jettir précifément, comme le Père
dont je viens de parler , au texte
de leurs Auteurs 5 qui quelquefois
eft long 5 & fouvent entrecoupé de
chofes qui ne fervent de rien à fon
intelligence -, àî tout d'vne fuite
j'ay fait les reflexions que j'ay cru
à propos y afin que l'on puft voir
AVERTISSEMENT.
en mefme temps quelle eft l'opi-
nion de chaque Auteur , & ce qui
s'en peut dire.
Ce que j'ay dit dans ma lettre à
Monfieur Hugucns, qui eft à la fin
de ce livre , n'eft point pour blâmer
les expériences, comme Tont vou-
lu dire quelques-vns qui avoient
déjà veu cette lettre : mais feule-
ment pour dire qu'il n'y a aucune
feureté à tirer des conclufions gé-
nérales de certaines expériences,
&: làdefTus attribuer à de certaines
chofes de certains effets plûtoft qu'à
d'autres , & d'en exclure toutes au-
tres caufes connues ou inconnues.
le fçay trop que c'eft aux expé-
riences que l'on doit les plus belles
connoiflances que l'on ait à pre-
fent des chofes naturelles qui a-
voient efté cachées à l'antiquité j&;
je ne me fonde moy-mefme que fur
de femblables principes : Mais il
eft vray auifi que je ne fais fervir
ces experiences-là à autre chofe
JVERTl SSEMENT.
qu'au faïc parnculier où je les ap-
plique : celle du fuccement de la
Terre rapportée par Magnanus,
celle de la pénétration de la Terre
par l'eaii , du delTalement de l'eau ,
du Thermomètre contre la chaleur
ou froideur des puits & des lieux
foufterrains , de la hauteur des
pluyes bc des neiges , de l'cvapora-
cion de la glace , de l'élévation ô^
abailTement apparens dés objets
éloignez, & autres de cette forte,
ne fervent qu'a prouver & à foû-
tenir la propofi^n dont il s'agit,
fans que j'en ti^^aucune conclu-
fîon générale hoi^ de mon fujetj
& ainfi on ne peut pas dire que
cette lettre me rende contraire à
moy-mefme dans cet ouvrage.
le ne diray point icy comme font
plufieurs 5 que c'a elle contre mon
confentement que ce livre a efté
mis au jour , & que ce que j'en ay
fait a efté pour fatisfaire mes amis
qui m'y ont porté, 6c par manierede
AP^ERTISSEMENT.
dire contraint : car quoy que cela
puiffe eftre vray en cette rencon-
tre, je fçay que Ton ne fait de
femblables violences qu'à ceux qui
le veulent bien. Auffi j'avoue que
c'eft de mon confentement qu'il
eft imprimé : mais il eft vray auffi
que j'aurois cfté plus fatisfait s'il
l'cuft pu eftre fans qu'il fuft rendu
public, ne m'eftant propofé dans
cette impreffion que de le voir mis
bien au net , & d'en avoir des exem-
plaires pour mes amis avec plus de
facilité. ^^
Puis qu'il a cTOç falu en paffer
par là 5 je me fui^ réfolu à ne point
trouver à redire que chacun en dife
fon fentiment , &: que l'on rejette
mon opinion fi l'on veut comme
j'ay rejette celles des autres , & que
l'on me rende ainfi la pareille : Et
comme je connois aflez que les
Icdeurs ne fe lailTent point mener
par les traits de Rhétorique avec
lefquels Ton tâche ordinairement
de
AVERTISSEMENT,
de fe les rendre favorables ^ je n'en
emploiray icy aucun pour cela^
tout ce que je leur puis dire efr,
que ceux qui voudront bien le lue
me feront beaucoup d'honneur.
le ne diray point auffi comme
quelques autres , que je n'ay guè-
re employé de temps à compofer
ce petit ouvrage , que je l'ay fait
en me jouant & pour me divertir
dans mes heures perdues : car au
contraire comme je porte aflez de
refped au Public pour le traiter
plus ferieufement que cela, je n'ay
point voulu paroiftre devant luy
qu'après m'eftre mis au meilleur
eftat que j'ay pu y j'ay veu & reveu
mon ouvrage, & l'ay fait voir à
mes amis ; j'ay employé vn temps
raifonnable pour le faire ; j'y ay
mis les meilleures heures de mon
loifir, &: quelque plaifir que j'aye
pris à y travailler, je ne diray point
que c'a efté en me jouant ; j'y ay
donné mes plus ferieufes reflexions
é
AVERTISSEMENT
autant que le meritoit mon fujêtrce
que je n'ay point de honte d'avoiier,
lors que je voy que de grands per'
fonnages de ce fiecle s'adonnent à
de pareilles recherches, & que cela
augmente leur réputation , & leur
donne de grands avantages dans le
Monde. Quoy qu'il en foit , je ne
croiray pomt que les heures que
j'y ay employées foient perdues,
fi le travail qu'elles ont produit
peut plaire, ou fervir de quelque
chofe pour vnc plus grande décou-
verte de ce que j'ay cherché.
FRIVILËGE DV ROT.
LOviS PAR LA GRACE I>F DlEV RoY DE
France et de Navarre , à nos smez êc
féaux Corifeillers les Gens tenans nos Cours de
Parlement , Maiftres des Requelles ordinaires de
noftre Hoftel , Baillifs , Senefchaux ou leur? Lieu-
tenans , & autres qu'il appartiendra , falut. Noftre
bien amé Pierre le Petit , Marchand Libraire
de noftre bonne ville de Paris , nous a fait rc-
monftrer qu'il defireroit faire imprimer vn livre
intitulé De V Origine des ro?itjmes ; ce qu'il ne peut
faire fans avoir nos Lettres fur ce neceflaires. A
CES CAviES, luy avons permis & permiCttons par
ces prefentes de faire imprimer en tel volume ,
marges 8c carafleres que bon luy fcmblera , ce
fufdit livre, 6c iceluy vendre êc débiter par tout
noftre Royaume , pays 8c terres de noftre obeif-
fance , durant le temps de dix années . à com-
mencer du jour que ladite imprelTion fera para-
chevée. PenJant lequel temps nous faifons dé-
fenfssà tous Libraires &; Imprimeurs d'imprimer,
vendre ny débiter fans le confentement de i'ex-
pofant , ou de ceux qui auront droit de luy , à pei-
ne de trois malle livres d'amende 8c de confîfca-
tion , applicable vn tiers à Nous , vn tiers à l'Hô-
pital gênerai , 8c l'autre tiers à TExpofant ; à la
charge de mettre deux exem.plaires dudit livre
en noftre Bibliothèque, vn en celle ce noftre ca-
binet du Louvre , 8c vn en celle de noftre très-
cher 8c féal Chevalier le f.eur Daligre Chance-
lier de France , avant que de ks cxpofer en ventes
& de faire enregiftrer ces prefentes au livre du
Syndic des Marchands Lijraires de noflrc-iie
ville de Paris , & qu'en mettant au commence-
ment ou à la fin dudit livre vn extrait de cespre-
fentes foy y foit ajoutée. Si mandons à chacun
de Vous ainli qu'il appartiendra , que du contenu
en cefdites prefentes vous fafliez joiiir l'Expofant
ou ceux qui auront droit de luy pleinement 8c
paifiblement : Commandons au premier nollre
Huiflîer ou Sergent fur ce requis, faire pour l'e-
xécution d'icellss tous exploits & a6tes nece flai-
res fans autre permiflîon , nonobftant oppofitions
& autres empefchemens quelconques , dont û au-
cuns interviennent, Nous nous enfommes refer-
vez la connoifiTance & à noftre Confeil -, & icel-
le interdifons à tous nos autres Cours & luges ,
Clameur de Haro ,Chartre Normande , 8c Lettres
à ce contraires : Car tel eil noftre plaifir.
Donne' à Paris le ii. jour de luin , Tan de grâce
mil fix cens foixante quatorze , 8c de noftre règne
le trgnte-deuxiéme.
Rcgï/he" fur le livre de la Comfnmatute des Lilratres
é^ Imprimeurs de Paris le ij. luiUeî i6j^. Signée
Thierry, Syndic.
Achevé d'imprimer p3ui la premier; fois le i8.
Septembre 1674.
fiibrils
D E
L' O R I G I N E
DES FONTAINES.
PREMIERE PARTIE.
'Est vae chofe affez eftraiige l
qu'en ce fîecle où les efpnts font
plus curieux &peut-eftre plus
qu'ils ne furent jamais , ou la
Phvfique eft traitée avec plus d'exacti-
tude qu elle ne l'a efté dans les iTecles
paiïez , ou tant de gens habiles quî
compofènt les illuftres Académies que
nous voyons dans plufieurs Royaume?
de l'Europe , ont depuis quelques an-
nées fait tant d'admirables obièrvations
avec vn loin & vne diligence in-
croyables , foit du cours des aftres , de
leur fituation, de leur grandeur & de
leur figure , par le moyen des excel-
lens telefcopes dont ils ont porté la
A
2 Del* Origine
peri:eâ:iOii dans vn très-haut degré;
loit de la campofitioii des corps d'icy-
bas par les difièftions exactes & par
les analiies étudiées de rAnatoniie & de
la Chimie ; foit de la figure des corps
les plus petits , ôcdes i.ileâies prefijue
imperceptibles , par les microfcopes
exquis qu'ils ont inventez : C'eft dis-je
vne choie afîez eftrange que pas vn de
ces grands génies , avec leur vafte con-
noi fiance , leur application finguliere ,
& leur patience incroyable, ne (e fbit
encore mis en peine de rechercher fe-
rieufemeit quelle peut eftre la caufè
des Fontaines & des Sources , & n'ait
pu eftre touché de la cunofité de dé-
couvrir l'origine de toutes les eaux
qu'ils voyent couler continuellement
uir la terre. Cette recherche feroit à
mon avis autant digne de leurs dodes
réflexions qu'aucune autre choie qu'il
y ait dans la Nature , puis que je voy
que dans l'Ecriture lamte la Sageffè
éternelle remarque qu'au meime temps
que le Créateur jettoit les fondemens
du Monde, qu'il formoit les Cieux,
qu'il elrabliiloit & affermifloit la Terre,
& qu'il mettoit des bornes à la Mer &
'^
Dts Fontaine s. ;
aux Abvimes.il i jageoit aufTi aux Fon-
tanies, dont elle dicquil bala-icoit ou
peibit les eaux ; foit quelle ait voulu
paî- ce mot pai'Ier des nuées quelle
dèhgae podiblepour eftrelacauie &
le principe des fontaines , le! quelles
Ton voit eftre fufpeadues & com-ne
balancées en lair ; Ibit qu'elle ait vou-
lu dire qu il pefoit & balançoit les eaux
des fontaines pour leur donner des é-
coulemens qui leur fullent égaux &
proportionnez pour couler toujours.
Klais enfin quoy qu'il en foit , l'on peut
dire après cette remarque, que la con-
noiflance des fontaines n'eft pas d'vne
m.oindre confideration que celle de
toute la Terre^de la Mer. des Abyimes,
Se des Cieux mefnies; de qu'elle efl: vne
des principales choies à quoy l'Efpnt
du Tout-puiflant ait donné vne appli-
cation particulière , i\ cela fe peut dire,
quand il a tire du néant toutl'V nivers.
Cependant entre ceux qui ont cent
fiir cette matière dans ces derniers
temps , les vns l'ont lait , fi je Tofe dire,
avec tant de négligence ou de préven-
tion deiprit pour leur fentiment, que
fans examiner davantage les difficultez
A .,
4 De l'O r I g I n e
qui ne fe trouYent que trop dans vae
matière aufTi cachée que celle-là , ils
ont prononcé affirmativement en fa-
veur de leur opinion : les autres en ont
parlé de forte qu il eft aisé de connoî-
tre que ce qu'ils en ont fait n a eflé que
pour accompagner quelque plus grand
ouvrage & le rendre plus acconiply,
ou pour fervir à quelque autre deflein
qu'ils pouvoient avoir. Mais quoy qu'il
y en ait qui ayent traité cette matière
exprés & de propos délibéré , il n'y en
a pourtant point qui Payent approfon-
die & regardée de tous fes coPcez avec
cette exactitude que les Philolophes
de ce iiecle apportent à la confidera-
tiondes choies dePhyfique. Ceftpeut-
eftre qu'ils ont cru qu'il eftoit mutile
de rechercher l'origine d'vne chojle
auffi connue que l'ell celle des fontai-
nes , & que l'apparence eftant auflî
Viflble qu elle l'eft , que les pluyes &
les neiges en font la véritable cauiè,
ils pouvoient s'en tenir à cette opinion
vulgaire lans examiner davantage com-
ment ex par quels moyens ces eaux de
la pluye & de la neige qui ne tombent
pas toûjoursjpeuvent entretenir le coui's
DESFONTAINES. 5
cantinuel des foiitaines & des nvieres
qui coulent fur la terre.
Cette négligence & cet endarmilTe-
ment , fi ce mot m'eft permis , font
d'autant plus eftonnans , qu'il eft cer-
tain que l'eiprit de nos Philofophes eft
dans vne continuelle défiance lur le
fait des chofes de Phyfique ; jufques là
qiiQ ny le témoignage des plus grands
Philoiophes de l'antiquité , ny meime
quelquetois celuy de leurs propres lèns
n eft d'aucun crédit auprès d'eux,& qu'il
faut ou des demonftrations folides , ou
des experieiices exades & foigneule-
inent exécutées , pour leur faire rece-
voir la moindre proDofition.
Mais ce qui augmente mon dzon"
nement , eft que le doute ou tant de
grands & anciens perfonnages ont efté
uir cette matière , le refiis qu'ils ont
fait de reconnoiftre les pluyes & les
neiges pour la véritable caufe des fon-
taines, & la peine qu'ils fe font donnée
de leur trouver vn autre principe : Qje
tout cela , dis- je , qui devoit ce me fem-
b!e avoir causé dans Telprit des Philo-
fophes d'aujourd'huy vn grand fcrupu-
le pour leur opinion , ne les ait pas
A liî
4^ De l'Origine
retirez de cet eadoriiiillemeat , & qu il
eft certain que ce qui peut les porter
à s'y tenir ^ n'a pas efté caché à ces
grands Génies de Tantiquitè.
Comment donc , puis que la pre-
mière & plus ordinaire maxime de nos
Modernes eft de douter de tout , ne
doutent-ils point auffi d'vne opinion
fi conteftée &fi peu éclaircie; & com-
ment n'examinent- ils pas de plus prés
leBraifons qu'ils ont pour laluivre, &
celles que l'on peut letu' obséder ?
Toutes ces confédérations qui font
mon eftonneme.it, devroient me fer-
mier la bouche & me faire quitter la
plume : car fi de fi fçavans perfonna-
ges acquiefcent à cette opinion, fi quel-
que doute dans lequel ils (ont, avec
peut-eftre beaucoup derailon , com-
me je le croy , eft la caufe de leur fi-
le ice, me fera- t-il bien feant de pren-
dre la parole pour traiter vne matiè-
re fur laquelle toute leur philofophie
eft demeurée prefque muette , & n'a
rien voulu prononcer affirmativement?
mon entreprife ne donnera - 1 - elle
pas à fon tour vn eftonnement plus
jufte que n eft le mien , & ma temeritê
DESFONTAÎNES. 7
ne fera-t-elle pas plus à condamner
que ce fileiice judicieux que je repro-
che à de 11 grands eiprits ?
Mais puis qu'il eft permis non feu-
lement de dire Ton avis fur des choies
indéciies, mais m^imc de contefter
academiquement celles qui font le plus
eftablies ^ pourquoy ne melerviray-je
pas de ce privilège pour dire mon len-
timent ? Iniques icv le fifteme du Mon-
de n a rien eu d'afiuré : auITi chacun s'en
eft tait vn félon fon caprice > & Ton
n'en a rejette aucun lors qu'il a efté
fondé fiir les apparences &fiir la proba-
bilité, lufques icy il n'a efté rien relolu
fur rOngme des tontames : chacun s'en
eft imaginé vne félon fa pensée & fé-
lon les remarques & les expériences
qu'il en a faites: De meimejenecroy
pas avoir mauvaife grâce de déclarer
quelle eft ma pensée fur ce fujet, &
de l'appuyer des expériences que je
puis avou' & des conièquences que
j'en puis tirer.
Mon deflein eft donc d'examiner en
ce Traité les diverfes opinions que les
Philofophes anciens & modernes ont
eues fur ce fujet j de faire voir qu'il y
A. luj
8 De l'Ori gin e
a beaucoup de chofes dans leurs feti-
timens qui répugnent , je ioferay dire,
au raifbnnenient, aux expériences, &
aux règles de Phyfique & de Mecha-
nique j & enfiute de propofer ma pen-
sée , l'examiner (iir les melmes princi-
pes, & d'en laiiTer le jugement à de
plus habiles que je ne fuis.
le déduiray donc fidellement & le
plu5 clairement que jepourray , ce que
i'ay recueiUy de difFerentes oginions
lur cette matière , & enliiite melervant
de ce que j'y auray trouvé de meilleur
félon mon feas , & de ce que j'y pour-
ray ajouter de moy-mefine j j'en com-
pofèray vn avis que j'appelleray le
mien , que je ne prétends pas fbutenir
affirmativement, mais que je loumets à
vn autre meilleur quand il fe preientera
PLATON.
PLaton left vn des premiers qui ait
dit fbn lèntiment fiir cette matière
( il l'on peut appeller ainfi ce qu'il en a
dit dans ion Phœdon ). En effet ce que
l'on y voit eft iî peu raiionnable , que
c eft luy faire gi'and tort , de le citer
en cette rencontre , & de prendre fe-
DESFONTAINES. p
neuTemeat des imaginations bizares&
de pures rêveries qu il ne débite pas
comme de luy-mefme , mais comme
failant le récit d'vne belle fable ( c'eft
ainfi qu'il l'appelle. ) Le nom de cet
Auteur a beaucoup de crédit ^ & tous
ceux qui ont parlé de longine des fon-
taines , Font toujours mis en telle de
tous les Philolophes anciens qui e.i ont
dit quelque chofe : c eil: pourqu^v je
n ay garde de fiippnmer Ton témoigna-
ge quel qu'il puillè eftre, dans le dei-
lem que j'ay de rapporter ceux de
beaucoup d'autres qui ne font pas de
fon poids & de fa confédération .
Dans ce dialogue de PhcedDn il in-
troduit Socrate dif courant de l'immor-
talité de lame avec fes amis,, en atten-
dant le poifon auquel il avoit efté con-
damné. Après avoir parlé des âmes, de
leurs génies & conducteurs , & avoir
fait vne defcnption de la Terre qu'il di-
vife en deux parties , fçavoir vne hau-
te , où les âmes bienheureules fè reti-
rent après le ti'épas ; l'autre bafle , que
les hommes vivans habitent ; il dit qu'il
y a au deflbus de cette Terre bafîe
pîufteurs concavitez qui vont en rond
to De l'Origine
les vnes plus graades & plus profan-
cies, les autres moins , & qu elles fe ren-
contrent & ont leurs forties en diffé-
rentes manières, par leflpelles il fort
vne grande quantité d eau , qui fe verfe
dvi-iQ concavité en lautre , comme fe-
roit vne taflè dans vne autre ; Qajl y
a dans la Terre vne très- grande quanti-
té d eau , ioit froide, foit chaude , pour
fournir aux fontaines & aux rivières ;
Qh;1 y a auffi beaucoup de feu jurqu a'
tonner des fleuves, quil y en a auffi
cl eau bourbeufe, IVne plus, lautre
moms • de que tout cela eft meu de
melme quele ieroit va vafe fiilpendu
en équilibre comme vne balance qui
s'eleyeroit & sabaiflèroit tantoft d vn
cofté tantoft de l'autre altei'iiativement^
&quecelaeftainfidirposéde fa natu-
re^ Qu^ïl y a vne grande ouverture qui
traverle t3utela Terre.qui eft appellée
par les Poètes, & fur tout par Homère,
le Tartare, dans lequel tous les fleuves
viennent le rendre , & d'où ils fortent •
Qne la caufe de cet écoulement conti-
nuel eft que ces eaux n'ont m fonds
m fondement, ce qui les fut flotter de
la forte en haut & ea bas 3 Q^ lair ôc
DE s Font A IN E s. ti
le vent qui font à le itour caufent la
mefme cliofe , & qu J y a de meime
qu'aux a-iimaux vue cDatinuellerelpi-
ran on d'air ; Que celuv qui ibrc ou qui
e:itre avec l'eau excite de grands veits,
de que ces eaux ayaat coule , s'ar-
reftent en differeas lieux & font des
lacs , des mers , des fleuves , & des ton-
taines . doû s'en retournant par divers
chemins elles fe rendent au Tartare
d'où elles eftoient venues -, les vnes
plus haut , les autres plus bas , ma- s tou-
tes plus bas que n'a efté leur iflue. Il
dit enfuite qu il y a quatre principaux
écoulemeis de toutes ces eaux du de-
dans de laTerre,rvn eft l'Ocean^'autre
r Acheron , qui eft a Toppolite , & qui
s'écoule par des lieux déserts & foucer-
rains dans le Palus Acherufe où lesanies
des morts fe viennent re idre ; le tr oïlié-
me qui coule au milieu deux, eft Pyn-
phlegêton, qui après avoir coule quel-
que temps tombe dansvn lieu vafte,
où eftant échauffe par vn grand teu,
il fait vn lac ou marais deau & de boue
boùiilaite plus grand que n'eft la Mer.
A Toppolite de ce dernier fleuve eft le
quatrième qui fore avec violence , &
12 De l'O r I g I n e
qui après avoir fait le marais Stygien, &
avoir pafie par divers chemins en rond,
defcend enfin comme les autres dans
le meinie Tartare & s'appelle Cocyte.
Re flexions fur l'opinion de Platon.
Voilà cequ on dit eftre le fentimentde
Platon (iir l'origine des fontaines , qui
n eft nullement celuv d'vn Philofophe;
c eft plùtoft vn dilcours accommodé à
la croyance du ^Tllgalre du temps de S o-
crate , que Platon a cru eftre de la bien-
ieance de luy faire te.iir au lieu ou il
eft oit & principalement eftant accusé
& condamné comme vn homme qui
n avoit pas des fentimens conformes à
la religion de fon temps : Mais de croi-
re qu'il lait fait parler félon ce quil
penfoit luy-mefine , ce feroit luy faire
trop gi*and tort , & je U'ouve qu'il y
a aflez dequoy s'eftonner comment
on rappoîte ce qui eft dans ce dia-
logue pour le feitiment véritable d' va
fi grand homme , fiir lequel il y ait lieu
de fonder quelque confequence. Tous
ceux néanmoins qui ont écrit ftir cette
matière , ont pris la peine d'y répondre
auffi lerieufemeat qu'ils auroient pu
DESFONTAINES. î;
faire à vne démonft ration de geome-
me , & ont dit que Platon n'ayant point
donné de caufe à cette libration conti-
nuelle ; ce mouvement diminueroit ne-
ce flairement peu à peu & amveroit
enfin au repos de lequiLbre : Mais ils
ne prennent pas garde que Platon dit
que toutes ces choies qu il a décrites
font de la forte par leur nature, ce qui
luy eftant accordé gratuitement, com-
me il eft necelTaire^ exclud toutes les
raifons qu on pourroit alléguer contre
ion fifteme. Ils difènt encore qu'il de-
vroit avoir donné quelque cauie a ces
vents impétueux qui excitent ces flots
& qui les font couler, autrement rien
n'oblige à le croire : mais ces imagi-
nations puériles & cette belle fable,
( puis qu'il l'appelle amfi ) ne mentent
pas vne critique 1er leufe.
ARISTO TE.
ARiftote qui eftoit le difciple de
ce grand homme ^ en a parle avec
bien plus de folidité , quoy que pour-
tant il y ait aflez de diverfité dans ion
avis, comme nous Talions voir. Il dit
que plufieurs croyent que les pluyes
t4 De l'Origine
de rhyver s'eftaatamafièes daris la Ter-
re eii quel"]ues eudroits ioucieux T/Ut
élevées par les rayons du loieil jUK^ues
au haut des moiitagneSj d'eu elles sor-
tent par les ouvertures des lources &
font les rivières , & que par cette rai-
fon on les voit plus fortes en hy'>'er
qu eneftéj&quelv^uefbisfe feicher en-
tièrement félon la capacité plus grande
ou plus petite de ces refervoirs fou-
terrains. Il condamne cette opinion ,
foutenant que fi l'eau que les fontai-
nes & les rivières rendent pendant vne
année eftoit ramafsée en vn lieu , elle
feroit plus grande en quantité & en
mafiè que toute la TeiTe ou peu s'en
faudroit, ce que les pluyes & les nei-
ges ne peuvent faire. Mais il dit qu'on
peut croire que les fontaines & les
fleuves font engendrez de l'air conden-
ie & refolu en eau dans les cavernes de
Ja Terre par le froid qui y eft toujours;
& qu'il y a apparence qu'il fe fait dansla
Terre lamelmechofeque nous voyons
fè faire dans Tair hors de la Terre ; &
que comme les vapeurs que le Soleil
attire en haut fe convertiîlènt en hu-
midité, dont les parties fe joignant l'vne
D F. s FO N T A I NE s. %^
k l'autre tour des s;ourres, qui tombeat
en pluye; de melme audi les vapeurs
au dedans de la Terre pouvant eitre re-
folues en humidité par le froid qui v
eft , font des gouttes d eau qui s vnif^
fe.it eiiemble. coulent eniuite Surfont
des fontaines^ des rivières, & des fleu-
ves. Que la radon qu'il y a de croire
que cela le tait de la forte, eft qu'il y
a des tontames au pied de toutes les
montagnes , lefquelles font d'autant
plus grofles que les montagnes font
gî-andes ; que melme les plus grands
ileuves dont il fait vne énumeration
aflèz particulière v prennent leur narf'
iance. Qne la raifon pourquoy il ne
faut pas crou'e que les rivières vien-
nent d'eaux ramaisées & retenues en
relerve , eft qu'il n'y a pouit de lieu
afièz grand pour les contenir , & qu'il
ne le Tait point alTez de nuées pour
taire que tant d'eau coule de ce ^qui
auroit eftéainfi ramalsé des pluy es feu-
lement 5 s'il ne s'en engeidroit point
d'autre ; & que ce qui fait que les
montagnes rendent les eaux peu à peu,
c'eft qu'elles s'y engendrent goutte à
goutte. L'on peut juger aulTi, dit- il.
i6 De l*Ori gin e
qu il y a de grandes ouvertures & de
grandes cavernes dans la Terre, parce
que Ton voit aflez de rivières y entrer
& s'y perdre 3 fiirquoy il rapporte qu au
pied du mont Caucale il y a vn lac oii
f)lufieurs rivières très-grandes viQn.nQn.t
e décharger, fans qu'on voye aucune
ifluë par ou elles puiflènt fortir , & que
toutes ces eaux entrent dans la terre
qui les rend fort loin de là. Il croit
auflî qu*il y a de grands lacs fous la ter-
re qui peuvent fournir des eaux aux
fontaines & aux rivières. Il dit auffi
que les montagnes font comme des é-
ponges appuyées fur les lieux bas, les-
quelles diftiUent des eaux peu à peu :
car ces montagnes , dit-il , reçoivent au
dedans vne grande quantité d'eau qui
tombe denhaut & qui refroidit la va-
peur qui s'élève pour fe convertir ei
eau.
Réflexions fur l* opinion cCAriftote,
Von voit par cette dédudion du
fentiment d' Ariftote qu'il n'eft pas bien
affuré dans fa pensée , il femble mê-
me qu'il fe contredit en quelques en-
droits : car en vn lieu il dit que l'eau que
les
DES Fontaines. 17
les fleuves & les lontaines font C juler
durant vue année lurpaflè en grandeur
toute la Terre ^ Et en vn autre il dit,
qu'il y a des concavitez dans la Terre >
ou il y a de grands lacs qui peuvent
fournir des eaux aux fontaines & aux.
rivières , il eft tres-inutile de faire cet-
te remarque & de fonger à vn fi foible
fècours que celuy-là, au mefme temps
qu'il dit que les eaiLX des fontaines &
des rivières furpnflent en grandeur tou-
te la Terre : Car comme il eft certain
qu'il y a peu de ces lacs ( s il eft vray
qu'il y en ait, ) & que ces lacs ne peu-
vent faire quvne tres-petitepomon de
la Terre , le fecours qu'ils donneroient
aux fontaines & aux fleuves feroit de
nulle confideration.&ne menteroit pas
d'entrer en compte dans cette immen-
fe effufion qu'il (uppof e ; & puis avec
tout cela il hudroit que ces lacs fui-
fènt plus élevez que les fleuves , pour
qu'ils pufîent y fau'e couler leurs eaux 3
& fi cela eftoit , les Lies en auroient
moins de capacité , puis qu'ils ne pour-
roient eftre que fous les montagnes au
deffus des plaines j & cependant il dit
qu'ils font fous la terre , (ans faire
B
t8 De l'Origine
diftinétion de montagaes, ny parler Je
leur élévation au deflus de la fource
des fleuves: mais qui a jamais trouvé de
ces lacs ?
En vn autre lieu il veut que cette
prodigieule quantité d'eau fe rafle d'air
coxidensé réduit en humidité , qui fe
mettant en petites gouttes dans les ca-
vernes de) la Terre , & ces gouttes le
joignant enfemble viennent enfin à
couler. Envn autre il dit, que la Ter-
re eft feiche , & que Thumidité qu elle
a & qu'elle rend en vapeurs quand elle
eft échaufiée pour produire ces eaux,
luy vient des eaux de la pluye qu'elle
boit, fi cela eft de la forte, il n'y aque
les pluyes qui puiflènt caufer les fon-
taines, puis qu'il n'y a quelles, félon
luy-mefme,qui puiflentdonnerde Thu-
midité à la Terre pour rendre des va-
peui's capables de produire de l'eau.
L'on peut donc conclui'e fiiivant Ion
fèntiment meffne, qu'il pleut fuffiiam-
ment pour faire couler les fontaines ôc
les rivières , & que cette immenie quan-
tité d'eau des rivières pendant vne an-
née , n eft pas telle qu'il la croit , ou
bien quelle peuteftre produite parles
D Ë s FON T A I N E s. I9
pluves, ce qui eft contraire a ce qiul
fenible avoir voulu prouver.
le ne veux pas ni arrefter à ce que
luv objeaent Boiti Cardan, Scaliger,
Agncola , Valefius , touchant cette
converfion d'air en eau , Us diient que
tout l'elentent de l'air ne pourroit pas
(iiffire, eftant converty en eau , à l'é-
coulement de toutes les rivières & de
toutes les fontaines pendant vne jour-
née leulement j Scaliger en rapporte
la preuve pour tous, & dit, qu'il croit
qu'il faut pour faire vne partie deau,
dix fois autant d'air ; & que cela eftant,
il ne fe trouvera point dans la terre, de
lieu dix fois plus grand quelle. De
plu':s, que cet air changé en eau ne te-
nant plus que la dixième partie du lieu
qu'il occupoit eftant air , il refteroit du
vuide, & qu'il eft mal-aise de dire par
quelles ouvertures il reviendroit d'au-
tre air : mais ces objedions font de
mauvâife foy , tant à l'égard de cette
converfion qu'ils prétendent qu Ari-
ftote ait crue , que ce \^ide quelle
cauferoit dans la terre: car comme la
fort bien remarqué Lidiat auteur mo-
derne & de ce fiecle, dont je parleray
B y
10 De l'Origine
cy après, Anftote n'a point dit abfolu-
nient que Tair eftoit changé en eau,
mais bien lair humide, c'eft à dire,
que l'humiditè qui eft méfiée avec lair,
fe ramalTe enfemble dans les cavernes
de la terre , & fait de leau ; & ce qui
donne lieu à l'entendre de la forte efb
que, comme nous venons de dire, il
dit en vn autre endroit , que la Terre
qui eft feiche de fbn naturel, n a point
d'humidité pour caufer ces vapeurs que
celle qui luy vient par les eaux de la
pluye qu elle a beuë. Il s'enfiiit donc
que quand il a dit que Pair fe chan-
geoit en eau , il faut entendre l'air hu-
mide, ou plûtoft rhumidité avec la-
quelle il eft méfié. Pour ce qui eft du
vuide quecauferoit cette mutation, il
n'y a pas dequoy y trouver de la diffi-
culté : car puis que cette mutation telle
quelle foit, fe fait petit à petit comme
il Ta dit, l'air entrera de mefine petit à
petit dans les lieux ou elle fe fera , &
il ne fe trouvera point de vuide com-
me ils prétendent.
La remarque que fait Ariftote qu'il
y a des rivières au pied de toutes les
grandes montagnes & que de grands
DES Fontaines h
fleuves y prennent naiflance , ne prou-
ve rien de Ion pnnape : car Ton ne
fçauroit de là tirer aucune confequen-
ce que toutes ces eaux viennent de l'air
condensé & changé en eau.
EPICVRE.
EPicure dans Ton Epiftre a Pytoclus,
rapportée par Diogene Laerce , dit
que les eaux des fontaines & leurs écou-
lemens continuels peuvent eftre en-
gendrez à leurs lources , ou de ce que
des eaux venant de plus loin continuel-
lement mais petit à petit , s'aflemblent
& coulent enfemble fous la terre en
ce lieu-là , ou de ce qu il y a en cet en-
droit-là meime vne grande quantité
d eau amafsée , qui peut fournir à cet
écoulement continuel , & que tous les
grands fleuves font caufez par ces ruif^
féaux quoy que petits chacun en par-
ticulier 3 lefquels coulant fur la pente
des collines fe rendent les vns dans les
autres , & enfin s'afl^mblent tous dans
vn canal pour faire vn grand fleuve.
Reflexions fur ^opinion eCEpicure.
Tout ce qu on peut inférer de ce
îi De -l'O r I g I n e
que dit Epicure eft quil croit, que les
fources loiit causées par l'amas des eaux
fbuterraines , qui s'vaifîaat les vues aux
autres font ces écoulemens qu'on ap-
pelle foataiiies , de mefine que les fleu^
ves font caufez par laflèniblage des
ruiflèaux qui coulent des (ources & des
fontaines : car pour ce qui eft de l'o-
rigine de l'eau qui compofe l'va ôc
l'autre il n'en parle point.
VITRVVE.
QVoy que Vitruve naît pas fait
profenTionde laPhilofbphie^nean-
moins fon livre d' Architecture qu'il a
laifié à la pofterité eft remply de tant
de remarques & recherches curieufes
que l'on peut écouter fbn avis touchant
les fontaines , (inon comme celuy d Va
Philofophe, du moins comme celuy
d'vn homme de bon fens qui avoit vne
grande expérience & beaucoup de le
<5lure. Il paroift donc dans le huitième
livre de fon ArchiteclurejOÛ il parle des
fontaines & de leurs qualitez, qu'il croit
qu elles fo.it causées par les eaux de la
pluye & de la neige de fhyver , qui
traverfant la terre & s^arreftant aux
DESFONTAINES. 23
lieux folides & non ipoîi2;ieux,vie laeat
à couler par les fources. Qae ces pluyes
tombent ordinairement fur les monta-
gnes , ou elles s'arreftent dans les lieux
creux, ou il croift beaucoup d'arbres
qui y confervent la neige tort long-
temps, laquelle le fondant peut à petit
s'écoule inlenfiblement par les veines
de la terre, & que cette eau eftant
parvenue au pied des montagnes y pro-
duit les fontaines.
Reflexions fur l' opinion de Fit raye.
Le fentimentdeVitrlive eftle Cq-i-
timent ordinaire , & de la façon qu'il le
conçoit & tous ceux qui font de cette
opinion , Ton y peut trouver deux
grandes difficultez ^ l'vne quil fuppofe
la pénétration de la terre par les eaux
de la pluye, que j'oferay dire neftre
ni véritable ni pofTible , l'autre qu'il
fuppofe aufli vue quantité fulBlante de
ces mefmes eaux de pluye pour four-
nir aux écoulemens continuels des fon-
taines , ce qui n eft point véritable non
plus 3 & parce que dans la fuite nous
verrons plus amplement la preuve de
ces deux difficultez , nous n en dirons
24 De l'O r I g I n e
pas davantage prefentemeiit.
SENEQVE.
SEnequea parlé fort amplement fiir
cette matière , mais il y a plus d é-
iegance dans la manière avec laquelle
il a expliqué fbn opinion , qu'il n'y a de
vray-femblance. Il n eft pas de lavis
de ceux qui croyent que ïeau des
pluyes & des neiges Toit le principe &
l'origine des fontaines. II en rapporte
leurs railbns qu il reftite & dont nous
dirons quelque chofe en Ton lieu ; ea-
fiiite il dit qu'il y en a qui croyent , &
c'eft aufîl fon avis , que dans la terre
il y a de grandes concavitez & beau-
coup d'air, lequel a caufe de la graade
ombre dans laquelle il eft & de la gran-
de froideur de ces lieux- la , & aiiffi à
cauie que cet air n'a aucun mouve-
ment ny aucune agitation, eft con-
verty en eau ; de mefine que nous
voyons fur la Terre que les lieux ren-
fermez & inhabitez lont humides , &
que l'air qui y eft fe convertit en eau,
Quelairqui eft icy-haut, à caufe de
l'agitation continuelle dans laquelle il
eft par les vents dont il eft poufié , &
par
DES Fontaines. 25
gar la chaleur du f bleil qui le dilate ,
le trouve rarement dans cette oifiveté
neceflaire pour ce changement en eau ,
& c'eft pourquoy aulTi il ne pleut pas
contmuellem-ent : m.ais fous la terre oii
il y a vne ombre perpétuelle , va froid
éternel , & vne continuelle épaifieur
fans mouvement, il eft facilement coa-
verty en eau 3 & c'eft, à ce qud dit, ce
qui donne naifîance au cours continuel
des Fontaines & des Rivières. Il croit
de plus que la terre fe peut changer en
E au, & que les vapeurs qu'elle exhale
s'épaifTjflant à cauTe qu'elle les rend
dans vn air enfermé & contraint , &
non émeu & agité 3 le changent incon-
tmant en eau : Car, dit-il, toutes chofes
fe fopA de toutes chofes ; l'air le fait de
Peau, & le feu de lair 3 l'air-fe fait aufîî
du feu , pourquoy la terre ne fe fera-
t-elîe pas de l'eau , & Peau de la teiTe f
Car fi la terre le peut changer en quel-
que choie , ce fera principalement en
eau. Elles ont toutes deux celade com-
mun , que l'vne. & l'autre eft épaiflè &
pelante & rangée au lieu le plus bas de
r Vnivers 3 ii de l'eau il le fait de la terre,
pourquoy de la terre ne fe fera-r-il pas -
C
26 I>E l'O R I g I N E
de l'eau ? Qnand on confidere , cotiti-
nuè-t-il 5 les fleuves , leur grandeur ,
& la quantité qu'il y en a dans le Mon-
de '■ comment ils coulent toujours avec
abondance & avec rapidité , l'on eft
dans vn grand eftonnement , & Ton a
de la peine à s imaginer d'où ils peu-
vent venir, & ce qui peut leur fournir
tant d'eaux nouvelles pour entretenir
leur cours. Mais que dira-t-on de voir
lair chaise continuellement par les
vents avec violence , non pas dans va
canal borné & limité comme les riviè-
res , mais par toute la vafte eftendue*
du ciel ? & cependant il ne manque
point d'air pour (iicceder à celuy qui eft
chafsé , & la raifon eft , qu'il retourne
en luy-mefine : car les élemens, dit-il,
ont des retours alternatifs & coniecu-
tifs les vns aux autres , ce qui périt pour
Fvn tourne à profit à l'autre. La Na-
ture , continu'é-t-il , tient comme dans
vne balance les parties dont elle eft
composée , defquelles elle tâche de
conierver l'équilibre, de crainte que
s'il venoit à s'altérer , le Monde ne per-
dift aufli Ton équilibre duquel dépend
là conrervation. Toutes chofes, ajoute-
DESFONTAINES. 1/
t-il, font dans toutes chofesj l'air ne le-
chan2;e pas feulement en feu , mais il
n eft^jamais fans feu, fi on luy ofte la
chaleur il durcit Sc^demeure fans mou-
vement; fair ne le change pas feule-
ment en eau , mais il n'eft jamais ians
eau; laterrefaitdeFeau&derair, &
n'eft jamais fans eau&iàns air, & ce
paflage de l'vn en fautre luy eft d'au-
tant plus facile qu elle eft déjà méfiée
avec celuy auquel elle doit paflèr. La
terre a donc en elle de 1 eau qu'elle
peut faire lortir , elle a de l'air qu'elle
épailTit par le moyen de fombre & du
froid pour en faire de leau ^ & enfirn
elle fe change elle-mefine pai* la difpo-
iition qu elle a de fa nature à fe chan-
ger , en quoy elle ne fait qu'\^er de fes
diroits. Seneque ayant eftably de la
forte fon opimon , fe tait deux obje-
ctions. La première eft contre ce qu'il
dit , que r ombre & l'oifiveté font que
l'air fe convertit en eau, & à ce lujet il
rapporte que Theophrafte dit , qu'au-
trefois le mont Hemus eft oit fec &fan$
eaux: mais que les Gaulois s'y eftant
retirez , pomfuivis qu'ils eft oient par
C affandus , coupèrent les forefts & les
Cij
a8 De l'O r I g in e
bois dont cette montagae eftoit cou-
verte 5 d'où il fortit vue très-grande
abondance d eaux. L'on crut que la
cauie de cela eftoit que Teau que Ton
voyoït couler alors , avoit efté retenue
par les bois pour leur nourriture parti-
culière avant qu'ils fuflent coupez; &
que les bois n'y eftant plus , cette nour-
riture {iiperfluc s'écouloit de cofté &
d'autre , & faifoit ces ruiileaux nou-
veaux & extraordinaires ; & il ajoute
que pareille chofe arriva auilî en la
Magaefie au rapport du mefme Theo-
phrafte.
La confèquence que Ton pouvoit
tirer de ce fait eft , que fi le principe
que Seneque établit, (cavoir l'ombre
& roifiveté de l'air , eftoit véritable
pour le convertifîement de F air en eau,
il auroit deu arriver le contraire de ce
que Theophrafte rapporte : car au lieu
que tant que le mont Hemus a efté
couvert de forefts , il n'a point paru y
avoir d'eau ; l'ombre & i'oifiveté de
l'air qui ibnt continuellement dans les
boii devroient en avoir produit en a-
dondance dans ces forefts 3 3c au con-
traire il ti auroit pas dû y avoir d'eau
D E s FO N T A I NE s. ip
après k def^rudion de ces forefts , puis
que l'ombre a y eftoit plus , de que hiir
fe trouvant par ce moyen exposé à l'a-
citation des vents , & à la dilatation diî
ioleil n'eftoit pas difposè à eftre chan-
ge en eau
Seieque répond à cette objeclion,
en le laTchant vn peu contre Theo-
phrafte, & difànt , que , ne luv en dè-
plaife , il n'y a pas de vraifemblance à
ce qu'il raconte , pource qu'il eft cer-
tain , dit-il , que tous les lieux ombra-
geux font toûpurs humides; ce qui ne
ièroit pas véritable f\ les arbres des fo-
reils delleichoieit cette humeur pour
leur lei-vir d'aliment : outre que des ar-
bres coupez devroient conliimer da-
vantage d'humidité, en ayant plus de be-
foin pour croiftre que pour fe nourrir
feulement; & de plus , que les rivières
prennent leur naiflance bien plus bas
que ne peuveit aller les racines des
arbres.
L'autre objection eft du mefrne
Theophrafte , qm dit qu'il arriva a peu
prés la mefine chof è vers vne ville de
Candie nommée Arcadie, ou les fon-
taines & les lacs des environs demeure-.
C uj
30 De l'Origine
rent à fèc, à caufe que la ville ayaat
efté ruinée , les teixes d'alentour de-
meurèrent incultes 3 & que peu après ,
lors que le peuple y fut retourné, &: eut
labouré les terres à l'ordinaire, les fon-
taines recommencèrent à couler. La
raifon qu'il en rapporte eft , que la ter-
re, faute d'eftre cultivée devint telle-
ment dure par le deflùs que les eaux
delà pluye ne la pouvoient pénétrer &
s'ccouloient ainfi inutilement.
Mais Seneque répond , que cette
objection ne prouve rien , pource qu il
y a beaucoup de deferts où il (e trou-
ve quantité de fontaines , & qu'il eft
bien plus certain , qiie l'on habite &
cultive les lieux à caufe des fontaines
qu'on y rencontre, qu'il neft certain
que les fontaines s'y engendrent a caufe
de la culture des terres.
Re flexions fur l'opinion de Seneque,
S'il n y avoit point de plus fortes ob-
je(5fcions à faire contre cette opinion
que les deux que luy fait Theopnrafte,
ce feroit peu de chofe. Deux cas fingu-
liers chacun en leur efpece , dont meP-
me la vérité n eft pas trop conftante j &
DES Fontaines. ^t
dont Seneque veut douter, ne feroient
pas lufHfans pour y donner étreinte;
ces cas pourroient avoir leurs rations ,
qu il feroit aisé de découvrir , fi le fait
cftoit bien examiné : mais la difficulté
eft dans la transmutation de ces éle-
mens les vns aux autres , laquelle vé-
ritablement eftoit conforme a la Phy-
fique de fon temps : mais on eft à pré-
sent bien revenu de ces maximes an-
ciennes , on croit bien que la terre
& leau, lair & le feu, font capables
de meflange des vns avec les autres ,
mais non pas de changement de Tvii
en lautre; & toutes les raiions quei
rapporte Seneque, font plûtoft raifons
de Déclamateur que de Phyficien. La
comparaifon qu'il tait de lair pQufsé par
le vent ne prouve & n'explique en au-
cune façon le cours continuel des ri-
vières : il ne parle que d'vne fimple
agitation , femblable à celle de l'eau
d'vn lac ou d'vn étang agitée par le
y^nt^ laquelle lemble couler à caule
que le deflus eft poufsé d'vn cofté à
l'autre y mais où il ne fe fait point pour
cela de nouvelle production &oû c'eft
h mefme qui revient toujours , & qui
C iuj
32, D H l'O r I g I n e
kiit celle qui la devance. Il e:i eft de
mefîne de l'air poufsê par le ve.it.
PLINE.
PLine qui a obfevé fi (oigiieufe-
meat les chofes de la Nature , peii-
fe celle-cy tout autremeitque Se:ie-
que : car îans le mettre en peine com-
me luy de la génération des eaux , il
ne s'applique qua trouver les caufesde
leur élévation au haut des montagnes.
Il croit qu'il y en a deux , l'vne qui eft:
l'air ou le vent qui poufle l'eau & l'éle-
vé en haut ; l'autre, qui eft le poids de
la Terre , qui agiflant iur l'eau la fait
aulîî monter.
Reflexions fiir r opinion de Pline,
La première caule pourroit eftre re-
cevable , fi l'on connoifloit l'origine de
ces vents & de ces eaux : car il fe pour-
roit iaire que le vent eftant enfermé
dans les concavitezde la Terre où il y a
dei'eau5& venant à s'augmenter, poûf^
feroit l'eau en telle forte qu'il la feroit
monter jufque au haut des montagnes
les plus élevées , Comme il arrive ea
quelques machines Hydrauliques , où
DESFONTAINIES. 3^
ae l'ecui eftant mife , & de Tair y eftant
pDufsé enriiite, reauei fort avec vio-
leace , beaucoup au defliis de la ma-
chine: mais cela ne dure qu'autant que
l'air que Ton v a poufsé demeure preisé :
caraufTi-toft qu'il eft foiti allez d'eau
pour faire que- l'air puiiïe reprendre fa
f)lace & fe tirer de contrainte , l'eau ne
brt plus; & ainfi il faut toujours re-
nouveller leau afin de remettre l'air en
contrainte, & l'obliger àpoufîèr l'eau
pour ravoir fa liberté. Il eft donc que-
ftion icy de fçavoii' , comment après
que la première impulfion de l'air aura
chafsé l'eau en haut, il pourra y en re-
venir d'autre : car ilfe fait vne pareille
violence pour faire entrer Veau dans
ces machines qu'il s'en fait quand elle
en fort.
Valezius qui eft de l'opinion, de Pli-
ne à cet égard, ajoute, que l'eau eftant
poufsée de la forte au haut des monta-
gnes, y eft rereiué dans de grands re-
fervoirs qui y font.
Outre laVaifon que fay rapportée
contre l'opinion de Pline , Lydiat autre
Philofophe de ce fiecle, dont je parle-
ray cy-aprés , la combat encore par
54 De l^Origine
d'autres raiforts qu il rapporte dans va
fçavant Traité qu'il aJait de l'Origine
des Fontaines , imprimé à Londres en
1(^05. Il dit 5 que le vent ne s*éleve
point par vn ordre réglé : mais de met-
me que tait la tempefle fiir la mer,
dont les périodes font inceitaines ^ &
qu ainfi il n'y a aucune apparence de
donner, pour caufè d Vu efret aufTî ré-
glé que l'eft le cours des fontaines , le
vent qui Feft fi peu dans fàprodudion.
Et d'ailleurs 5 qu'encore qu'on flippo-
faft qu'il y a dans Teau va certain air
impulfif, comme le fiippofè le mefîne
Valezius & quelques autres avec luy ,
fuivant le ientiment de Pline^ cet air
qui de fa nature eft léger , ôc de figure
pyramidale & aigu'e , comme il le dit ,
porteroit leau qui eft pefànte & fluide
a fe ranger plûtoft aux coftez des ca-
naux & des cavernes des montagnes ,
qu'à leur fbmniet 5 puis que d'ailleurs le
vent quelque impétueux qu'il foit , n a
jamais élevé les flots de la mer dans la
plus grande tempefte^aurfi haut que les
montagnes dont on voit lortir les four-
ces : ce qu'il pourroit encore moins fai-
re ^continuë-t-Uj eftant enfermé dans
DESFONTAINE^. ^Ç
des canaux étroits & recourbez, com-
me le font ceux du dedans de la Terre.
Quant à l'autre caufe qu il allègue ,
qui Q.it la pefanteur de la Terre, (uivant
lopinion de Thalez qui en eft le pre-
mier auteur , au rapport de Seneque,
& que Bodin & Scaliger ont depuis
fuivie , elle eft hors de toute vraifem-
blance : car il y a bien plus d'apparence
de croire que l'eau pefe fur la terre,
que de dire que la terre peie fiir Teau ,
puis qu'il n'y a m fontaine m rivière , m
Mer qui n'ait la terre pour foûtien &
pour fondement.
SAINT THOMAS
- & les Philofophes de Connimbre.
SAint Thomas , avec les Philofophes
deConnimbre,difent que l'eau de la
Mer , dont toute la Terre eft pénétrée
par le moyen des ouveitures qui y font,
eft attirée au fommet des montagnes
par la force & vertu des Aftre^ & cela
par la raiion, dit (aint Thomas , que les
corps inférieurs, outre leur mouvement
propre & particulier , iiuvent en quel-
que façon celuyd.çs corps fupeneiu'Si
l6 De l'O r I g I n e
& que , plus le corps inférieur eft par-
fait , plus il participe au mouvemeat du
fiiperieur : de meime qu'on voit , dit-il,
que le5 corps celeftes , outre le mouve-
me it propre & particulier à leur Tphe-
re, rerieanent quelque chofe dumou-
vemeat de celle qui eft au deilùs, &
par larjuelle ils font emportez.
Les Philofophes de Conmmbre a-
joute it a cela^que la Terre de Ton cofté
attire auilî i'eau par la raifon de fa gran-
de ieicherefîe , & aue cette eau n'eft
pas élevée au haut clés mojitagaes par
vn droit chemin, & à plomb : mais par
des voyes obliques, tortues & recour-
bées^ & quainh cette élévation, fe fait
partie par la vertu des Aftres , partie
par la faculté attracSlive de la Terre qui
la fiicce comme feroit vne éponsie,
Re fier mis fur l'opinion defaint Thomas
& des Philofophes de Conramhre,
Les véritables Phyf ciens nadmet-
teit aucunes vertus ny facultez aux
orps dont ils veulent connoifire ou
expliquer la nature , pource que ces
vertus & ces facultez font aulTi cachées
D E s FO N T A I N E s. 57
que la chofe merme que l'on cherche ,
de louveit ces vertus cachées vUie nous
fiippoioas lie ioPxt qu vae excuie à no-
ftre ignoraace. C'eft pourquo!}^ l'opi-
niom cy-defTus dl peu fondée a cet
égard; les vertus que les Phyiicie is coa-
noifleit dans les Àftres font la lumiè-
re dans le Soleil , & peut-eftre aulli Ja
chaleur ; & pour la lunnere qui eft dans
les autres Aftres, elle n'y peut eftre
que par re'^exion de celle du Soleil,
comme elle y eft évidemment dans la
Lune. Le rapport qu'il y a du flux &
du reflux de la Mer. avec les accroilîe-
mens & decroifiemens de cet Aftre, ne
les porte pas meime a luy donner vue
vertu particulière pour caufer cet effet
fi admirable; ils ne s'arreftent nulle-
ment a cette apparence, & cherchent
d'autres raiions plus Iblides & plus con-
vaincantes : c'eft pourquoy a l'égard de
la veitu des Aftres il n'y a pas lieu de
fuivre cette opinicn.
Pour ce qui eft de la feichereflè de
la Terre que l'on fuppofe attirer leau
à elle par des chenu is détournez &
obliques ; quand on demeureroit d'ic-
cord que cela ie lait^ il ne s'eniuivroit
5^ D E l'O ri g I n e
pas pour cela que les Fontaines puflent
avoir pour principe ce (uccemcnt de la
Terre, puis qu'il eft certain par expé-
rience qu vne éponge que Ton prend
pour exemple , ne ki/îe point écouler
hors d'elle l'eau qu elle a tirée , non
plus que la terre ou le fable fec quand
ils ont attiré de l'eau , nonobftant ce
qu en dit Magnanus.
S C A L I G E R.
IVles Scaliger , dit qu'au commen-
cement du Monde y la terre eftoit
toute ronde, couverte & environnée
d'eau par tout également, & l'eau fem-
blablement environnée d'air 3 & que
les lieux ou eft oient fituez ces élemens
eftoient leurs lieux propres & naturels.
Qiïaprés cela Dieu creuia la Terre
pour y faire venir la Mer , & que de ce
qu'il en ofta il en fit les montagnes j &
comme dans ces montagnes il y avoit
des concavitez & des cavernes , qui
faiibient tenir à la Terre plus de place
qu'elle n'en occupoit dans fon lieu na-
turel; Teau qui auparavant l'environ-
noit également par tout , fat contrain-
te de le retirer pour faireplace à ces
D E s F O N T A ï N E s. 59
montaG;aes .dccaCo, retirant de s élev«r
iur la propre iuperncie. Que cette eau
élevée de la forte , & qui n eftoit plus
dans Ion lieu naturel & propre , com-
mença à pefer fur lautre , & trou-
vant dans la Terre des ouvertures &
des canaux , monta jufques aux embou-
chures des fources qu'elle fit couler ^
poufsée qu elle eftoit par celle qui
eftoit au defllis d'elle ; & que c eft de
cette façon que les fources ex les Fon-
taines font produites fyr la Terre,
Réflexions fur V opinion de Scaligcr.
De la manière que Scaliger expofe
fa pensée , il faut y fappleer beaucoup
de chofes quil ne dit pas. Il ne parle
point des diminutions ny des accroif^
fem.ens des Fontaines. Il ne parle point
aufll du de{ralement des eaux de la
Mer 5 m de beaucoup d'autres difficuî-
tez qu'on pourroit trouver dans fon o-
pinion : mais s'il n'y avoit que cela à re-
dire > il feroit aisé de le fuppleer en fa-
veur d'vn perfonnage comme luv, fi
fçavant en toutes choies. Le principal
manque au fifteme qu'il propofe: car
qiund on le luy accorderoit tel qu'il
40 D E l'O r I g I n e
leftâblit , (ans examuier, pour (bii hon-
neur , fi ce creuiemeiit de la Terre pour
y recevoir des eaux pour faire la Mer,
a pu faire monter les premières eaux
plus haut qu'elles n'eftoient au C3m-
meacement , quand elles eftoient en
leur lieu naturel, comme il l'appelle;
il n'eft pas poffible que l'eau de la Mer
puft monter au haut des montagnes par
la feule pefanteur de cette eau hors de
(on lieu naturel, pource que cette pe-
fànteur ne peut opérer qu vn fimple
équilibre avec l'autre ; c'eft à dire que
celle qui eft: pouftée ne montera point
plus haut que la fùperficie de celle qui
la pouffe : & comme cette fùperficie
n'eft poiiit plus haute que les rivages
de la Mer , elle ne pouflera de l'eau
que jufques à cette hauteur. Cette vé-
rité eft c:>nftante & ne mente point
d'eftre prouvée.
CARDAN.
CArdan eft aflèz empefché fiir cette
matière, de avant que d'en dire ioa
avis 5 il réfute quelques- vnes des opi-
nions que nous avons déjà rapportées;
de confiderant la quantité eftonnante
des
DES F O N TA I N I S. fl
des e:iux des Fontaines & des Rivières,
&la manière dont on prétend qu elles
font élevées au haut des montagnes , il
dit , qu'il fi'v a pas d appare ice que le
rex%x de la Mer puifle chaffer des eaux
juiques au haut des montagnes , com-
me quelques-yns le difent 3 puis qu'il
n }■ a point de railon pourquoy ces eaux
avant que de parvenir en ces hauts
lieux , ne puiffent pas s'échapper a va
cofté ou d'vn autre par tant d'ouvertu-
res qui font dans la Terre , & cela d'au-
tant plus facilement , qu'eftant pous-
sées avec violence j elles doivent cher-
cher naturellement leur liberté : & que
le mouvement de ce reflux , devant
eftre i'ort violent pour chaffer des eaux
fi haut & fi loin , donneroit vn ébi^an-
lement à toute la Terre. De plus , qu il
ne devroit point y avoir de diminution
dans le cours des Fontaines, puis que
le reflux eft ordinairement égal. Il fou-
tientauffi que depuis le temps jjue cette
circulation fe fait , la Mer & les Riviè-
res devroient eftre ieichées par la cha*
leur du Soleif II dit auiTî qu'il n'y a pas
d'apparence que les pluyes & les nei-
ges puiflent produire Yne aufTi grande
D
4î De l'Origine
quantité d'eau que l'on en voit couler,
QujlI eft pareillement incroyable qu'il
fe puifle faire continuellement vne (i
grande génération d eau. Enfin il fe ra-
bat À dire que l'eau s'engendre &e{l
produite de toutes ces caufes enfem-
ble : mais que la principale origine
vient de l'air qui fe change facilement
en eau. Que l'eau des pluyes augmen-
te les Rivières. Que les rosées du ma-
tin en Efté, & les bruines en Hyver,
avec rhumidité de la nuit y contri-
buent aufïj beaucoup ^ & que de fait
Ton remarque , que les fources & les
Rivières font plus foibles le fbir que le
matin, à cauie de l'arrivée du Soleil
qui diflîpe ces humiditez , ce qui fe
voit principalement au Primtemps &
en Automne j & qu'ainfMes eaux , qui
au dedans des montagnes s'engendrent
par la fraifcheur des pierres , & au de-
hors par celle de la nuit, viennent à
couler infenfiblement , & s amaflant
deçà & delà en petits ruiiTeaux , font vn
fleuve médiocre , & que plufieurs de
tels fleuves joints enfemble en font va
grand. Il croit auOî que rimpetuofité
éi reflux de la Mer pouiTe des eaux:
DESFONTAINES. 4^
daas la Terre , qui font des fources
ri'eau douce ea les iaiiaat paffer à tra-
vers plufieurs fortes de ten'e ; & que
quand elles perdent leur ialeure &
leur amertume , c'eft moms par cette
percolatioQ que par la rencontre qu'el-
les font des eaux douces de la pluve ;
& à ce iiijet il remarque trois cauies de
ce deflalement. La première eft, dit-il,
la pefanreur du fel qui le fait defcen-
dre au fond de Peau quand elle lïeft
point agitée : car la Mer , dit-il , ne
confen'e fa Ialeure dans toute fa malTe
que par Pagitaaon de ion flux & reflux.
La féconde caufe cft l'écoulement
paifible de Teau parniy pluiieiu's efpa-
ces de terre , pendant lequel le fel def-
cend au fond & y demeure. La troi-
sième efc le medange des eaux douces
des pluye3 & des neiges qui le rencon-
trent en chemin,
Re flexions fur F opinion de Cardan,
Le fentiment de Cardan paroift âC-
icz raiionnable, & d autant plus ac-
compagne de bon fèis , qu'il veut don-
ner plus d'vne caule à vn effet auHl
grand qu'eft l'écoulement continuel
D u
44 De l'Or i g i n e
des fourcesSc des Rivières : Et de vray^
il iiy a pDint de Philoiophe qui ne fça-
che que nea ne fe produit dans la Na^
ture par vne (eule caufe , Néanmoins
quand on examinera de prés celles qu'il
veut eftablir , Ton y trouvera beaucoup
à redire. Car premièrement, celle qu'il
donne pour la principale qui eft le
changement d air en eau , eft fans con-
tredit la moins bonne ^ ôc pour parler
franchement elle ne Teft point du tout;
pource qu'il ne fè fait , comme il a eftê
dit cy-devant 5 aucune mutation, non
feulement d'air en eau^mais de quelque
autre ch jfe ]ue ce foit en vne autre ,
telle qu elle pu^fle eftre. Ce:te maxi-
me eft veritab'eme it fort contraire à la
Philofophie des fiecles palîèz : mais les
expériences qu'on a faites de tant de
choies , ont découvert & afTurê cet-
te venté.
A l'égard des pluyes il ne les donne
que comme vn fecours à cette pre-
mxre caufe : miais ce qu'il dit de la ro-
sée du Primtemps , des bruines de l'Au-
tomne & de la fraifcheur des nuits , qu'il
croit augmenteer vifiblement le coins
des Fontaines & des Rivières au matta^
DHSFONTAINES. 45
eT: beaucoup imagnaire ; car il n'y a
g :ere d'appareice de croire que des
choies auitî légères & aufTi peu ioli-
des, que le font la rosée, la brume,
& la fraiibheur de la nuit, ^uiiTent faire
croiftre viïïblement les Riv: ères au ma-
tin , puis qu'a peine peuveit- elles faire
des gouttes d'eau fur la p )i re des her-
bes en Efté, &{iirles filets d*araigaé es
qu'on voit fur les buiil ms e i:\utDmp.e,
où elles font diffipées, c^mmeil dit
luv-mefme , au premier regard du So-
leil. Commeit do:ic pourroieit- elles
augmenter l'eau dVne Rivière qui
coule ? & comment a-t-il pu s'ei ap-
percevoir? Il devroit dire les moyens
dont il s'eft iervy pour taire cette ex-
périence, pource que je tiens que ce
n eft pas vne chofe aisée que de me-
furer de l'eau courante , mefme )ui^
ques à la valeur d Vn poulce ^ les plus
expérimentez ont de la peine a le ren-
contrer d'accord en vne femblable oc-
cafîon. le l^ay bien que ceux qui gou-
vernent des Moulins liir l'eau aflurent
que leur machine eft meueavec plus
de rapidité & de torce le matin que le
foir j ôc là dellus ils ont voulu dire , que
4<^ De l'Origine
l'eau qui k faïf oit aller couloit avec plus
d abondance au matin quaufoir: mais
fi ce mouvement eft tel , qu'ils difent
comme il fe peut faire , il n'en faut
pas attribuer la caufe à vne augmen-
tation d eau : mais pluftoft à la fi'oi-
deur qui eft plus grande dans l'eau au
matin , à caufe de la nuit qui eft tou-
jours froide , qu'au foir qu'elle eft
échauffée par Je Soleil dujour, & cette
froideur ajouftantài'eau vne pefanteur
nouvelle fait tourner la machine plus
vifte & avec plus de force.
Mais pour revenir a noftre Auteur,
ce qui eft eftonnant , eft qu'après avoir
refuté avec des raifons qu'il croit per-
tinentes , l'efFet qu'on veut donner au
flux & reflux de la Mer , il eft néan-
moins contraint d'y avoir recours , (ans
répondre aux objections qu'd y a faites
iuy-mefme, & principalement à celle
de l'ébranlement qu'il cauferoit à tou-
te la Terre par ia violence: comme d^,
pouf y avoir joint d'autres caufes, com-
me le changement d'air en eau, les
rosées & les brumes avec la fraifcheur
des nuits , cet ébranflement ne pouvoit
plus eftre produit par cette violence
DESFONTAINES. 47
qu'il ne ir fi confiderable.
Les Chimifres ne font pas d'accord
que Teau de la Mer fedeflale fi facile-
ment que le preteiicl aodre Auteur. Il
eil biei vray viue l'on en peut tirer
le Tel fixe ; il eft vray aulTi que fa
pefàateur le peut faire deiceadre au
toad de l'eau , que meime il peut eftre
arreii:è dans les différentes terres par
le(l]uelles il paffe : mais le fel voIatiJe
eft tellement attaché a l'eau , qu'il ne s'en
peut tirer m feparer que par évapora-
non & diftillation, encore faut-il qu'el-
le Toit faite lentement , autrement le
fel la iùivroit , & leau Ibrtiroit lalée
de Falembic, fi l'on luy donnoit le feu
trop violent. Il eft fouvent tombe des
pluyes falées, de du fel melme des
nuées , fur la Mer & lur la Terre , par
la raifbn de la grande chaleur du Soleil
qui avoit hafté & précipité cette eva-
poration. L'on voit auiTi que quelque
le! quon ait tiré des marais iàlans, leau
qui y refte eft toujours (àlée autant
qu'auparavant ; il en eft de mefmie de
celle qui refte dans les chaudières où
le fiel fe fait avec le feu , comme en
Lorraine ou Franche-Comté & ailleurs.
48 Dk l'Origine
Ce n'eft pas que quelques Habiles
Chimiftes ne difeit que l'eau de la
Mer fe peut deflaller entieremeat par
percolation daas la terre : mais ils veu-
lent que cette percolation foit repérée
dans des terres différentes, & qu'elle
fe fafîe de bas en haut ^ c eft à dire que
l'eau doit monter dans la terre & non
pas y deicendre , & c eft ce qui ne ie
peut Elire que par artifice , & non pas
naturel lement. Aufïî ceux qui ont vou -
lu donner l'eau de la Mer pour le feul
principe des Fontaines , fuppolent va
grand feu fous la Terre qui la fafle di-,
ftiUer, comme nous ledironscy- après*
Car de dire que la rencontre iies eaux
de la pluye defîale celle de la Mer,
il en faudroit trop pour cela& en plus
grande abondance que celle de la Mer
mefine , & en ce cas ce fecours des
eaux de la Mer ne f eroit que d'vne
très-petite confîderation , & de plus
elle ne fer oit pasdefialée entièrement.
Georgius Agiicola eft de l'avis de
Cardan j II dit que l'isau eft tres-fbu-
vent engendrée dans la Terre : Que
quelqueFDis elle provient des pluyes,
mais rarenieat de la Mer.
L'on
DES Fontaines. 49
L'on peut remarquer que Cardan a
cm que lévaporation de l'eau fe fai-
ioit en pure perte pour Teau fans re-
tour , quand il dit que la Mer devroit
eftre ieiche & les Rivières aufli ^ de-
puis le temps qu'elles coulent l'vne &
l'autre par circulation , ce qui n eft pas
félon le ieatiment des Philofophes de
ce temps icy,
W. DOBRZENZKI
de Nigro ponte.
IAcquesW.Dobrzézki deNigro pon-
te 5 Bohémien , dans ion traité De la
nouvelle Philofophie touchant le génie
des Fontaines , imprimé à Ferrare en
t (^5 7 . eft de l'opinion de Cai'dan en ce
qui eft leulem^ent de la condenfation
& changement de l'air en eau^ & du flux
& reflux de la Mer , fe fervant des niei-
mes rallions que luy ^-à.quoy il ajoufte
la remarque qu'il a faite en Sicile , au
lieu de S Cille & Canbde , où l'on voit,
dit-il , vne quantité prodigieuie d'eaux
eftre englouties en vn moment dans
des gouitres & cavernes fpacieufes ^ &
dit que tant d'eaux n'entrent pas dans
la terre inutilement , & fans eftre
E
ço De l'O r I g I n e
rendues par quelques autres endroits,
comme leroieiit les Fontames. Et pour
prouver que le deflalement des eaux
fe fait de la forte que le dit Cardan ,
parle meflangedes eaux douces quel-
les rencontrent , il dit que les eaux des
Fontaines ont quelque gouft de iel
plus elles s'approchent de la Mer , &
au contraire qu elles en ont moins plus
elles s'en efloignent.
Keflexkns fur t opinion de
Vy, Dobr^en^kj.
Ce que rapporte noftre Auteur, de
ce qu'il a veu en Sicile , ne prouve
rien de ce qu'il prétend. Première-
ment , fi ces eaux font englouties,
comme il le dit , & comme cela peut
eftre,ces eaux- là ne peuvent pas fervir
au cours non feulement des Fontaines,
mais des Rivières meimes 3 puis que la
Mer eft plus bafle qu elles , & que ces
eaux- là descendent dans des lieux en-
core plus bas , puis qu'elles y entrent ^
volontiers , & avec tant de vîteffe.
Secondement, cette liberté avec la-
quelle elles entrent dans ces gouffres
ae les peut pas obliger à monter au
DESFONTAIMES. Çt
haut des montagnes , comme poiirroit
faire le reflux dont la violence eft
actuelle : Mais le flux & reflux de la
Méditerranée eft tres-petit &; preique
infenfible.
Quant aux Fontaines qui font moins
falèes plus elles s'éloignent de la Mer ,
ce n eft pas à caufe que les eaux de
la Mer rencontrent des eaux douces
qui les défiaient ; mais c'eft pluftoft,
& avec plus de vraifemblance , parce
que les eaux douces de la Terre ren-
contrent davantage d'eau de la Mer
plus elles en approchent, doû elles
en font plus ou moins falées.
lEAN BAPTISTE
W A n-He l m o n t.
IEan Baptifte Wan-Helmont , dans
vn Traité qu'il a fait fous le titre de
Principes inoiiis de Phyfique , a vne
opinion bien différente de celle des
autres j & comme elle eft finguliere ,
je la déduiray icy bien au long , & à
peu prés félon fes propres termes.
Il n'appelle pas fontaines toutes for-
tes d'écoulemens d'eaux , quoy que
continuels : comme ceux que la neige
E II
52 De l'O R I G IN E
fondue ou la pluye peuvent caufèr ^ il
les tient trop caiuels. Il veut, dit-il,
quelque chofe de plus vivant , & en-
fuite, pour expliquer fa pensée , il dit :
Qiul faut premièrement confiderer la
Terre , en la manière qu'elle fe pre-
fènte à nos yeux , icy noire , là giife ;
icy il y a des bois & des forefts : là
ce font des prairies ou des terres la-
bourables. Enfin elle a autant de dif-
ferens afpecls , & le laifle voir en au-
tant de façons que les Climats & les
Aftres luy en peuvent donner , & le
peuvent permettre.
Cette terre ainfi diverlTfiée , & fi
différente d'elle-mefine , n eft pas ,
dit-il 5 lelement de la Terre, mais plù-
toft les produélions de cet Elément.
Il ajoute que n Ton creufe profonde-
ment, il arrive qu après avoir rencon-
tré, tantoft beaucoup de terre, tantoft
du fable , tantoft des pierres , l'on par-
vient enfin jufques à vn fable pur &
net , qui n'a aucune qualité foit métal-
lique ou autre. Il nomme ce fable le
dernier fonds de la Nature qu'il dit
eftre impénétrable , & que Ion ren-
contre pourtant aflez fouvent fur la
DE s FO N T A I N E s. 5^
furface de la Terre , & qui ne peut
eftre épiusé , pource qu'autant qu'oa
en peut tirer & vuider l'eau qui s'y
trouve méfiée , autant il en revient
pour fucceder au premier & remplir
la place^ Il conclud donc , que com-
me ce lable eft le dernier fonds de la
Nature , auffi le continuë-t-il jurqu'aii
centre de la Terre , fi ce n'eft que
l'Enier en occupe vne partie.
Que ce fable eft la ventable Terre,
exemte de tout changement • qu'il eft
CDmme vn crible ou vn filtre par le-
quel la Nature c 3ule & paffè les tre-
lors inépuiiables de fes claires & net-
tes eaux pour l'vlage =de l'Vnivers.
Que dans ce fable il y a vne vertu
Vivifiante pour les eaux , qui fait que
tant qu'elles y demeurent , elles font
affranchies des loix des fituations hau-
tes ou bafles , en forte qu'elles ont vn
mouvement gênerai & indiffèrent pour
toutes les parties de ce fable , ce qu elles
perdent aulTi-toft quelles en font for-
cées, &, fuivant la loy des chofes pe-
lantes , font obligées de couler dans les
lieux bas jufques à ce qu'elles fe foient
rendues dans la Mer ou elles demeu-
E iij
54 De l'Origine
rent en repos.
Il dit que tout ce fable , encore
qu'il s'en trouve qui foit élevé jufques
à la iurface de la Terre, & que mel-
me il y en ait qui fok monté jufqu'au
(ommet des plus hautes montagnes,
enti'e les pierres & les rochers, garde
" toujours la propriété vivifiante, & don-
ne par tout des eaux vives que les cha-
leurs de lEfté ne peuvent diminuer.
Et que comme dans le corps humain ,
lelangqui eft à latefte , aux pieds , &c.
coule indifféremment fans égard m du
haut ni du bas , Se qu'auHî-toft qu il
en eft forti & qu'il eft extravasé , il
devient itijet à cette fituation des lieuK
& à la loy des chofes peiàntes : De
mefme cette eau , tant qu'elle demeu-
re dans ce fable pur, qui eft Ton vé-
ritable corps , coule fans peinedetous
coftez, fins CDnnoiftre ni haut ni bas :
mais fi vne fois elle vient a en (brtir ,
elle n'a plus de repos jufques a ce
qu'elle fe Ibit rendue dans la Mer oii
elle le rencontre pour toujours , com-
me au lieu le plus bas.
Par cette nouvelle Philofophie, il
prereiid expliquer le paflage du Sage,
DESFONTAINES ^Ç
qui dit : Que tous les fleures partent de
la Mer , & enfin y retournent fans
quelle en/çit plus enflée. Et cet autre
de la Geiiefe , qui dit ; // y a^ott yne
Tontdîne qm montoit du dedans de la
Terre pour larrofer , a caufc ^ue le Set*
gneur na^oit pas encore fait pleuvoir
fur la Terre, Il prétend auilî par cet-
te Philofophie , donner vne explica-
tion pertinente a cet autre paflage de
la Genefe , où il eft dit : -Que Dieu fepa^
ta les eaux d'avec les eaux : car il dit
que l'Ecriture appelle Mer Tamas de
toutes les eaux en vn lieu , & que ce
que nous appelions Mer, fur quoy
Ton navige, n'eft qu vne petite partie
des eaux qui ont efté créées ^ & pour
cette raifon il ne 1 appelle qu vn cloa-
que, & prétend que le véritable anus
des eaux eft dans ce fable pur, lequel
contient à peu prés tout le diamètre
de la Terre , au lieu que ce que nous
appelions Mer ne couvre qu vne par-
ue de fa fuperficie , & n'a au plus
qu'vne lieuë ou deux de profondeur :
Et aiiili qu'il faut dire , que Dieu a fe-
paré la Mer invifible , qui eft ce fable
remply d eau, d'avec la Mer vifîble,
E liij
^6 De l'Origine
qui eft rOcean, les fleuves & les ri-
vières qui en font partie ; & quec^eft-là
véritablement avoir feparé les eaux
d'avec les eaux.
Il dit enfuite , que les eaux des Fon-
faines & des Rivières eftant enfin en-
trées dans la Mer vifible , en pénètrent
le fonds pour regagner ce fable pur,
& rempli!- la place de celle qui en eft
fortie^ & que paflànt par beaucoup de
terres , elles perdent leur fàleure & leur
amertume. Et à caule que ces Fontai-
nes & ces fleuves en coulant lùr la
Terre y ont laifsé les iemences des
minéraux, & autres qualitez& vertus;
elles s'en retournent promtement dans
la Mer de dehors , pour rentrer aulîî-
toft dans celle du dedans ( ou gifent
les femences de toutes chofes ) pour
en reprendre de nouvelles ; par ou
ion voit que l'écoulement de TOceaa
dans ce fable vivifiant n'eft pas inuti-
le, & que Ton peut atti'ibuer aux vns
& aux autres vne manière d entende-
ment, pour faire chacun fî bien Ton
devoir, & principalement à l'Océan ,
que Ton peut dire avoir vne vie à fà
modc; puis qu'à des temps certains &
DESFONTAINES. Ç7
afïïirez , & e:i obrervant exactement
les divers changemens de la Lune , il
élevé luv-niefine Tes eaux au milieu
de ion eilenduë, lors mefme qu Une
fait point de vcnt^ & contre lequel il
ne laifle pas de pouffer Tes flots & les
élever de collé & d'autre par vne vi-
ciiTitude de mouvement , variée & di-
verfifiée , & par des intervalles ré-
glez félon les jours & les temps. Et
ainfi 5 que celuy qui voit ces merveil-
les arriver tous les jours à lOcean vi-
able & extérieur , ne doit pas s'elton-
ner de celles qui fe font dans l'Oceaa
invifible & intérieur , ni eftre davan-
tage en admiration de la vertu vitale
de ces eaux , que la Providence divine
a deftinées à l'vlàge des hommes ; a-
joutant enliiite que cette Caballe fem-
blera d'abord eft range à ceux qui la
confidereront pour la première fois :
mais qu'Un eft pas nouveau que ceux
qui Ignorent beaucoup de chofes ad-
mirent beaucoup de chofes.
Re flexions fur r opinion d'Helmont,
L'opinion de ce Philoiophe paroift
d va cofté inepte & ndicule , & de
«;S De l'Origi ne
Tautre paflâble & peut-eftre receva-
ble. Sa nouveauté peut choquer les
vns , & le fîfteme raifonné qu'elle efta-
blit par des comparailons apparentes ,
peut contenter les autres ; &: cela d\iu-
tant plus que noftre Auteur fournit vn
principe qui eftant receu peutlatisfai-
re aisément à des diflScultez jufquà
prêtent infurmontables , de plus ces
partages de l'Ecriture, avec l'explica-
tion extraordinaire qu'il leur donne ,
femblent appuyer Ton fentiment avec
beaucoup de force , par le refped
qu'on doit avoir pour le Texte facré.
Mais fans nous laifler ébloiiir à tant
de nouveautez , & aufll lans trop les
méprilèr, examinons vne propofitiori
avancée avec la hardiefle que nous
voyons, & qui n'a d'autre preuve que
le feul témoignage de fon Auteur fon-
dé fiir Ion imagination pure.
Si de telles pensées eftoient admi-
fes , les difficultez de la Phyfique ie-
roient bien-toft refolues, il n'y auroit
qu'à donner des vertus , ou de la vie
aux pierres , aux métaux , & aux autres
chofes dont nous admirons les effets ,
Se alors la pelanteur des corps , la ver-
D E s FO N T A I N E s. Çp
tu de raimaiic 6cc. feroieat taciles à ea-
teidre & à expliquer par de fembjables
expedieas. Les anciens Philolophes
n'en ont pas vsé de la forte , ils ont
efté bien plus retenus dans leurs opi-
nions ; 3c quelque parciculieres qu el-
les ayent efté , ils ont tafché de les
foutenir par d autres témoignages que
le leur propre.
Cette vertu vivifiante que noftre
Auteur donne à ce iable pur, & cette
manière de vie & d'entendement, dont
il veut que 1 Océan loitdiiîe, eft af-
lurémeit quelque chofe de bien hardi.
Et ceft peut-eftre cette c onfideration.
qui a empefché pluiieurs Pliibiophes
avant luy d en dire autant. La gloire
qu'il pourroit prétendre d avoir efté le
premier à l'écrire fè réduirait à ce
qu'il en fait moins de difficulté queux.
Gallèndv a eu la mefme pensée que
tioftre Auteur , c jmme il le dit luv-
melme , mais il l a quittée quoy qu il
euft remarqué de grandes conformitez
entre le corps de la Terre & celuy
d vn homme : Et en effet , il n y a
perfonne, pour peu quil ait efté Phi-
lofophe ; qui n'ait reconnu le rapport
€o De l'O ri gin e
qu'il y a entre tout le corps de la Ter-
re & celuy d Vn animal vivant : de
mefine qu'entre celuy de l'homme , &
le monde entier , dont il a eu le fur-
nom de Petit monde. Mais ce rapport
quelque apparent qu'il ait efté , n'a ja-
mais porté perfonne à donner ferieufe-
ment vne ame à tout le Monde, de mef^
me que le corps de l'homme en a vne.
Toutes les comparai! ons que l'on a fai-
tes de l'vn avec l'autre , n'ont efté &
ne peuvent eftre qu'allégoriques ; &
s'il y a beaucoup de choies qui fon-
dent ce rapport , il y en a bien d'au-
tres qu'il eft inutile de rapporter icy,
qui ne peuvent y convenir ; quand ce
ne feroit que cet entendement & cet-
te vie qu'il donne a l'Océan en parti-
culier. Car par la raifon de cette ref-
femblance , il faudroit donner vne fem-
blable vie & vn femblable entende-
ment à chacune des chofes dont nous
admirons les effets : Et enfin le Mon-
de auroit autant de vies 3c d'entende-
mens qu'il y auroit de chofes difl^e-
rentes , ou bien il n'y auroit que l'O-
céan feul qui en euft 5 cependant le
corps de 1 homme n eft point fait de h
DES V O N T A I NE S. €t
ibrte , il n'a qu vne feule vie & qu va
feiil entendemeac qui fourrut à toutes
(es operatioas.
De plus , fi quelqu'vn diloit que la
reflèmb lance qu'il y a du CDrps dô
l'homme avec celuy de la Terre , in-
duit à croire que la Terre eft animée;
vn autre pourr oit dire , que cette mef-
me relfemblance de la Terre inani-
mée, comme elle l'eft , avec le corps
humain , mduit à croire que le corps
de l'homme eft inanimé ; Ainfi il ne le
peut tirer aucune confequence de cet-
te refîemblance , qui puiiTe eftabîir va
fait comme celuy-là. Cependant no-
ftre Phdolbphe n'a point d'autre rai-
fon pour les vertus vitales qu'il donne
à fon Océan & à foa fable pur , que
cette refîemblance.
Ce qu'il dit du fang dans le corps
humain , fur quoy il fonde principale-
ment fon principe , pouiToit neftre
pas véritable en tout & par tout. Nous
ne fommes pas aflèz aflurez comment
fe tait cette merveiUeufe circulation.
Elle pourroit avoir des principes de
Mechanique qui reconnoiflent les loix
des choies pelantes. La chaleur plus
di De l'Origine
ou moins forte caule des dilatations &
des condenfations qui pourroieat pro-
duire quelque choie de pareil : Et
enfin Ton pourroit douter de cette in-
différence de mouvement du lâng vers
le bas & le haut tant qu'il eft dans le
corps humain; quand onconfidereqiie
les humeurs de ce mefiiie corps , loit
qu'elles foient méfiées avec le fang
ou non , fçavent bien ou eft le bas
& le haut du corps , elles descendent
plus volontiers qu'elles ne montent 5
& ne remontent jamais que par le fe-
cours de l'art. Nous voyons que ceux
qui ont mal aux jambes , fe tiennent
au lit, ou bien mettent leurs jambes lîir
des fieges élevez : ceux qui ont mal
au bras , le portent en écharpe , afin que
les humeurs ne deicendent point en
des lieux bas , d'où elles ne pourroient
revenir , & c eft fouvent ce qui rend
ces maux la incurables.
Car de donner vn privilège plus par-
ticulier au (àng qu'aux autres humeurs,
c eft vne difficulté qui teroit delà pei-
ne à refoudre. Noftre Auteur pourtant
veut en eftre cru fur fa parole , & dé-
cider par cette reffemblance ce que
D 'E s FO N T A I NE s. é^
tous les Philolophes ont eftimè digne
de leurs doutes , & changer félon Ion
pkilir en taiiant monter & dei cendre
mdifi ereniment des corps peians ians
aucune cauie mouvante , les loix que
la Nature s'efl: imposées aelle-m.efine:
s'eftant aufll imaginé que le mot de
Cabale , qui ne peut éblouir que les
ignorans &: les crédules , donneroit vne
gi'ande autorité à ion opinion.
Pour achever ce qui refte à dire
fur la confequence que tire noftre Au-
teur , pour la vie & l'entendement de
Ton fable pur & de la Mer vifible , par la
relîemblance dVn corps animé : S'il
faloit croire neceflairement que des ef-
fets qui font femblables , enflent des
caules iemblables, il leroit aisé d*eftre
trompé à leur reflemblance. Les peu-
ples nouvellement découverts , ont
cru que nos horloges eftoient des ani-
maux VI vans , par la raifon de leur
mouvement fpontanée de melme qu'il
Teft dans les animaux, & que la mort
leur arrivoit quand la corde ou le
reflort venoit à fe rompre & faire
ceffer leur mouvement. Ces pauvres
gens-là raifbnnoient aulTi jufte que
^4 De l'Origine
tioftre Philofophe ; & fi nous n avions
en nos mains la preuve du contraire ,
je croy qu'il faudroit fe ranger de leur
cofté.
Mais paflons outre & voyons fi les
témoignages quil rapporte de TEcri-
ture lainte, & l'explication qu'il veut
donner aux partages qu'il cite, ajou-
ftent quelque force à Ton raifbnne-
ment , & s'il y a bien pensé lors qu'il
les a avancez : car s'il croit que par
l'explication qu'il donne à ces parta-
ges, l'on eft obligé de s'en temr à (on
opinion comme a vne chofe de la foy,
dont il ne faut pas s'écarter; il eft obligé
de fon cofté de nous expliquer tous les
autres partages de l'Eciiture , qui font
mention d'eaux & de Mer , & les faire
tous quadrer à fon principe.
Comment expliquera-t-il cet en-
droit de la Genele , qui précède vn des
partages qu'il a rapportez : Quil foit
faîc yn firmament au milieu des eauxy
& fuil fepare Us eaux £ayec les
eaux r" Eft-ce qu'il faudra appeller le
fond de la Mer vifible , le Firmament,
à caule qu'il fepare les eaux de la Mer
vifible , d'avec celles de fa Mer in-
vifible?
vîilble ? car c'eft aiiifi qu'il dit que
l'on doit expliciuer cette Réparation
des eaux. Faudra-t-il auflî appeller
ce mefme fond de la Mer , du nom
de Cieux ? car le Pfalmifle Roy
dit : Que les eau^ cjui font fur Us
Cieux lo'kcm le Seigneur, Les eaux de
la Mer font fur ce fond, ceft donc
d'elles quil veut parler, & pourtant
il a déjà invité les eaux de la Mer dans
Je meime pfalme à louer Dieu^ il a
donc voulu parler d'autres eaux que de
celles de la Mer , ce ne peut pas eftre
de celles de cette Mer invidble puis
qu elles ne font pas fur les Cieux , &
qu au contraire elles tont fous la Mer
melme.
Lors du Déluge il eft dit , us cata-
ra^es du ciel furent ouyertcs pour
inonder la Terre : ces ouvertures de
catarades ne ie peuvent pas entendre
pour des ouvertures faites à fa Mer in~
vifble : car les eaux de cette Mer quand
elles ibnt extravasées , ne pouvant pas
monter en haut , n'auroient pu inon-
der la Terre; NeR--ce point que ces
ou^■ertnres forent faites au haur des
montagnes , jufques où ce làble pur &
F
.^6 De l'Orig i n e
Vivifiant monte , par lequel les eaux de
fa Mer invifible montent aufli ? Mais
quand cela feroit, les eaux du Déluge
nauroient eflé élevées que jufques à
ces ouvertures des montagnes 5 & l'E-
criture dit, que les plm hautes mon-'
tagnes du Monde furent couvertes d'eau.
Mais elle dit encore davantage , que
l'eau ejioit haute de ^uim^e coudées par
de/Jus les montagnes h [quelles elle ay oit
couvertes. Q^e fi toutes ces eaux
eftoient forties de ce fable , & qu'il
euft pu en fortir la quantité gu il faloit
pour faire vne f[ prodigieuie inonda-
tion, qu'eft-ce qui ieroit rentré en leur
place , pour remplir le vuide qu elles
y auroient causé ?
Outre que lEcriture fàinte na pas
efté donnée aux hommes pour leur
enfèigner la Phyfique ou TAftrono-
mie , comme il paroift clairement en
plufieurs endroits , où ce qui y eft dit :
ne fe peut prendre au pied de la let-
tre, il iaudroit ce me femble quand
on veut fe fervir de fon témoignage
pour donner plus de force à vne pro-
pofition ; prendre garde daccorder
tous les paflàges qiion veut alléguer
DESFONTAINES. 67
fur la mariere dont il s'agit, & les y
faire quadrer • autrement c elt en vain
qu'on fe fert d'vn paflage s'il y en a
d'autres qui font contraires. Le meil-
leur eft de n^ employer TE criturefainte
que pour les chofes de la foy & de la
Morale, & de ne la pas commettre té-
mérairement pour des Iciences qui ont
d'autres principes , fondez lur les cau-
fes fécondes aufqu elles Dieu les a aban-
données , comme mutiles au falut des
hommes ; & qui n'eftant que curieuf es,
amoindiiroient le refpecft que l'on doit
a ce Texte lacré , deftiné a des con-
noi/îànces d'vne plus haute élévation.
Ainfi donc , quand noftre Auteur pré-
tend avoir expliqué deux ou trois paf^
fages pour l'etabliflèment de la.propo-
iition; il na rien fait de ce quil avoit
defîein de iaire , puis qu'il en a- laifsè
d'autres à expliquer d'vne aulTi grande
confequence , & qui fervent autant à
la renverfer comme ceux-là ponrroient
ferv'ir à 1 établir.
Aiiis pour faire voir combien Fabu5
efl grand , de prendre des témoigna-
ges dans l'Ecriture pour la preuve de
nos iaences cuneules j & combien li
F.j
^8 De l'Origine
y a de penl â lexpoièr à des coatra-
rietez manifefles qui peuveat bleflèr
le relpeâ: qu on kiy doit 5 il ne lera
pas mal à propos de parler icy de ce
pafTâge célèbre qu oa allègue contre
ceux qui tiennent que la Terre a vn
mouvement particulier en elle-mef-
me & a Tentour du Soleil, luivant lo-
pinion de Copernique , & que le So-
leil ne Te meut point comme Ton croit
qu d fait,^ C'eft le paflàge ou il eft dit,
que lofué ayant mis en fuite les Amor-
rhéens , commanda au Soleil de s'ar-
refter pour rendre le jour plus long,
& avoir plus de temps pour fe venger
de Tes ennemis. Ceux qui font de l'o-
pinion contraire à celle de Coperm-
que 5 & qui veulent avec Ptolomée
que la Terre foit ferme & fiable , &
que le Soleil tourne au tour d'elle,
difent qu'il le faut croire ainfi 3 puis que
ïofué commanda au Soleilde s arrefter,
& de ne fe pas mouvoir devers Ga-
l>aon, qui eftoit le couchant^ & que
fi c'euft efté la Terre qui euft tourné,
&non pas le Soleil, il euft comman-
d»^ à la Terre de s arrefter , & non pas
au Soleil. Ils foulliemieat que ce té-
DESFONTAINES. 69
moignage i\ formel & fi faint , doit fer-
Tir de raifoii cDiitre tout ce quon
pourroit alléguer au contraire. Mais
ceux qui tie^aent Dour le mouvemeit
de la Terre avec Coperm^ue, difent,
que fi le Soleil fe fiift arrefté aduelle-
tnerit comme lofiié le c^mma:idoit ea
termes exprés , le jour le hift trouvé
plus court quil nedevoit eftre , ce qui
euft efté contre Ion intention, & en
voicy la preuve. ^Ceux qui tiennent
que la Terre eft ferme & ftable , di-
fent que le Soleil a vn cours particu-
lier , du couchant au levant , qu'il a-
cheve en vne année , mais qu'il eft
emporté en vingt-quatre heures ou en-
viron du levant au couchant , par le
mouvement du premier mobile qm eft
contraire au 'fien 5 en forte que fi le
Soleil n'avoit point ce mouvement
particulier du couchant au levant , &
qu'il ne fift que le lai fier emporter au
premier mobile , il fe coucheroit tous
les jours pluftoft qu'il ne fait de cet
efpace de chemin quil fait en fon par-
ticuher, qui eft vne trois cens foixan-
te cinquiém^e partie , ou environ , de
fon cours. Cela eftantdela forte, com-
7» D E l'O R I g I n e
me ceux qui (iiiveiit l'opinion de Pto-
lomée en conviennent ^ n eft-il pas
vray , que prenant le pafTage au pied
de la lettre, (car il faut que ceux qui
sen veulent fervir le prennent de h
forte, pource que s'ils veulent yd:>nner
vne explication , ce ne fera plus le
paflàge qui fera foy , ce fera leur ex-
plication ; & alors chacun fera receu
à donner la f\QanQ, & il ne iera plus
queftion du paflàge de TEciiture ) fi y
di3-je , il le faut prendre au pied de h
lettre 3 quand lofiié commanda au So-
leil de s'arrefter, le Soleil ne devoit-il
pas sarrefter dans fon cours particu-
lier, ne plus marcher & fe laiflèr em-
porter au premier mobile fans refi-
flance ? & alors ne fe fufl-il pas couché
pluftoft quil n eufl fait d vne trois cens
foixante cinquième partie de fon cours ^
ôc le jour n'en euft-il pas efté accour-
cy d'autant ? ce qui eftoit contre lin-
tention de lofué.
Pour faire entendre cela plus clai-
rement , il faut s'iraa2;iner vn batteau
fort long , preft a palîer fous vn pont
ou le courant de l'eau l'emporte , &
que dans ce batteau il y a vn homme
D F. s FON T A I NE s. 7%
qui marche de la proue a la pouppe ^
c efl à dire contre le courant de l'eau ;
il eft certain que fi , lors que ce bat-
teaupaflè fous ce pont, Ton comman-
de à cet homme de s arrefter : cet hom-
me emporté qu'il eft par le batteau,
palîera fous le pont , pluftoft que s'il
contmuoit à marcher devers la pouppe.
Il en eft de melme à l'égard du Soleil ,
félon l'opinion de ceux qui allèguent
le paflàge de l'Ecriture ; cependant
l'on fait grand bruit fur cela , & Ton
crie a l'heretique contre ceux qui ne
veulent pas fe rendre à vn texte fi for-
mel ; & néanmoins il fe trouve qu'il
prouve le contraire de ce qu'ils veu-
lent eflablir.
C'eft donc abufer avec beaucoup
d'irreverence de l'Ecriture , que de
s'en fervir ainfi pour des chofes de
néant , & Texpofer de la forte à vne
telle coutradidion. LaifTons i parc nos
fciences vaines & inutiles , traitons-les
par nos règles , par nos maximes, &
par nos experieiîces naturelles , félon
les forces & les qualitez des caufes fé-
condes dont elles peuvent dépendre;
& n'appliquons les paroles des faints
yt De l'Origine
Efoits qu'à des chofes faintes pour qui
elles ont efté didées. L'on tient qu'A-
bmham a efté tres-fçavant en Aftro-
nomie, & l'Ecriture vizïs. parle point,
comme eftant vne chofe au deflbus &
indigne de (a reflexion. Mais finiflons
noftre digreffion , qui ne laiflè pas
d'eftre vtile pour empefcher que nous
ne nous (ervions des chofes fàintes en
toutes occafions , félon nos caprices ^
les méfiant témérairement avec les
profanes.
A l'égard du deflàlenient prétendu
des eaux de fa Mer vifîble avant que
d'entrer dans fa Mer invifîbie, nous en
avons parlé fuffifàmment fur l'opinion
de Cardan ; &: félon ce que nous en
avons dit ^ qui eft le fentiment des
meilleurs Cmmiftes de ce temps , ce
defîàlement fe devroit d'autant moins
faire que la percolation qu'il iiippofe
ne fe feroitfuivant fon opinion que de
haut en bas.
L Y D I A T.
LYdiat Académicien Anglois, dans
vn Traité qu'il a fait fiir noftre fu-
jetj imprimé à Londres en \6o^. at-
tribue
D E s Fo N T A I NE s. 75
tribue lorigme des fleuves, quaat à la
matière , à la mer , d'où il veut qu'ils
tirent leurs eaux , comme d'vn ample
& vafte refervoir , par divers canaux ,
veines ôc ouvertures qui (ont lous la
Terre , & d'où ils rendent incontinent
après la meilleure partie de ces mefmes
eaux, fuivant en cela , comme il le dit,
les paroles du Sage dans TEcriture lain-
te : Que les fleures tiennent de la Mer
& y retournent. Quant a la manière
dont cela fc peut taire j il louftient ,
fùivant ce que dit Ariftote , qu'il n y
a point d'ablurdité de croire , que l'eau
qui eft dans les cavernes de la Terre ,
seleve julqu'au fomm.et des monta-
gnes, par la me(me raifon que nous la
voyons s'élever de la Mer jufques à la
moyenne région de l'air , & que cette
élévation fe ïait par la force de la cha-
leur qui refout l'eau en vapeurs , ce que
pouitant Ariftote n'a point expliqué
ni ceux qui ont fuivy Ton fentimexit,
dont cet Auteur fe plaint, s'imaguaant
qu'il a fupposé que cette chaleur eft
causée par les rayons du Soleil. Aiais
comme il ne le contente pas de cette
chaleur, iJ croit en avoir trouvé vne au-
G
74 De l'Origine
tre qui luy femble Jautaat plus pro*
pre a fou fujet , qu elle luy dait f^i-vir^
comme il le dit luy-meime , pour va
autre defleiii.
Il dit donc , que la chaleur eft prin-
cipalement & abfolument neceflairc ,
pour faire la refolution des \apeurs en
eau, ièlonla doélrine meime d'Arifto-
te , & que le froid n y eft point neceP-
faire, qu'il fiiffit que le lieu où la va-
peur eft élevée foit moins chaud que
celuy ou elle eft excitée. Ce qui Çq
peut voir par Texemple des couvertu-
res des alambics, ôc encore mieux des
couvercles des marmites , qui arreftent
& convertiflent la vapeur en eau , à
cauie qu'ils ibnt moins chauds que la
marmite ou l'eau bout. Que par cette
raifon plus la chaleur fera grande, plus
Ja vapeur le lèra auiïî , pourveu qu'il y
ait beaucoup d'eau ou d'humidité ; Et
comme il y en a beaucoup dans la terr©
qui doit fer vir à la génération de celle
des fleuves ; il faut qu'il y ait auflî vne
grande chaleur pour cauier aflezde va-
peur Oc affez d'eau pour tous les fleuves
qu'on voit couler dans le monde.
Toute la difficulté donc, dit cet Au*
CES Font AINE f. rf
teur 5 eft de fçavoir d'où peut venir cette
chaleur. Quelques- vas , dit- il , com--
me Balbus dans Ciceron au livre de la
NaturedesDieux, croyent quela Ter-
re a vne chaleur qui luy eft propre,
juiquesàla communiquer aux animiaux
pour leur donner la vie , mais ce n'eft
pas fon fentimenc : car il croit au con-
traire que la Terre , ièlon le l'entiment
des Peripateticiens , fohde & pelante
comme elle eft , doit eftre froide. Ce
QUI luy donne occafion de difcuter les
caufes que quelques-vas ont voulu
donner à la chaleur qu on reconnoifl
âfiez (ouveat eftre dans la terre, qu ils
difent venir du Ciel & des rayons
du Soleil : mais il rejette fort cette opi-
nion 5 pource que Ion ne voit pas^
dit-il, que la chaleur du Soleil puifTe
pénétrer plus de quatre ou cuiq pieds
dans la terre , aux pays meime ou il
eft le plus ardent : comme fous la Zone
Tornde , où les Troglodites ne font
-^as leurs cavernes plus avant dans la
l^rre. Q^e non feulement vn mur de
lerre de deux ou trois pieds d epaif-
eur, mais vn petit arbre avec le peu
de feiiiUes quil peut avoir , empefche
G ij
76 De l'Origine
la chaleur du Soleil , encore que Pair
d'alentour (bit par manière de dire tout
en feu, & que d'ailleurs la Terre eft au
mefine temps froide a huit ou dix pieds
de profondeur , bien plus qu'en vne
autre (aiibn ; & que par cette railbn
la chaleur qui fe trouve dans la Terre
à quarante ou cinquante toi/es de pro-
fondeur , ne peut pas eftre attribuée
aux rayons du Soleil ^ ni auffi à ce qu'on
appelle antiperiftale , qui ne peut pas
avoir vne adion de plus grande eften-
duë que ces meimes rayons du Soleil :
car il faut bien croire , dit-il , que le
froid naturel de cet élément folide &
épais , a bien plus de force pour re-
cnafler en haut la chaleur du Soleil ,
que cette chaleur du Soleil portée par
l'air fi léger & fi délié quil eft , n'en
peut pas avoir pour repoufler au de-
dans cette froideur naturelle de la Ter-
re y que la chaleur qui pourroit y eftre
entrée par des fentes & ouvermres , a
des difpofitions par la nature , à caufe
de ia légèreté a s'en retourner en haut ,
& qu elle eft d'ailleurs combattue par
la fraiicheur de la nuit , qui la fait périr
entièrement avant l'arrivée du matin ,
DESFONTAINES. 77
bien loin de fe pouvoir conlerver jui-
ques À rhpxr.
Que comme il eft certain que l'eau
de la pluye ne peut pas moiuller la
terre plus avant que huit ou dix
pieds 5 & que pour cela il faut avoir
recours à d'autres eaux pour fournir au
cours des Fontaines ; il laut auffi trou-
ver vne autre chaleur que celle du
Soleil, puis qu'elle ne peut pas entrer
plus avant que quatre ou cinq pieds
pour exciter de La vapeur dans les lieux
de la terre plus profonds ^ que cette
chaleur efl:ant iituée bien avant dans
les entrailles de la terre , diminue à
mesure qu'elle approche de fa fuper-
ficie , & eft dilTipée en Efté par les
rayons du Soleil qui luv ouvre des
partages, de meime qu elle eft augmen-
tée enhyver à caufe quelle eft aiTeftée
par le froid & la gelée , comme il le
remarque dans les puits profonds.
Q^ant au principe que cette cha-
leur peut avoir , il croit le trouver ei
examinant la chaleur des fontaines
chaudes qui fe voyent en quelques
endroits du Monde 3 preiniereme nt en
faiiant voir qu elle ne peut procéder
G iij
y% De l*Origine
des rayons du Soleil , tant à caufè de
ce qui a efté dit cy-defliis, qu'à cauiè
que ces eaux-là feroieat plus chaudes
Cfi Efté qu'en Hyver , ce qui neft
point: ni de l'agitation & mouvement
qu elles ont dans leur cours ious terre,
par les differens détours pierreux où
elles paflent , puis que l'eau ne s'échauf-
fe point quelque agitée qu elle puifle
ettre: ni du foufre ou de la chaux
quelles peuvent rencontrer en leur
chemin, puis que le fbufi-e n'a aucune
chaleur s'il n eft allumé , & que la
chaux feroit confumée il y a long-
temps. Ainfi ne reftant plus aucune au-
tre caufe pour produire cette chaleur , il
conclud qu elle ne peut venir que d'vn
feu loufterrain , qui (eul eft capable
de l'exciter & de l'entretenir telle que
nous la voyons, fe fondant fiir le té-
moignage d'Empôdoclez rapporté par
Seneque , qui veut que telles eaux
foieat échauffées en paflàat par dellus
des lieux ou il y ait de ces feux ca-
chez , comme on le peut conjectu-
rer par celuy de la montagne Etna ^
& autres femblables.
bESFONTAINES. 79
'kefiextonî fur P opinion de Lydiat,
Tout ce qu'il y a de difficulté dans
ropinion de noftre Auteur fe réduit à
Geux points principaux ; le premier eft
ce feu (bufterrain qu il eftablit pour
convertir Teau de la Mer en vapeur ,
& enfîiite en eau ; l'autre eft pourquoy
h Mer n'eft point devenue douce de-
Suis qu'il y entre tant d'eaux douces
es fleuves & des fontaines : car tout
le refte eft aisé a iuy accorder.
Quant au premier ; il eft vray que
la Mer eft vn treibr fuffifant pour
fournir des eaux aux fontaines & aux
fleuves , autant qu'ils en peuvent avoir
beibin. L'on fe peut auHi imaginer af^
fez de conduits Ibus la terre pour leur
donner moyen de fe répandre par tour,
les conjectures en font évidentes 3 &:R
le feu qu'il iuppofe eftre dans la terrg
eftoit vniveriel & aflez grand , loa
pourroit au.nTi demeurer d accord de
cette diftillation perpétuelle : ^/iais
d'admettre par toute l'eftenduë de la
Terre vn feu ardent & continuel j,
c'eft ce qui choque le fentiment ordi-
naire : car de croire que celuy de cous
G uîj
^o De l'Or i gin e
lesElem eis qui pafTe pour le plus lé-
ger, foit posé daas le lieu le plus bas
pour y demeurer ei vne perpétuelle
contrainte, luy qui fait de li grands ef-
forts pour fe mettre en liberté, & que
Ion ne peut pas mefme tenir caché
lans qu'a en donne des %nes ; c efl:
où il n y a nulle apparence. II eft
vray qu'on voit des montagnes dans le
Monde d'où il fort du feu continuelle-
ment, mais aulTi neft-il pas caché • il
fe fait voir aflèz , & donne fouvent
des marques de fà fierté. Et comme
ces feux ont peut-eftre efté de tout
temps , & qu'il n'enta point paru d'au-
tres dans r Vnivers que ceux-là , il faut
croire qu'il n'y en a point d'autres audi ;
& que s'il y en avoit ils fe feroieit voir
comme ceux-cy, finon avec autant de
force , du moins en quelque façon que
ce flift. Vn feu vniverfel & continu
deflbus toute la furface de La Terre
& de la Mer (ans interruption , toujours
ardent , devroit avoir davantage de
fbupiraux que les trois ou quatre que
nous connoiflons 5 & la fumée des cho-
fes qu'il conlumeroit pour s'entrete-
nir, le fèroit fait voir il y a long-temps
DESFONTAINES. îl
par vue infiaité d'endroits ^ ou biei elle
îauroit étouffe.
Les Fontaines d'eaux chaudes qui
luy donnent, comme il dit, occafion
de croire ce feu {bufterrain , font à
mon avis ce qui Ten devroit pluftoft
faire douter: car s il eft vray, comme
il ledit, que la chaleur de ce feu di-
minue & le perd en approchant de la
lurface de la Terre , il taut que le feu
qui échauffe ces fontaines foit bien
proche de cette furface , puis que fa
chaleur a vn effet affez grand pour les
faire boiïillir en fortant ^ & néanmoins
depuis le temps quelles coulent, l'on
ne s'eft point encore apperceu aux
pays ou font ces fontaines , qu'il y ait
du feu au deflbus. L'on n a pas mefine
veu ni fenti de ftimèe , ni aucunq odeur
de foufre ou de bitume , ou d'autre
matière que ce feu devroit confumer
pour fon aliment ; fa chaleur R pro-
chaine devroit avoir defleiché toute la
terre d alentour & y avoir fait des ou-
vertures par lefquelles cette fumée au»
roit pafsè ; elle devroit avoir cuit & re-
cuit les pierres des canaux par lefquels
coulent les eaux , & réduit toutes celles
î% De l'Origine
de la montagae en chaux, qui /è feroit
éteinte & diffbute par ces mefines
eaux , qui en auroient efté blanchies &
troublées : ces eaux auroieat auflî ame-
né avec elles tout le dedans de la mon-
tagne 5 qui iè fèroit auffi creusée petit à
petit: il sV feroit fait vne large ouver-
ture dans laquelle la fontaine mefme
fe ieroit abyimée ^ 6c enfin lefeuauroit
paru comme lî a fait aux montagnes ar-
dentes qui font dans le Monde. Cepen-
dantle contraire fe voit dans tous les en-
virons de ces fortes de fontiines^ la terre
ne laifle pas dy eftre couverte d'her-
bes, & de produire des arbres, comme
en vn autre lieu , les habitans ne font
nullement incommodez, ni delà cha-
leur de la terre fiir laquelle i!s hribiteit,
ni de la mauvaifo odeur de laflaiièe de
ce feu caché ; ils ne craignent ni trem-
blement de terre , ni quil fo fade des
ouvertures & des abyfmes ; & ils n ont
jamais eu aucunes marques ni %nes
qui leur puiflôtit donner cette crainte.
Q^iand on creuie des puits en ces Iienx-
là l'on n y fent point de chaleur plus
grande que lors qu'on en creufe e î
d'autres pays : ce qui pourtant de vr oit
DESFONTAINES. ?|
cftre , puis qu'il y a va feu fT proche &
fi ardent. Il ne faut pas dire gu il n y
a que le feul eadroit, ou les leuls ca-
naux par lelquels ces eaux pafîèrit, on
le feu fafle fon at5lio:i : car quand
meiiîie la chofe (e feroit de la forte
que Lydiat le luppole , & comme il
lexplique par vne comparaiion oui!
apporte de certains ierpens de bronze
creux ayant plufeurs tours & retours,
pofez lur le feu , dans lefquels de Teau
y entre froide & en fort chaude , à eau-
ie du iejour qu elle fait dans ces canaux
échaufiez en pafîant par leurs divers
retours il n'y trouveroit pas fon compte :
car ce feu dont il parle ne peut pas
ag;r fi particulièrement fur les canaux
de bronze, quilne faflè fentir la cha-
leur fortement bien loin à Tentour^
auïïî ce feu foufterrain ne peut pas
borner fa fphere d activité à ces feul?
canaux par où paflent ces eaux , & la
grande force qu'on doit croire quil a,
doit faire croire aufïl qu elle eft d'vne
grande eftendué.
Noftre Auteur pourroit bien fe mé-
prendre quand pour preuve de fon feu
ioufterrairij il allègue la chaleur que
^4 De l'Origi ne
l'on refleit dans la terre cnhyver, la-
quelle il croit eftre causée par ce feu
foufterrain ^ diftnt que la ciufe pour
laquelle cette chaleur fe reconnoift en
Hyver & non pas en Efté, eft qu'en
Hyyer la terre eftant re (Terrée par le
deiTus, à caufe du froid & de la gelée
du dehors , renferme & retient dans
clle-melme la chaleur que ce feu y
produit, & que c'eft ce qui fait qu'on
la fent : au lieu qu'en Efté la terre
eftant ouverte par les rayons du Soleil,
cette chaleur s'exhale facilemeit&ne
fe fent pas.
Ce raitonnementeft aiïiirément fort
fpecieux , & dans vn autre temps pour-
roit eftre receu : mais depuis^ qu'on a
douté que la chaleur & la fraifcheiir
du dedans de la terre fuflent actuelles;
& après quon a fait des expériences &
des obfèrvations exac9:es fur ce fait-H
pour en eftre éclaircy , il n'y a pas
lieu de le recevoir. Ces expériences
ont fait connoiftre que cette chaleur
& cette fraifcheur nefontqu'vneme.^
me chofe : c eft à dire qu'au dedans de
la Terre il y a toujours vne mefme
temperatiirede chaleur & de fraifcheur^
DESFONTAINES. 8<^
& que s'il y a quelque difFerence . c eft
pour faire voir qu'il fait moins chaud
en Hyver dans la Terre qu'en Eftè,
bien loin qu'il y fade plus chaud com-
me le prétend Lydiat.
Et voicy comment il en a efté fait
des expériences , dont j'ay efté mov-
mefme témoin. Dans les caves de l'Ob-
fervatoire Royal à Paris qui ont 84..
pieds de profondeur , l'on a mis deux
Thermomètres d efprit de vin , fermez
5c de ti'ois pieds de haut chrxun , tous
deux enfermez eniemble dans vn ca-
veau particuher. La première année
qu'ils y furent mis , qui fut en 1 <^7 1 . il
y eut du manquement dans l'observa-
tion , en ce que l'on n'avoit pas mar-
qué bien précisément les élévations &
les abaiflemens des Thermomètres :
néanmoins on ne laifla pas de voir al-
fez que la chaleur eft oit prelque égale
en Hyver & en Efcé. Mais au mois de
lanvier de l'année 1^72. le 1 3. jour de
ce mois , qui fut vn des plus froids de
l'Hyver , je marquay fur le canal de
verre des Thermomètres , la hauteur
de refprit de vin , d'vn trait qui ne (è
pouvoit effacer 3 & y eftant retourné
îé De l'O r I g I n e
le feptiémede luillet enfuivaat, qu'il
faifoit grand chaud, je trouvay que
refprit de vin n'eftoit monté au defïïis
de la marque , que dVn quart ou dVn
tiers de ligne feulement. Si Ton veut
donc en croire ces deux Thermomè-
tres , il y a vne égalité de température
dans cescaveseiiHyverc^enEfté^&fi
Ton veutfcrupuleufèment prendre gar-
de a cette petite différence quMs font
remarquer , il faudra conclure auflî
qu'il y fait plus chaud en Eflé qu ei
Hyver, ce qui eil contraire à ce que
tout le monde a crû jufques à prefènt,
l'ay fait encore en mon particulier vne
autre fembkble obfervation fur la cha-
leur des puits , ( car c efl fur celle-là
que noftre Auteur fe fonde particuliè-
rement ) laquelle j ay trouvée égalé en
Hyver & en Efté, par vn lèmblable
Thermomètre que j'y ay delcendu
dans le plus gi'and froid & dans le plus
grand chaud de cette melme année
1672, fur lequel véritablement je nay
pu faire la remarque de la petite diffé-
rence des autres , par la diflSculté qu'il
y a de retirer promtement le Ther-
momètre du fonds du puits , à caulè du
DS $ FO N TA ï N Ë ^. S^
peiil qu'il court de le cailer: mais à
cela prés je iay retiré cia'is le mcime
cP at en vne iaifoii qu*eri T^iutre ^ &
cepeadaat fi ces Tnermom êtres a-
voieat efté laifTez ea piera air , la li-
queur auroit monte dans leur cariai
d' le faifoa à lautre plus de qu! \7.z à
feize poulces.
Mais pâiions outre ; s'il y a va feu
fou terrain 5 comme leprcceid nollrs
Auteur , lc qu'il fe hlTc par fou moyea
vne difljllation continiielle, pour juoy
eft-ce que les fontaines &: les fleuves
aug-iie.irerit en li>Ter & dimi lue.it
en Efté ? Ce feu doit eitre touj^u^-s
égal , Lv les eaux de la Mer toujours
en pïiieille quantité ; c;:;* fi cette égali-
té n'ell:oit pas ni dwins ce [eu ni dans
cette quantité d'eau , ou eft-ce qui e i
pourroit eftre caufe , 6c commeit les
viaffîtudes de cette inégalité pour-
roieàt-elles eftre réglées comme îe font
celles des accroifîemens & decroifle-
mens des Fontaines f II eft vray que la
Kler a des augmciitations , niais c'eit
aux deux Equinoxes , & les fontaines
ne croiilènt qu'vne fois Tannée. Pour
ce qui eft de la chaleur de fon feu
88 De l'Or i gi ne
qu il dit s'augmenter par le froid & par
la gelée du dehors , il ne gelé pas pa*
tout où il y a des fontaines.
L autre point de difficulté eft , cc»m-
ment l'eau de la Mer ne devient point
douce 'j puis que dVn cofté il y entre
continuellement des rivières dont les
eaux (ont douces ; & de l'autre il iort
de cette mefine Mer par divers canaux,
des eaux falees qui s'èpandent par tou-
te la terre dans les concavitez qui y
font, & qui y laiflent leur fel quand
cette diflillation fe fait : & depuis le
temps que les Rivières verlent dans la
Mer des eaux douces & diftillées, &
que tout ce qu'il y a pu avoir d'eau
(alée dans la Mer , doit avoir pafsc d''
puis ce temps- là par ces canaux fbu-
fterrains , & y avoir laiGé Ton fel en
le diftiUant 5 il devroit eftre arrivé
deux chofes , IVne que la Mer ne de-
vroit plus eftre làlée ; l'autre que la
Terre devroit eftre pleine de fel en
grande abondance , & l'on en devroit
trouver dans le fonds de toutes les
montagnes plus que de lable.
DAVITY.
DES Fontaines. 8p
D A V I T Y.
Pierre Davity , dans fon livre du
Monde imprimé en 16^7, croit
que les Fontames viennent de la Mer ,
par la raifon de ce paffage célèbre de
TEccIefiafte: Que les Rhieres yiennent
de U Mer , & qu'elles y retournent y
fans quelle enfoit trop remplie. Car
il ne peut croire 5 dit-il, quelle puft
recevoir tant d'eaux fans déborder , ni
auffi que le Soleil & le vent en puifle
faire exhaler autant qu'il y en entre 5
&cela d'autant moins que la nuit , dit-
il 5 repare aflez par le moyen de lair
le dommage qui luy vient de la part
du Soleil & des vents , ce qui luy eft
commun avec les Rivières. Ceklîip-
posé j il croit que la Terre eftant ron-
de & pleine de pluf eurs ouvertures
& de pluf eurs canaux, la Mer par (à
grande pefànteur poufle fes eaux par
ces canaux , & la fait ainfi monter au
haut des montagnes ^ fuppolant, com-
me font les autres , que les eaux de la
Mer perdent leur amertume & leur la-
leure en palTant par plufieurs & diffé-
rentes terres. Il admet pourtant les
H
po De l'O RI GI N E
vapeurs de la Terre , qui sépaiiïîflant
peuvent fe CDnvertii- ca eau dans les
concavitez de la Terre , & fe joindre
à celles de la Mer pour rendre les four-
ces perpétuelles.
Reflexions fur l* opinion deDayity,
Il n*y a rien à remarquer fur cette
opinion qui n'ait efté dit ; & la conlT-
deration que fait cet Auteur fur la ron-
deur de la Terre , qu'il croit fervir à
fon opinion , fait voir qu d ne fçavoit
guère ce que c eft que cette rondeur
de la Terre , ni dequoy elle peut fer-
vir, ou ne pas fervir à fbn delTem,
M' DE SCARTE S.
REné Defcartes ^ dans fbn livre des
Principes de la Philofbphie , im-
primé à Amflerdam en t<^44. efl de
l'avis de beaucoup d'autres ; il croit
que les Fontaines prennent leur ori-
gine des eaux de la Mer , qui montent
au haut des montagnes par évapora-
tion, & que c efl cette évaporation qui
rend douces f es eaux ialées. Et voicy
comment li eflablit Ja chofe. Il dit
quau commencement du Monde , h
DES Font AîNîi s. ^t
matière ds la terre seftaat ronipje&
fracaisèe . cl' vue certaine manière qu'il
dècnt , il refta dans la Terre beaucoup
de larges ouvertures par lel quelles il
retourne, dit-il, toujours autant d'eau
de-la Mer vers le pied des montagnes ^
qu'il en fort par les fources qui tbnt
Uir ces meunes montagnes : mais qu li
nV a que les parties d'eau douce qui
puiilent monter en haut à cauiecju el-
les font déliées & flexibles ^ & que les
parties du lel demeurent en bas , à eau-
le qu elles font roides 8c dures & qu'el-
les ne peuvent pas eftre changées fa-
cilement en vapeur , m paiîer en raçon
quelconque par les conduits obliques
de la terre ; &: qu'encore que cette eau
douce retourne continuellement dans
la Mer par les fleuves , la Mer n'en de-
vient point plus douce , pource que ,
dit- il , la mefme quantité de lel y de-
meure toujours.
Reflexions fur rofinî07i de M* Defcarter^
De la façon que l'entend M' Defcar-
tes , il ne fe fauve pas de la difficulté du
deffalement de la Mer , quoy qu'il taU
che de le faire auand il s'en iait l'obje-
Hi,
^t De l'Or i gi n e
<5tion à luy-mefine. Car fi levapora-
tion fait que les eaux de la Mer laifTent
leur lèl en bas , c eft autant de fel qui
diminué à la Mer , dans laquelle il ne
peut plus retourner, puis que, CDmme
il dit, il coule toujours de l'eau de la
Mer vers le pied des montagnes, pour
remplacer celle qui en fort par les(our-
ces. Par ce moyen donclaMer devroit
eftre adoucie depuis le temps que ces
écoulemens continuent , & qu*il en fbit
tant d'eau falée qui n y retourne point
avec (on fel ; & la Terre devroit eftre
toute pleine de celuy que ces eaux y
ont laifsé en s'évaporant, & en mon-
tant douces au haut des montagnes. U
dit pour réponfe à cette objec!^ion , que
la Mer ne s*adoucit point, àcaufe que
la mefme quantité de fel y demeure
toujours. Mais cette réponle ne iatis-
fait pas: car fi les eaux de la Mer qui
coulent (ans cefle vers le pied des mon-
tagnes y latflent leur fel , il ne peut
^as eftre vray que la mefme quantité
de fel demeure toujours dans les eaux
de la mer.
On pourroit néanmoins expliquer
cette répoafe ea cette manière.. Il dit
DESFONTAINES. p2
que les ouvertures que la Terre s eft
confervées foat très- larges, &quainfi
la communicatioa des eaux du corps de
la Mer eft facile & libre deffous les
campagnes & deffous les monragaes ,
où il fuppofè qu'elles couleat de la
Mer ; & que cela eftant ainfi , leva-
poration qui fe fait de leau douce,
quoy qu elle ne fe fàffe que deflbus
ces montagnes , doit eftre coifiderée
comme fi elle fe faifoit fur la Mer mef-
me , & à découvert , par la raifon de
cette grande liberté de communication
& de cette continuité non interrompue
des eaux de la Mer par ces larges con-
duits 5 & en efFet le fel ne s*élevant
point au haut des montagnes, demeu-
reroit toujours dans ces eaux , qui ayant
vne communication libre entre elles ,
ne feroient qu vn mefme corps.
Cette folution pouiToit pafler pour
bonne de cette forte , n eftoit deux dif-
ficukez qui en refultent. LVae eft >
que fi cette commumcation eftoit C\
facile , il devroit y avoir de Feau de la
Mer par toute la Terre, puis qu'il y a
des Fontaines par tout , & l'on devroit
trouver de l'eau de la mer dans tous
5>4 C)E l'Origine
les puits qu*onL feroit de dix ou douze
toifes de profondeur feulement^ ce qui
n eft point , ces fortes de puits faîez
font très-rares , & plus que ne le font
les fontaines. La raifou pourquay Yon
devroit trouver de Teau de la Mer dans
tous les puits, eft que s il y a vue com-
municatioii libre , comme il le donne
à entendre , des eaux de la Mer avec
celles qui font dans la Terre : ces eaux-
là doivent monter dans la terreau ni-
veau de celles de la Mer , avec qui
elles doive it faire vn équilibre. Or les
plaines ne font élevées guère plus de
<kx ou douze toifes au deflus de la iu-
perficie de la Mer , comme je le diray
dans la féconde partie de ce difcouis •
& partant les eaux de la Mer fe de-
vroient trouver par tout dans les plai-
nes à la profondeur de dix ou douze
toifes.
L'autre difficulté qui naift de la fo-
lutioii cy-deflùs , eft que cette folu-
tion fait vne oppofîtion avec ce que
le mefiîie M' Defcartes dit enlùite,
lors qu'il veut rendre raifon pourquoy
itl y a des puits lalez : car il dit qu'ils
imt falez , ou à caufe qu'il y entre
DFSFONTAINE?. 9?
quelque eau de la Mer (alée & non per-
c^lée , ou bien à caufe que quelque
eau s'eft écoulée de la fuperficiede la
Merjufqu au fonds de ces puits , qui (e
font trcHivez eftre de niveau avec cet-
te f iiperficie de la Mer.
Quand il parle de cette eau faléeSc
non percolèe , il en parle comme
dvne choie extraordinaire, capable de
caufer ce cas fingulier & rare : C'eft
donc à dire que toute l'autre eau de la
Mer qui eft dans la Terre eft percolèe,
& que par vn grand hazard celle de ces
puits ne l'eft pas : Néanmoins il dit
que ces eaux entrent dans la Terre
par des conduits tres-larges & tres-ou-
rertsj ce qui n eft pas vn moyen pour
les percoler. Si d'vn autre cofté cette
ۈu qui entre dans la Terre n eft point
4)ercolée & partant falée , comme il le
donne à entendre, quand il dit qu elle
ne s'adoucit que quand elle monte en
haut réduite en vapeur , il n'y a pas de-
qiioy s eftonner fi elle entre dans ces
f)uits 5 falée comme elle l'eft naturel-
em.ent ; il y a donc quelque choie dans
cette folution qui ne s'accorde pas avec
ce qu'il a dit auparavant , & qui fonc
96 De l'O r I g I n e
enfemble cette oppofition.
Cette autre raifon qu'il ajoufte pour
la faleure des puits , que ce peut eftre
à caufe de l'eau {àlée qui s'écoule de
la {iiperficie de la Mer jufques dans
ces puits dont le fonds eft de niveau
avec la Mer, cetteraifon, dis-je, fert en-
core à confirmer davantage ce que ) ay
ditcy-devant, quil fe devroit trouver
de Teau falée dans tous les puits des
plaines , pource que s'il peut couler
de l'eau de la Mer venant de fafuper-
ficie dans vn puits avec tant de Éicili-
té & fi naturellement, il peut ei cou-
ler dans bien d autres ; & tous les puits
voifins de ceux-là, fêla communique-
roient Tvn à l'autre par les veines de
la Terre, & depuis le temps qu il y ei
a de fàlez, tous les autres le devroieat
eftre. le ne parle point du grand éloi-
gnement de la Mer, & de la grande
diftance qui eft entre elle & ces iortes
de puits : ce long chemin qui feroit de
plus de fept ou huit cens lieues en
quelques endroits , donneroit occafion
à beaucoup d'écoulemens à droit & à
gauche , par la diverfité des terrains,
par la rencontre des pierres , des fables,
des
DESFONTAINES. P7
des montagnes & autres obftacles , par
le moyen delquels cette eau làlee ih
poiirroit écâiter ù. faire encore bien
plus de puits qu^il n y en a : mais R Toa
veut preidre garde à la profondeur de
ces fortes de puits , il ne (e trouvera
pas qu elle fe puifîè rapporter à la fii-
perficie de la Mer , qui conftamment
eft beaucoup plusbaue.
P A P I N.
Nicolas Papin Médecin à Blois , a
fait vn petit traité De l Origine
des fburces tant des fleuves que des ton-
tames, imprimé àBIois en t (^47. avec
deux autres traitez, T vn de la faleure de
la Mer , & 1 autre de Ton flux & reflux.
Dans ce Traité des f ources fon opinioa
efl: bien différente de toutes celles que
j ay rapportées : car bien qu'il convien-
ne avec Lydiat , & en partie avec Car-
dan & quelques autres , que la Mer eft
la véritable origine des fources & des
fontaines 3 il n' eft pas néanmoins de leur
avis 5 dans la manière dont cela fe peut
faire , & il en tire la caule de plus loin ,
que tous les autres Philoiophes n ont
fait,
I
p8 D E l'O r I g I n e
Il dit que brs de la creatiDn du
Monde il ilit auQ] créé va eiprit , qu'il
appelle concretif, ou de concrétion,
tenant vne nature moyenne entre la
celelle & rélementaire ; que par le
moyen de cet elprit , les corps ou il
. eft méfié reçoivent du ciel & des éle-
niens les qualitez deftructives & con-
fervatrices de leur eftre , & font main-
tenus en leur forme particulière , Ibli-
dité & conlîftence , & en vne vnion
tres-étroite avec les fubftances etero-
gènes dont ils font compofez , ce
qu il appelle proprement, dit- il ^ con-
crétion.
Qoe cet efprit concretir , par cette
qualité qu il a dVnir les chofes aufquel-
les il eft méfié , les reflerre de telle
forte & principalement les liquides,
qu'elles prennent vne forme Ipheri-
que. Qf il fait la meilleure & la plus
noble partie du fel marin; & que leau
de la Mer qui en eft remplie fe refîer-
rant en elle-mefme par la force de cet
efprit concretif, prend vne rondeur
autre que celle qu'elle auroit avec la
Terre, Il fon eau neftoir point con-
trainte & ramafsée de la forte : Qoe
DESFONTAINES. cp
cette rondeur dans les endroits de 1 0-
cean où il eft le plus large , reprefen-
te à peu prés vn demy globe iiir celuy
de la Terre , & pai' ce moyen Tes eaux
en Ton milieu font élevées beaucoup au
defTus des plus hautes montagnes du
Monde, quoyque les bords loientde
niveau avec la rondeur de toute la
Terre.
Cela ainfi fupposé , il dit qu'il eil
facile à ces eaux ainfi élevées dans le
milieu de lOcean , d'en faire monter
d'autres julques au haut des monta-
gnes , par les canaux loufterrains , les
labiés & les terres par ou elles paflènt,
leiquôlles eaux le devaient aufTi par
cette melme percolation , dont quel-
ques-vns des Philofophes que nous
avons nommez, oit pai'lé; & que ces
eaux en laiflant leur faleure dans les
terres où elles paflènt y laiflent aufîî
cet efprit , qui n'eftant plus melléavec
de 1 eau, fait des pierres. Qail y a des
qualitez élémentaires qui peuvent aug-
menter ou diminuer la vertu de cet
efpnt concretif , fçavoir la chaleur &
l'humidité, & quelles luy font com-
muniquées plus ou moins par la vertu
I 11
loo De l'Origine
des Aftres , & principalement des dou-
ze fignes du Zodiaque, aufquels il at-
tribue de différentes qualitez de cha-
leur & de froidure , d'humidité & de
feichereffe. Que ces douze figues par
leurs afpects , de fextil , de tri ne , de
quadrat & d'oppofition , influent iVne
ou l'autre de cesqualitez feiches& hu-
mides , chaudes & froides , qui font la
caufe de la tention ou relaxation de
cette concrétion , & c eft ce qui fait
le flux ô: le reflux de la Mer , & de
tout cela il n'en donne aucune preuve
que Ion leul témoignage, fi ce n eft de
cet elprit concretit auil dit pouvoir
eftre feparé d'avec (on fujet par lart
de la Chimie , & qui peut mefme fe
reconnoiftre dans les putrefadions par
vne acidité qui luy eft particulière.
Mais il prétend prouver cette hauteur
de Mer par deux expériences dont il
en a fait l'vne. La première eft de deux
hommes dans vn mefme navire, IVn
fur le tillac , lautre dans la hunne du
maft , qui ne verront pas en mefme
temps vn objet opposé : celuy de la
hunne le découvrira avant l'autre à cau-
iè de Télevation où il eft , qui le fait
DES Fontaines. tôt
voir par deflus celle des eaux de laMer^
au lieu que celuy du tillac en lera em-
pefché par cette mefme élévation des
eaux qui fe trouve eatre luv & T objet.
L'autre expérience eft qu'il dit avoir
efté en vne maifon de plaifance en
Italie , où fur le haut d'vae moatagne
tres-élevée, il y a vn baiTjii de fon-
taine plein d'eau jufques a fe répan-
dre par deifus fes bords, iùr l'eau du-
quel bafTin, qui eft aflùrément de ni-
veau, il dit avoir coulé fa veue & a-
voir veu a l'oppof te la Mer qui s'éle-
voit beaucoup au deffus, & qui par
confequent n'eftoit pas de niveau mef-
me avec le fommet de cette monta-
gne , qu'elle furpaiîoit de beaucoup.
Réflexions fur l'opinion de Papin,
Ce Philofophe eft à peu prés de k
qualité de Van-Helmont5cdeLvdiat,
en ce qui eft de reftabliflenient de leur
principe ; car l'vn veut qu'on luv ac-
corde gratuitement la vertu vivifiante
qu'il donne à fon fable ou terre pure.
L'autre vent qu*on demeure d'accord
d vn feu foufterram fous toute la ir.rla-
ce de lateiTeiceluy-cy veutpareillemét
I nj
toi De l*Origine
qu'on luy accorde Ion elprit concretif ,
avec les qualitez qu'il luy attribue , &
tous trois en veulent eftre crus lùr leur
parole. La diflereice pourtant qu'il
y a des deux premiers à celuy-cy
cft , que fî ce qu'ils fuppofent eftoit
vray , la difficulté ne feroit pas bien
confîderable', il n y auroit qu a choi-
fir r opinion qui plairoit le plus: Mais
pour ce qui eft de Papin , quand mef-
me on luy accorderoit ce qu'il fiip-
pole , la chofe ne fe pourroit pas fai-
re comme il le dit ^ & la raifon eft ,
que fi cet efprit concretif a aflez de
pouvoir pour retenir les eaux de la
Mer enfemble, jufques à les faire mon-
ter en haut & prendre la forme d'va
globe 3 ces eaux ainfi élevées ne peu-
vent pas en poufler d'autres pour les
faire monter au haut des montagnes r
car il s'eniùit de fa propofition , que
l'eau de la Mer n eft pas en fa liber-
té , & qu'au contraire elle eft telleme it
contrainte que fà pefanteur naturelle
eft moindre que la violence que luy
fait cet efprit concretif , qui la fait
demeurer {ufpendue& ians aâion. Car
ièlon luy cet eiprit concretif a vne
D H s FON T A I N E s, tOJ
vertu de refierrement, qui venant de
la circonférence au centre , caule cet-
te figure iphenque; & fuivant cette
coucretion l'on peut s'imaginer que fi la
Mer pouvoit eftre tellement leparée
de la Terre qu elle n'y touchaft point,
elle ie mettroit en [orme de boule , &
feroit vn globe parfait. Il s'eniuit aufïi
que toute la Mer , amfi remplie de cet
ciprit concretif , ne s appuyé fur la
terre que comme feroit vne bouteille
ronde de verre pleine d'eau pour y
eftre feulement fouftenue, fans que
Teau puifie s écouler m d vn coftè ni
d'autre : car la vertu de refierrement
qu a cette concrétion , fait fiir l'eau ce
que fait vne bouteille de verre. Cela
citant de la forte , i'elevation de l'eau
de ia Mer au milieu de fOcean , i
quelque hauteur qu elle puifie aller,
iie peut avoir aucun effet pour faire
monter les eaux qui iont dans les ca-
naux de la terre jufquau haut des
montagnes, quoy que plus abaifsées
que cette rondeur prétendue de la
Mer , pource que cet efprit concretif
empeiche l'adion quelles auroient fi
elles il efloient point retenues par luy :
I uij
to4 De l'Origine
car la raifon pourquoy Teau monte
dans vn canal jufquesà la hauteur d'où
elle vient 3 ceft que n'ayant rien oui
empefche fa pesanteur d'agir , l'eau
d'enhaut pouflTe celle d'embas jufques
a ce qu elle ioit parvenue à vne hau-
teur égale, & en équilibre avec elle.
Mais icy ou cet efprit concretif raflem-
ble en rond toutes les eaux ou il eft
méfié , & où il force mefine leur pe-
fànteur pour les faire monter au deflùs
de leur niveau ; il leur ofte necelFai-
rement la liberté de poufl'er en bas
comme font les autres eaux libres , &
quelque communication qu'il puiiîè
y avoir du fonds de la Mer aux mon-
tagnes par les canaux de la terre , il ne
peut y avoir d aâ:ion impulhve par la
raifon de cette concrétion fpherique,
qui reflèrrant les eaux , de la circon-
férence au centre , lait que celles du
fonds agiflent vers le haut , ou eft le
centre de concrétion , pluftoft que
vers le bas • & ne touchent au fonds
de la Mer , que pour eftre fouftenues
de melme que feroit cette bouteille
dont nous avons parlé. Car encore
que noftre Auteur fuppofe vn relaf-
DES Fontaines. 105
chement de cette concrétion félon les
divers afpecfls des fîgnes du Zodiaque,
cela ne donnera point d'impulfion
aux eaux qui font dans la Terre , {{ ce
neft lors que ce relarchementlera en-
tièrement accomply ; ôc que les eaux
de la Mer ayant pris la circonférence
de toute la Terre, par la liberté où
ce relafchement les aura mifes , n'au-
ront plus ce defir ^ fi cela fe peut dire>
de tendre vers ce centre de concré-
tion 5 & alors elles ne pourront faire
monter les eaux ( au cas que cela le
puft faire ) qu'au niveau des bords de
la Mer , pource que tant que cette con-
crétion agira , & qu elle fera plus forte
que le relai chement , les eaux de la
Mer n'auront aucun defir ni aucun pou-
voir de fortir de la circonférence fphe-
rique que leur imprime cet efprit con-
cretif : au contraire voulant toujours
aller de la circonférence au centre,
elles ne poulTeront jamais dehors.
Mais quand la ch ofe n iroit pas ainfi que
je le dis, & qu'il leroit vray que cette
hauteur fiipposée des eaux de la Mer,
puft faire monter des eaux aulTi haut
quelles le feroient elles-mefmes j non-
ïe<^ De l'Origine
obllant la concrétion; y a-t- il apparen-
ce que cette impiilfîon puft fe Taire au
travers du fonds de la Mer , au travers
de tant de terres par lesquelles ces eiux
doivent paflèr pour quitter leur amer-
tume & leur fàleure, durant vn chemin
de plus de mjUe lieues en quelques en-
droits fans s écarter ?yà-t -il dans la Ter-
re des canaux de cette longueur, adèz
bien joints ? L'on a bien de la peine
à conduire de 1 eau dans des tuyaux de
plomb durant cinq ou fîxcens toifes
leulement ;& quand il faut qu'ils élè-
vent leau à dix ou douze toiles ils fe
rompent , il nya point de foudure qui
puiHè rcditer , leau fe fait pafîàge
quelquefois à travers le plomb mefme;
que feroit-ce s'il la faloit élever juf^
ques à plus de cent toiles, comme il
y a a (lez de iources dans le monde
qui font X c^ttQ élévation ? Cardan a
fait cette remarque à ce iujet, &no{tre
Auteur n'y avoit pas fi bien pensé que
luy.Deplus s'il arrivoit que par hazard
on vinft à renconti'er en touillant quel-
qu vn de ces canaux , ce qui n eft pas
impolTible , cela monderoit vne Pro-
vince.
DE s Font AINE ^. 107
Pour ce qui eft des deux expérien-
ces par leiquelles il veut prouver fort
élévation des eaux de la Mer j la pre-
mière eft rapportée daas la iphere de
Sacrobofco , pour prouver feulement
la rondeur des eaux de la Mer , & fai-
re voir qu elles ne font qu vn feul glo-
be avec la Terre, dont tout je mon-
de demeure d'accord j & mermeceux
qui ont nivelle de longs efpaces , ont
remarqué que la rondeur de la Terre
emporte fur vne lieué de niveau jufque
àfix pieds.
Pour celle du baCTin de fontaine
dans cette maifon de plaifance en Ita-
lie, d^ntilsett fervy comme dVa ni-
veau 3 il y a beauc ydp de choies a dire.
Premjerement il peut n avoir pas b: en
fait fon ob:ervation ; fecondemeit
quand b. diftance eft grande , les ni-
veaux de cette qualité ne font pas n-
délies , pour pluficurs rations. Car fi
l'eau ne fait qu vn globe avecla terre>
comme il eft aiîiiré, parleschofes que
nous venons de dire , il n y a point de
portion de fuperficie d'eau qumefott
celle d Vn globe : or cette portion de
gbbe neft point droite, & par confe-
to8 De l'Origine
qiient ne peut avoir i'effet àvn hin
niveau : & quoy que la differeice de
cette iuperfîcie, àvae iuperficie piare
foit tres-petite, elle eft pourtant aflez
grande pour avoir vn grand effet fur
vne chofe éloignée; parconrequentfi
la luperfîcie de ce bafTin a efté gran-
de y elle a efté fîiiette à vne plus gran-
de erreur^ & fi elle a efté petite, il a
efté mal-aiséde bien faire robfervation,
eftant certain que les petits inftrumens
géométriques ne font daucun viago.
Mais quand bien je voudrois aban-
donner cette raifon , qui n'eft peut-
eftre quVae chicane de geometiie,
lexpeneice fait voir combien il eft
difficile de juger du niveau des cho-
ies éloignées : c<ir fî vous eftes dans vne
plaine avec quelqu'vn de voftre taille,
prenez garde que Thorif on , c eft à dire
les montagnes éloignées , vous paroi-
ftront à la hauteur de Tes yeux • & fi
vous montez fur vne haute montagne
avec la mefme perfonne , le meime
horilon vous paroiftra encore de mef-
me, c eft à dire à la hauteur de fes yeux,
comme quand il eftoit dans la plaine 5
& la hauteur de cette montagne n au-
DE s Font A I NE s. top
ra rieii opéré liir l'appareiics de ces
deux horiloas.
De plus , il eft certain chez les Aftro-
nomes que les vapeurs humides ibit de
la Mer , Ibit de la Terre , caufent de
grandes refradions , & font voir beau-
coup de chofes autrement qu elles ne
font en effet : comme quand le Soleil
ou la Lune paroiflent quelquefois de
figure ovale , en leur lever ou cou-
cher ^ Elles les font auffi voir fur Ino-
rifon avant qu'ils y foient montez , &
par la raifon de cette meime reha-
étion l'éclipfe de Lune qu on nomme
horizontale, paroift avant meime que
le Soleil foit couché , & que la Lune
foit aduellemient levée • en forte qu'on
voit ces deux Aftres en mefine temps ,
ce qui ne fedevroitpas, puis que le-
cliple de Lune ne fefait que par Tm-
terpofition de la terre entre i'vn & lau-
tre. Ce qui caufe vn effet iî eftrange
eft que les vapeurs humides font voir par
refradion IVn de ces deux Aftres, ou
tous les deux après leur coucher ou
avant leur lever.
Cela fe prouve par vne expérience
facile à faire. Prenez vn baflin va peu
tîo De l*0 r I g in e
profond , mettez y vne pièce d argent
ou d'autre metail , & vous reculez, ea
forte que vous ne la puilTiez voir du
lieu ou vous ferez , puis fans changer
de place Elites mettre de l'eau dans ce
baflîn , alors la pièce' d'argent vous
apparoiftra avec tout le fonds du baf-
fin 5 comme fi vous aviez beaucoup
élevé voftre œil.
L'on peut faire encore vne autre
expérience àpeu prés femblab le, dont
l'effet eft affez plailant. Prenez va
verre à boire , mettez dedans , par
exemple vne pièce de trente fols , &
Templiffez d'eau , puis mettez vne af-
fiete fur le verre , & la main lîir Tal-
fiete, & tenant le tout bien ferme,
renverfez laffiete & le verre enlem-
ble, en forte que l'afliete fe trouve
defibus & le verre defîùs , alors la
pièce d'argent vous paroiftra fur l'afTie-
te j & en mefme temps vous en ver-
rez vne autre de la grandeur d Vne de
quinze fols gui nagera fur feau, telle-
ment bien faite , que laifîant l'eau en
repos il fera difficile à celuy qui ne
fçaura pas quelle pièce on y aura mife,
de fçavoir quelle eft la véritable des
DES Fontaines. itt
-deux, lay fait vue autreexperience
plus canfiderable, & qui donne à con-
noiflre que les vapeurs de la terre , fé-
lon leur dilpofition , lont capables de
faire que des objets éloignez paroillèac
tantoft plus élevez tantoft moins , com-
me fî ces objets le haulToient ou sa-
baiflbient aduellement. l'en rappor-
teray icy les particularitez qui pour-
ront iervir à découvrir la caiife d'vn
effet fi fîngulier. Voicy comment j y
ay procédé : l'ay pris pour objet à la
campagne, vn pavillon d'environ tren-
te deax pieds de haut eflcigné de demy
lieuë , lequel j ay obfervé avec vne lu-
nette d'approche que j'avois attachée
& rendue immobile iur vne fenerire
dans vn gros mur ^ & l'ayant pomtée
iiir le iommet de ce pavillon y qui ré-
pondoit au fil qui eftoit dans ma lu-
nette, & qui eftoitde niveau avec elle ;
je trouvay que depuis deux heures après
midy,que je commen<^ay mon obier-
vation, jufquau loir, le haut de cette
couverture a voit femblé monter de
huit pieds, en foite qu'il y avoit plus
de la moitié de cette couverture au
delîus du fil de ma lunette. Ce jour- là
it2 De l'O rigi n e
il fit aiTez beau avec pourtant beau-
coup de vent , & il avoit plu durant
qiutre ou cinq jours auparavant. Le
lendemain au matin avant cinq heures
je retournay à ma lunette, & je trou-
vay que le pavillon eftoit monté en-
core beaucoup plus haut, & que je n en
vovois plus qu'environ huit pieds par
le bas 3 & vne heure après il me parut
descendu d'environ huit pieds , en for-
te que mon fil coupoit la hauteur de
tout le pavillon par la moitié , & il de-
meura ainfi jufques a cinq heures du
foir qu'il defcendit de quatre à cinq
pieds ou il demeura tout le refte du
jour. Tout le matin de cette journée
l'air fiit fort humide à caufe de la pluye
qu'il avoit fait toute la nuit , qui re-
commença a midy & dura jufques à
quatre heures du foir fans difcontmuer.
Le jour fuivant vn peu après cinq heures
du maan je retournay à ma lunette qui
n avoit bougé de fa fituation , & je trou-
vay que ce pavillon eftoit defcendu
encore de quatre pieds , à neuf heures
de quatre autres ; & alors je voyoïs le
haut de fa couverture au fil de ma lu-
nette , comme quand je comniençay
moa
DES Fontaines. m^
mon obfervation , & à dix heures il
eftoit encore deicendu de prés de huit
pieds davantage au deflôus du fil de
ma lunette où il demeura jufqu'au foir.
Tout ce jour U il fit très-beau temps
avec beaucoup de foleil fans vent 5 &
le jour fuivant à cinq heures du matin
qu^il faifbit auffi beau temps , je trou-
vay mon pavillon au melme abailTe-
ment que je lavois laifsé le Ibir du
jour précèdent j & deux heures après
il recom.mença à monter de trois ou
quane pieds , & U mon obiervatiort
fiit interrompue. Ce jourUquoyquil
fift très-beau temps , il y avoit vn
br 011:1' ard tres-épais fur vne rivière
qui pafîè derrière & à vne portée ds
mouiquet de ce pavillon : mais ri n en
eftoit point du tout obfcurcy , & il fe
laifloit voir tort clairement oc fort net-
tement, peut-eilre plus quaux autres
jours. l'ay recommencé la mefme
expei'ience 01 vn autre temps qu'il
faiibit vne grande feicherefle, & qui
avoit duré plus de fix iemaines lans
diicontinuer , où j'ay vu toujours la
meihie chofe, lînon que l'élévation &
FabailTemeat n'eftoieat que de moitié
K
ft4 De l'Origine
de ceux de nia première expérience , &
que I élévation de mon objet fe faifbit
régulièrement dumidyau lbir>& la-
baiilement du matin à midy ^ au lieu
que félon la première Tvn & l'autre
fe faifoieat indifféremment du matin à
midy & de midy au foir. Il (e voit par
tout ce que j'ay dit que Teau ou les
vapeurs humides , qui par le grand éloi-
gnement ^ leur épaiflèur & leur natu-
re d'eau, ont le mel'me effet que l'eau
mefme , peuvent faire voir des chof es
eftre élevées, qui font neanmoms baf-
fes ; & qu aiiifi ce que noflre Auteur a
dit a eflè de bonne foy : mais qu'il a
eflé le premier trompé , & que cette
mer qu'il a cru voir élevée plus haut
que le niveau de ce bafTin , ne l'eftoit
pas en effet : mais que c eftoient les
vapeurs de la Mer qui luy faifoient voir
alors les eaux de la Mer plus hautes
qu'elles neftoient enef^et. Cette ex-
périence de niveller iiir le bord d vn
badin de fontaine, n'efl pasvne cho-
fè nouvelle : Avant que d'avoir jamais
oiiy parler de cet Auteur ni de fon
Traité , j'ay fait vne pareille obferva-
tion fur vn foit 8:rand baffia de fontaine
DF-S FO NT A I NE s. ti^
fur yne haute montagae: maisjen'av
jamais pu tirer aucune certitude de cet-
te forte de mveau , je voyois tout ce
que je Youlois.Les inftrumens deMa-
tiiematique foat bien plus aflurez , &
ceux qui s'en fervent auroient fait il y
a Ion g- temps cette remarque > fi ce
qu lî dit eftoit véritable.
L on peut faire encore à noftre Au-
teur vue objection femblable à celle
que j'ay faite à Lydiat , qui eft Tac-
croiflement Sz diminution des fources
en Hyver & en Efté , pource que félon
ion opinion il n y en devroit point
avoir j ou du moins il devroit y avoir
deux accroiilèmens en vne année , {ça-
voir âirx deux Equinoxes, où le relaf-
chement de (a prétendue concretioa
eft plus grand qu'aux autres temps &
deux dinunutions aux folftices , oii fa.
concrétion a le plus de force , ce qui
ne fe voit point.
Mais que n'y auroit-il pointa dire
contre cette vertu de tention & de re-
laxation qu il attribue aux douze fignes
du Zodiaque ? n eft-ce pas vne chofe
qu'il faut encore luy accorder gi^atuite-
menti comme fon efprit concretif.
it6 D E l'Or igin e
avec toutes les qualitez qu 1 kiy donne?
GASSENItl.
GAflendi dans les Commentaires
qu'il a faits fur le dixième livre
deDiogeneLaerce de laMetheDrolo-
gied'Epicure ; imprimez en 1 6^9. efti-
me que les Fontaines & parconfequent
les fleuves , dont il dit qu elles i ont les
caufes, foit prDduites par les vapeurs
que les eaux & la chaleur qui font dans
la terre exatent & font monter jufqu a
la voûrede les cavernes & concavitez,
ou elles sarreftent & tè convertirent
en eau. Q^ néanmoins les eaux de la
pluye ôc des neiges fondues f3nt la
matière principale des Fontaines ; que
ces eaux & ces neiges pénètrent la ter-
re 5 & defcendent par les ouvertures
qui font fur les montagnes, & princi-
cipalement fiir celles qui lont pierreu-
fes & pleines de cavernes , & dans
lefquelles il v a de grands réceptacles
ou elles saltèmblent , & fortent en
fontaines avec plus ou moins de force
& de durée , félon que f ouverture eft
plus ou moins grande , & les refervoirs
plus ou moias fpacieux»
D E s FO N T A I N E s. î 17
Réflexions fur V opinion de Gaffendi.
L'opinion de Gafl'eicli a quelque
chofede commua avec celle de \'irru-
ve , & efti opinian la plus commuae :
mais comme nous parlerons cy- après
des dtfficultez qui fetrouveat daas cet-
te opinion j nous n'en dirons pas da-
vantage prefentement.
M D V H A M E L.
IEan Baptifte Du Hamel en Ton li-
vre des Methe^res, 6c des chofes
fûilîles, imprimé à Pans en \66o. con-
fidere deux fones de l-ontaines , les
vnes qui ne coulent pas toujours , &
qui le ieichent en Efté, lerqueîles Ton
voit fbrtir du pied des montag les , les
autres qui coulent toujours & qui (br-
tent du haut des montagnes. A celles
qui ne coulent pas toujours , il donne
pour pnncipe les eaux de la pluye &
de la neige , lefquelles il croit entrer
dans les montagnes par diverfes ouver-
tures 5 tentes & canaux : aux autres , il
leur donne pour principe les eanx de la
Mer, qui par des conduits ioûterrains
fe répandent par tout louâ la furfacede
la Terre.
n8 Df l'Origine
Il fonde cette opinion ^ première-
ment & principalement , dit-il , fiir
deux paflàges de T Ecriture iamte , dont
le premier a efté cv- devant rappoi-cê
par lean Baptifte VVan-Helmont , où
le Sage dit que ro^i les fieuyes entrent
dans la Mer fans (jii elle en fo!t, plus
remplje ; & fuils y retournent pareil^
lem:nt pour recommencer a couler de
nouveau. L'autre paflàge eft delà Ge-
nefe , où lacob bénit Ion fils loi e pli
des henedîcltons du ciel^ fui tiennent
d'enhaut à caulè des pluyes , dit l'Au-
teur, que le ciel envoyé a propos; &
des benediEiîons de l'ahyfme fut iPim-
nent d'emhas , fans que l'Auteur ajoufte
rien davantage pour expliquer cette
benedidion d'embas, comme il a £iic
pour expliquer celle d enhaut. Et par
ces deux partages il prétend prouver
fà double origine des Fontaines.
L'autre raiibn fur quoy il ib fonde,
eft que les eaux des pluyes que la Ter-
re ne fçauroit boire , & dont elle ne
peut eftre moiiiUée, félon le fentiment
de Seneque , plus avant que dix pieds ,
ne. fçauroient cauler aucunes fburces,
iînon celles qui ne durent pas toujours^
Dï s Font A I î^E ç. ttp
dont il a cy-devan_t parlé. Et puis que,
dît-il, il y en a d'autres qui cDuleit
toujours & qui fortent du haut des
montagnes , eitre des rochers où les
eaux de la pluye n'ont pu m monter ni
e.itrer ; il faut bien fi les fleuves vien-
nent de la Mer, comme dit le Sage,
que ces eaux paflent par divers con-
duits & canaux pour entretenir leur
cours y & qu avant quitté leur ialeure
& leur amertume, en paflant par beau-
coup de difî erentes terres , elles loient
élevées en vapeur juiques au haut des
montagnes par la chaleur qui efi: tou-
jours dans la moyenne région de la
Terre , & qui eft causée par vn feu
qu'il croit eftre dans le fond delà Ter*
re. Il ajoufte que cette élévation de
vapeurs fe rapporte fort au fentiment
d'Àriftote, qui dit que lair dans les
cavernes de la Terre s'épaiflit & le
change en eau ; croyant avec Lydiat ,
dont nous avons parlé cy devant , qu'il
Eut entendre la vapeur de l'eau , puis
que le ventable air ne pourroit pas
fîiffire à produire autant d'eaux qu'il en
coule lut la Terre. Que ces vapeurs
fontfacilementélevéeîdans les conduits
i
120 De l'Ori g I n e
de la Terre , puis quefiir la Terre elles
font élevées en l'air, quay qu'il Ibit
fluide^&toûjvourseii niouvemeat ju(-
ques aux nuées : car il faut , dit-il , s'i-
maginer que les candats dans la Ter-
re , eftant étroits fouftiennent aisément
les vapeurs , & les empeicheit de des-
cendre , ce qui eft conforme au ienti-
ment de M' Del cartes.
Réflexions fur r opinion de M "Du Hamd,
M' Du Hamel , dans fon opinion ,
fiiit celle de Lydiat & celle de Car-
dan. Il admet comme Lydiat le feu
ioufteiTain, &il donne comme Cardan
pour pnncipe aux Fontaines, les eàux
du Ciel 6d de la Mer conjointemeit^
avec cette différence pourtant, que
Cardan fait fei-vir les eaux des pluyes
tant pour concourir avec celles de la
Mer à l'entretien des Fontaines , que
f)our deflaler celles de la Mer , (ans
aire diftmdion des fontaines , m pré-
tendre , comme fait noftre Auteur,
qu il y en ait qui coulent toujours d'vne
mefine force , &que les autres fe iei-
eheit en Efté : Enquoy je tiens To-
pinion de Cardan dIus fouftenable que
celle
D E s FO N T A I N E s. î2t
celle de noftre Auteur, eftant certain
qu'il n y a qu'vne feule forte de fontai-
nes, & qu'il n y en a point au monde
qui coulent toujours d'vne mefine for-
ce ; que il l'on le dit de quelques- vnes,
c'eftabufivement, & à caule que leur
diminution eft peu fenfble & moins
grande que celle des autres : mais il y
en a toujours quelque petite quelle
loit. Tay obfervé plufieurs fontaines
fort grandes & fort copieufes , fortant
du haut des montagnes affez élevées ,
comme le deiTre M' Du Hamel : mais
je n'en ay jamais veu qui ne fuft lujette
à diminution & à augmentation. Tou-
tes les Rivières du Monde y font fujettes
de la melme manière , principalement
les plus grandes ^ & s'il ne fuppofecefeu
(bufterram que pour ces fortes de fon-
taines & de rivières toujours égales , il
n'en fera pas betoin, non plus que de
faire venir des eaux de la Mer par de
fi longs & fi fafcheux chemins , i\ ce
n'eft qu'il ait falu fiiivre le texte de
l'Ecriture , comme il dit , & comme a
fait avant luy Wan-Helmont , dont
nous avons parlé : mais la réponle que
j'ay faite fur fon premier paflàse en
ÎÎ2 D E l'O R I g I n e
foïi lieu , peutiervir en celuy-cy.
Quant à 1 autre paflàge qui parle
de la bénédiction de lofeph , il ièroic
à {ouhaiter ^ pour y répondre , que M"*
Du Hamel euft expliqué la féconde
partie de cette benedidion , comme il
a fait la première. lacob , dit l'Ecriture,
a beny lofeph des benedi^ions cjuï tien-
nent d^enhaut ; M' Du Hamel ajoufte,
ceftàdire des pluyes que le ciel en-
voyé à propos. Mais pour la féconde
partie de cette benedi6l:ion , qui con-
tient ces mots , <& des hcnedi^itons de
Vabyfme qui eji f;/^^i: M' DuHamel
le contente de rapporter les paroles de
l'Ecriture nuem en t & lans aucune fui-
te; en diGnt feulement,^f^ henediBions
de l^abyfme qui e/i en has^ fans dire
quelles font ces bénédictions de l'abyf-
me, comme il a dit quelles font cel-
les qui viennent d'enhaut ^ & cepen-
dant Tvne eft auflî diflScile à fuppléer
que l'autre. S'il faut prendre le paflà-
ge au pied de la lettre , & dans le (ens
qu'il femble que noftre Auteur luy
veiiiUe donner : ( car ce paflage de foy
neft pas bien clair, & la lettre ne par-
le en aucune façon de pluye ni d eau. }
D E s FO NT A I NE s. 12^
lacob a fouhaité à loa fils de la pluye ,
ce qui s'entend par les benedidions
d'enhaut , & par les bénédictions de
1 abyime qui eft en bas , il y a ap-
parence qu'il luy fouhaite des puits a-
bondans en eau pour arrofer la terre
dans vne grande feicherefle : mais ce
îera là vne explication , & alors le pa{^
fige ne fervira plus de rien pour ap-
puyer la pensée de noftre Auteur : car
ce ne fera plus le paflage qu'il faudra
confîderer , ce fera T explication qu il
luy aura donnée , qui n aura pas plus
de force que ce qu'il auroit pu avan-
cer de luy-mefme fans fe fervir de
l'Ecriture, comme je Tay déjà dit, fiir
l'opinion de Wan-Helmont.
Quant au feu ioufterrain , jeTi'y fe-
ray point d'autre réponfe que celle
que j ay faite fur l'opinion de Lydiat,
car M' Du Hamel , aufTi-bien que
luy , ne met en avant ce feu foufter-
ram que pour fervir au deflein gêne-
rai qu'ils ont tous deux de rendre rai-
fon par la de la génération des métaux
& des autres produ(5tions qui (e font
au dedans de la terre.
le ne croy pas qu'il puiiTe non plus
L ij
124 r^E l' Origine
que Lydiat, répoadre à robjediori qui
luy eft faite pourquoy la Mer ne fe
deflàle point par la quantité des eaux
douces qui y entrent , & par celle des
eaux f àlées qui en (ortent , fans y reme-
lier leur fel depius vn {{ long-temps.
LE PERE SCHOTTVS.
GAlpard Schottus lefuite , Mathe-
maticien,dans fbn livre de TAnato-
mie Phyfiquhydroftatique des fontai-
nes & des rivières , imprime a Wirtz-
bourgen i66^. donne trois caules de
1 origine des fontaines & des rivières ,
fçavoir la Mer , lair vaporeux èpaiffi &
réduit en eau dans les cavernes de la
terre , & les eaux de la pluve & de la
neige qui pénétrant la terre i ortent fur
le penchant des montagnes & font des
fources. La raifon qui le porte à don-
ner ces trois caufes , eft qu'il conçoit
de trois fortes de fontaines , qui ont
rapport à ces trois caufes. La première
forte de ces fontaines efl celle qu'il
dit quil y a qui ne fçauroient venir
d ailleurs que de la Mer, comme font
celles qu on voit avoir quelque fympa-
thie & quelque correfpondance avec
D E s FO N T A I N E s. Î25
fes mouvemens , & celles dont les c-
coulemens lont fi grands Se ({ con-
tinuels , & les fources en des lieux: h
élevez qu'il n'y a pas d'apparence de
croire que les pluyes puifient eftre
fiiffilantes pour cela , & encore moins
que lair épaiHi , & réduit en eau les
puifTe produire.
La difficulté qu il y a fur ce principe
cft de fçavoir comment la Mer peut
faire monter fes eaux en ces lieux-là
fouvent fort éloignez, & comment ces
eaux perdent leur faleure& leur amer»
tume. Il rapporte plufieurs moyens
pour lever ces difficultez , entre autres
les cinq qui fuivent.
Le premier eft que cette eau de h
Mer eft attirée par la vertu attractive
de la terre quand elle eft feiche &
gravelleufe , & cette vertu attradive ,
il la prouve par des expériences qu'il
dit avoir efté faites p^ar Emmanuel
Alagnanus religieux Minime , qui dit
avoir mis du fable fcc dans vn canal
de verre ouvert des deux bouts , &
l'avoir mis par après dans Teau par le
bout d'embas qu'il avoit ferme avec de
la toile ou ferge , il afîùre que l'eau
L 11]
126 De l'Origine i
a monté dans ce canal trois palmes I
plus haut que la lurface de celle où I
il eftoit plongé ; de là il conclud que
l'eau entrant dans la terre où elle ren-
contre des (ables Tecs à droit & à gau-
che, eft attirée en haut par la meime
railon, d'où s écoulant enluite elle fait
des fources & des fontaines.
Le fécond moyen eft l'èvaporation
qu'il croit fe pouvoir faire par le
moyen des feux loufterrains , de mefme
que le croyentLydiat&Du Hamel.
Le ti'oifiéme eft les vents , qui en-
trant dans les canaux & conduits de la
terre avec les eaux de la Mer ^ & cher-
ch^cllt vne fortie les pouffent avec eux
jujfquau travers des montagnes.
Le quatrième eft le flux & le reflux
de la Mer, dont la violence pouflèfes
eaux jufques à l'ouverture des fontai-
nes : ce qu'il dit eftre croyable puis
qu'il y a des fontaines qui ont des flux
& des reflux comme la Mer.
Le cinquième moyen eft le mou-
vement naturel des eaux qui les fait
s'élever auflî haut que le lieu d'où elles
viennent qiund elles font enfermées
dans les canaux. Et pour cela il fup-
D E s FO NT A I N E s. 12;^
pofe de melme que Papia , que la
fîirface de la Mer eft en plufieurs en-
droits 5 & principalement loin de fès
bords plus élevée que les plus hautes
montagnes- & qu'amfiles canaux par
]efquels la Mer envoyé de leau aux
fontaines eftant du'e^flement au deflbus
de cette élévation que la Mer a en (on
milieu , peuvent naturellement faire
élever des eaux juiques au haut des
montagnes : cette élévation de la Mer
ne fiiiant avec lefdits canaux qu vn
corps , par la raifon que le cilmdre d'eau
au deflus d'vn cmalqui a Ion embou-
chure au fonds d'vn reiervoir , opère
la melme chofe que feroit vn canal
continu & fans interruption depuis la
furface de l'eau jufques à cette mefine
embouchure. Il fonde cette élévation
de la Mer en Ton milieu , fur vn mira-
cle qu'il dit que Dieu jfait continuel-
lement pour le bien du Monde , afin
de donner de l'eau en des lieux éloi-
gnez 5 & ou il ne pourroit v en avoir
autrement ^ & auHi afin que ces eaux
de la Mer , partant par de longs &
difFerens chemins & par plufieurs for-
tes de terres puiflent perdre leur faleu-
re & leur amertume. L iiij
128 D E l'O R I gi n e
Pour prouver que l'eau de la Mer
caufe ces fortes de fontaines , il rappor-
te le paflage de l'Ecclefiafte , dont nous
avons parlé fur l*opinion de Lydiat &
de Helniont : Que tous les fleures en-
trent dans la Mer fans quelle en des^
horde ^ puis retournent au lieu d'on ils
font yenus pour y couler de rechef : ce
qu'il fortifie encore par le fentiment
de plufieurs Pères de l'Eglife , de quel-
ques Commentateurs de l'Ecnaire fain-
te , & de quelques Théologiens & Phi-
lofophes chreftiens.
Il rapporte auflî ce paflàge de la
Genefè : Fne fontaine montoit de la
Terre. Et cet autre: llfortoit yn fleu-
ye du lieu de Volupté , pour arrofer le
Varadîs , & de la il conclud que ces
eaux-là ne pouvoient venir d'ailleurs
que de la Mer , pource qu'il eft dit au
niefme endroit , que le Seigneur na-
y oit point encore fait pleuyoir fur la
Terre : mais en mefme temps qu'il rap-
porte ces paiïages , il veut corriger ce-
luy qui dit, c^yne fontaine mont oit
de la Terre , & croit qu'il faut mettre
vn pluriel au lieu dVn fingulier & dire ,
plufieurs fontaines montoient de b
DE s FO N T A I NE s. tip
Terre & en arroloient la furface.
Il dit aiiffi qu'Olimpiodorus qui eft
vn des Commentateurs de l'Ecriture,
croit que quand il eft dit dans l'Ec-
cleliafte , ^ue tous les fleuyes entrent
dans la Mer ^ il faut expliquer le mot
de, tous, pour plufleurs , & dire, que
pluFeurs fleuves entrent dans la Mer,
à câufe, dit ce Commentateur , qui!
y a beaucoup de fleuves qui n'entrent
point dans la Mer , & qui finiflent leur
cours dans des lacs d'où on ne les voit
point lortir; & que fouvent dans l'E-
criture vn mot gênerai n a pas Ion ex-
plication fi étendue : mais noftre Au-
teur n eft pas de ion avis , pource qu il
croit que tout ce qu'il y a de fleuves
au monde entrent dans la Mer vifible-
ment ou invifiblement , la Terre avant
des concavitez iuiïîlantes pour leur
donner paiîage , & communication
avec k Mer par le fonds de ces lacs.
La féconde forte de iontaines qu'é-
tablit noftre Auteur , eft de celles qui
font causées par l'air vaporeux , épaiffi
& réduit en eau dans les cavernes de
la terre , pource qu'il y a aflèz d'ex-
périences qui le font juger ^ & Ton a
ijo De l'Origine
aflez veu de lieux Ibus la terre , où lî
fe fait des diftillations par la vapeur
humide de lair.
La troifiéme eft de celles qui ibnt
causées par les eaux de la pluye , eftant
facile à croire, dit-il, que ces eaux-là
peuvent faire quelques fontaines par
la pénétration qu elles font dans la ter-
re, & principalement fur le penchant
des montagnes, ou les torrens qui y
coulent après les grandes pluyes peu-
vent en pafTant y laifler entrer- vne
partie de leurs eaux, qui s écoulant
par après petit à petit ^ font vne elpe-
ce de fontaines : comme il dit l'avoir
veu par expérience en Sicile proche
le collège où il demeuroit.
Reflexions fur Popinion du
Ver 6 Schottus.
De la façon que ce Père raifonne
fur la Phyfique , il ne peut pas eftre
mis au nombre des Philofophes phyfi-
ciens de ce temps, qui parlent des cho-
fès de la Nature , félon la connoiflàn-
ce qu'ils en ont par les effets de la
Nature mefine , fans vouloir méfier
dans leurs difputes les chofes de la
I
D E s FO N T A I N E s. î^t
Religion ; le refpecft qu'ils ont pour
elles les obligeant de les regarder com-
me n'ayant point efté révélées aux
hommes pour leur enfeigner la Phyfî-
que m aucune autre fcieace d'vne con-
fideradon d petite & fi baiîe.
Le zèle de noflre Auteur eft loiia-
b le, d'avoir talché de tonder Ton opi-
nion liir les paroles de l'Ecriture (ain-
te; maisaufTi, comme nous avons déjà
remarqué , il rexpofe à beaucoup de
difBcukez & de contradictions . Il eft
vray qu'il aura vn grand avantage fur
tous nos Philolophes : car quand il vou-
dra ie retrancher dans le texte de l'E-
criture & l'oppofer à tous les argu-
mens qu'on luy fera ; & parce que Dieu
eft Tout-puifîànt fuppofer des. mira-
cles quand il luy plaira , & enfiute con-
clure contre tous ceux qui ne feront
pas de fbn avis , ou qu'ils Ibnt des im-
pies & des athées , ou bien qu'il a rai-
fon ; il ne trouvera point de contradi-
deurs : chacun le taira par refpeél.
Mais (ur ce pied-la , que pourroit-il
dire àlaint Thomas , qui , comme nous
avons veu, n eft pas de Ton avis ? Ce
grand peribnnage nignoroit pas les
ijî Dïï l'Origine
pafTages de rEcntiire , m ce qu'ei o:it
dit les Commentateurs quand ils Font
expliquée • cependant il n'a pas laïf se de
prendre vne autre opinion ; eft-ce
qu'il a manqué de foy pour douter de
la Toute-pui/îànce de Dieu ? eft-ce
qu'il a négligé des autoritezfi (àmtes ?
Mais s'il eft vray , que dans les Efco-
les des Théologiens on difpute quel-
quefois academiquement de l'exiftcn-
ce de Dieu , je croy que l'on pourroit
de mefme examiner & dilcuter les
pafîàges de l'Ecriture fàinte, que noftre
Auteur a rapportez, avec les lentimens
des Pères de l'Eglife , ôc les Commen-
taires des Théologiens qu'il a cottez;
& comme ces Dateurs ont des prin-
cipes lùr lefquels on explique le texto
ftcré, je ne doute point qu'on ne trou-
vaft que les induélions qu'il en tire
iont foibles, & ce miracle qu'il eftablit
mal fonde: c'eft ce que je veux laiilër
à faire à ceux de cette profenTion. l'ay
parlé iiir cette matière dans la difcu-
tion de l'opinion de Wan-Helmont,
ou j'ay dit ce qui m'en fèmble , c'eft
pourquoy je non diray pas davanta2;e.
le ne puis pourtant m empeii:her de
DES Fontaines. t^;
remarquer icv , ce que j'ay remarqué
cy-devant, qu'il faut ou iè fervir des paf^
fàges de l'Ecriture en la forte & en la
marnere qu'ils i ont , & les prendre a la
lettre & nV nen changer, ou bien ne
s'en point fei'vir du tout , pource que
le changement qu'on v apporte , ou
Texplication qu'on leur donne les chan-
ge entièrement ; & la conièquence
qu'on en tire, n'eftant fondée que fiir
ce changement ou (iir cette explica-
tion , n'a pas plus de force que la pro-
pofition toute nue de celuy qui l'a al-
légué. Et de fait que ieit ce paffage
qu ilallegue , Vne font aine mont oit , &c.
puis qu'il dit qu'il faut mettre vn plu-
riel au lieu d'vn fingulier f II ne s'en
tient donc pas au texte de l'Ecriaire,
puis qu'il le change de la forte ; &
puis qu'il avoit envie de le changer ,
il pouvoit y mettre beaucoup d'autres
chofes qui ^uflènt fervy au delîèin
qu'il avoir. Mais, m.e dira-t-on , cela
ne fe fuft pas trouve dans l'Ecriture;
il efl: vray , auffi ne trouve- t-on pas
dans l'Ecriture ce pluriel qu'il veut qui
y foit.
Oiimpiodorus qui veut que dans le
1^4 E) E l'O R I g I n e
paflage de FEcclefiafte on entende
plufieurs fleuves, au lieu de tous les
fleuves ; eft d'avis, comme noflre Au-
teur , de changer dans les partages de
l'Ecriture ce qu'il trouve faire contre
fbn opinion ; & fî , comme les opi-
nions de chacun font difl^erentes,tout
le monde veut changer à ce texte ce
qui ne fe trouve pas à (on lens j l'E-
criture fera changée en autant de ma-
nières qu il y aura de divers fentimeas:
Mais ce qui eft eftonnant , eft que cet
Olimpiodorus eft vn des premiers
Commentateurs que noftre Auteur
cite pour fouftenir (on opinion , & c'eft
le premier qu'il contredit : car il n eft
pas de fbn avis dans ce changement
la, qui faut-il donc croire? Olimpio-
dorus n'a rien trouvé à redire au Sin-
gulier de , Vne fontaine montait , &c,
noftre Auteur ne veut pas s'en con-
tenter. Olimpiodorus trguve à redire
au mot de , Tous les fleures , &c, &
noftre Auteur s'en contente bien , &
s en veut fervir. Ces contradidions
font fort fafcheufes. Se fàuf le refped
qu'on doit à tous ces grands perfon-
nages, Commentateurs, Théologiens,
D E s FO N T A I N E 5. 135
5c Philofophes chreftieas : le croy
qu'Us feroient mieux de ne point rai-
(onner fur la Phyfique lors qu ils ex-
pliquait l'Ecriture , ils fe ravallent trop
en delcendant fi bas , & ils expoleac
vne choie lamte, comme eft ce texte,
à mille cDiiti'adidions qu'on y a déjà
ti'ouvées , & qu'on y trouvera à jamais
en le prenant au pied de la lettre,
gource quil n eft point fait pour en-
leigner la Phyfique. Qoand le Saint
Elprit a parlé de ces choies, ça efté
ielon la croyance commune ou félon
les apparences vilibles : cDnmie quand
il eft dit, que le SoleU le levé &fe cou-
che ^ que du foir & du matin il a eftê
fait vn jour , & tant dautres chofes
ièmblâbles , eft - ce qu'à l'égard de
Dieu le Soleil (è levé ou fe couche ?
luy a qui tout le monde eft prefent
par toutes ces parties, & qui voit tou-
jours le Soleil de la mefme forte, &
pour qui il ne fe couche ni ne fe levé 5
& ce foir & ce matin qui font les
premiers jours de la création du mon-
de , eft-ce qu'à l'égard de Dieu il y
eut vn foir & vn matin , & vne nuit ?
en voit-on pas qu'il parle pour eftre
%%6 D E l'O r I g I n e
entendu de tout le monde ? & que s'il
euft parlé comme vn Phyfîcien , peu
de gens y auroient compris quelque
choie.
Mais pour finir , & répondre au mi-
racle que noftre Auteur fiippofe , pour
accorder les paflages de l'Ecriture avec
fbn opinion ^ le croy qu'il eft très- à
propos de (iiivre en cette rencontre le
lèntiment de faint Auguftin, que rap-
porte noftre Auteur mefine , en fe
biiant vne objection fur, ce fiijet, &
croire que Dieu gouverne de telle for-
te les choies qu'il a créées , qu'il les
laifTe agir félon leurs propres mouve-
mens naturels , c eft à dire , qu'il a dés
le commencement du Monde eftably
des règles dans tous les Eftres qu'il a
créez qu'ils noutrepaflent point , & à
qui par manière de dire il a lailsé le
gouvernement des chofes de la Phyf:-
que : de forte que ne s'en méfiant plusj
n cela fe peut dire , fa parole ne doit
lèrvir que pour expliquer des chofes
d'vne plus haute élévation , & il ne faut
point pour accorder ce texte avec des
chofes que nous ne connoifîbns pas
feulement . inventer & fuppofer des
miracles
D E s FO N T A I N ïï s. t^7
miracles dont il neft point parlé en
manière que ce foit dans tout ce qu il
y a de livres facrez. Qi^conque aura
la curiofité de voir comment les parta-
ges de l'Ecriture Te peuvent expliquer
iiir vne difficulté pareille à celle-c}^,
&peut-eftre plus grande: (car ceft
au lujet du mouvement de la Terre
félon l'opinion de Copernique dont
j'ay déjà parlé , ) il peut lire vne Epi-
ftre d'vn Antonio Fofcanny , religieux
Carme , écrite à Ion General Fontorr,
touchant ce nouveau fifteme de Co-
pernique 5. par laquelle tous les parta-
ges de l'Eciiture qu'on peut apporter
contre cette^ opinioa, (ont éclair cis ^
expliquez & conciliez avec beaucoup
d eiprit & de recherche. Cette Epiftrs
le voit à la fin des Dialogues de Ga-
lileo Galilei du fifteme du Monde.
Enfiiite de cette Epiftreeft vne autre
Epiftre du meime Galilée à la Duchef-
fe de Tofcane, ou il rapporte. & ex-
plique la dodrine de lEcriture fainte
& des Pères ; & fait voir qu'il ne faut
pas s'en fervir témérairement pour des
propofitions purement naturelles»
Comme il. n'y a dans ropinion de
tl^ De l'Origi n e
ce Père rien de nouveau , & qui n'ait
efté dit par les autres Philofbphes , que
ce /eul miracle , dont nous venons de
parler , je ne m arrefteray point à dif^
cuter le furplus de Ton opinion, lavant
fait fuffifamment comme je croy fiir
celles des autres. le diray feulement à
l'égard de l'expeiience qu'a fait Ma-
gnanus , que l'eau qui a monte , com-
me il dit dans ce canal de verre, n en
peut pas defcendre , & qu elle y de-
meure toute entière (ans en laifTer aller
vne goutte 3 nous en parlerons plus
amplement en la féconde partie de ce
Dilcours.
M. ROHAVLT.
IAcques Rohault qui a fuivy Fopi-
mon de M. Delcartes fur le fait des
fontaines , comme en toute autre cho-
fe, dit dans fon traité de Phyiique,
imprimé à Pans en tdzt. Que bien
qu'on ne puifTe confiderer l'origine des
Fontaines fans quelque forte d admi-
ration, il ne luy fenible pas néanmoins
que la recherche de cette origine foit
vne chofe fort difficile , puis que quand
on voit ^ dit-il; que les fources &
D E s Fo N T A I NE s. 1 ^5>
les Rivières qui en font les amas ,
coulent toujours, qu'elles entrent daiis
la Mer , & qu elles ne la font poi ic
eifler 3 il faut conclure que c'eft elle
qui leur fournit les eaux , & que la
Terre eftant ouverte en plulieurs en-
droits, il eft aisé aux eaux de la Mer
de paiTer & de couler par tout; dcquo
pour ce qui eft de les iàire monter
en haut il faut, dit-il, qu'il y ait quel-
que raiion pour cela laquelle il expli-
que après avoir refuté les diverfes opi-
nions des Philofophes fur ce fajet ; &
dit qu'on peut raifonnablement pen-
1er que ces eaux lont réduites en va-
peurs par la chaleur qui le rencontre
dans les entrailles de la terre ; qui eit
telle qu'on rexpeiimente meime d'au-
tant plus grande qu on y deloend plus
bas 5 & que les vapeurs ne pou\:^.nt
s eftendre ni continuer commodément
leur mouvement en fe répandant vers
les coftez ou il y en a en inefîne-
temps d'autres qui tendent à fe dila-
ter , c eft vne neceffité qu'elles fe por-
tent vers le haut des montagnes ; ce
qui eft h vray, dit-il, qu'il y en amef-
me qui s élèvent julque dans lair ^ ou
M 1}
î4« De l'Origine
elles fervent par après à former & coni-
pofer des pluyes , de la neige , & de
la grefle. Q^ ces vapeurs eftantainfi
paiTemiës à la fuperficie de la terre ,
rencontrent de la froideur qui leur
fait perdre la plus grande partie de
leur mouvement , & par confequent
les fait arrefter , & la fe gliflànt les
vues prés des autres compd eut de pe-
tites gouttes qui le joignant enfemblc
defcendent par leur pelanteur vers le
bas , & font quelque filet d*eau qui fe
joignant à vn autre & ceux-cy à d'au-
tres , compofent vue veine d eau qui
partant par les fentes de la terre eft
conduite hors la montagne , & fait ce
que nous appelions vne fource d'eau
Vive ou vne fontaine ; & parce que
le iel ne peut pas s'élever en vapeur
avec les parties de l'eau douce ou il
eft méfié , de là vient que les eaux
des fontaines font douces.
Hefiexions fur f opinion de M. Kohauh
La différence qu'il v a de l'opinion
it. M. Rohault à celle de Lydiat &
deM.DuHamel , eft que ces deux-cy
«ionnentt raifon de la chaleur qu'ik
D ES FON T A I N E 5, 141
Client caiifer les vapeurs de la ter-
re, en luppoiant va feu faufterrain
C3ntinu & continuel qui TechaufFe ,
au lieu que noftre Auteur nan plus
que M. Delcartes melme n'en rend
aucune j le contentant de dire queles
vapeurs font causées par la chaleur
qui le rencontre dans la terre , fans
dire ce qui cauie cette chaleur : corn-
me s'il vouloit faire croire que naturel-
lement la Terre eft chaude au dedans ,
ce que pas vn Philoiophe que je Içache
n'a dit encore y au contraire on luy at-
tribue entre autres qualitez celle de
froide , comme dit Lydiat : car s'il vou-
loit dire qu'il eft inutile de prouver
vne chofe qui eft connue , & que
certe chaleur, comme il dit enfuite , le
trouve eftre plus grande plus on del-
eend bas , il le pourroit méprendre , cet-
te chaleur prétendue n'eftant pas ac-
tuelle , mais feulement apparente &
comparative à la chaleur ou à la froi-»
deur du dehors , comme il a efté dit
bien au long fur l'opinion de Lvdiaî ; &
s'il veut s'en tenir à ce que Ton fent
dans la terre , il faudra qu'il demeure
■ d'accord qu'il y fait froid en Efté, ce
142 De l'Origine
qui câuferoit vne autre difficulté à ion
opinion ; pource que par cette raiibri
de frailcheur il ne fe feroit point de
vapeur , & les fontaines ceffèroient de
couler 5 & par confequent les rivières
dont elles font les amas , comme il
dit, car félon qu'il le fait entendre le
cours & la fubfiftance des fontaines
n'eft fondé que (ur cette vapeur con-
vertie en eau à mefure que la conver-
lîon s*en fait , & c eft la raifon que rend
Ariftote pourquoy les montagnes ren-
dent leurs eaux petit à petit.
Les autres difficultezeftant les mef-
nies qui ont efté remarquées fur les o-
pinions de Lydiat & de Du Haniel , il
ny fera pas fait de nouvelles réponles,
LE PERE FRANÇOIS.
IEan François lefuite 5 dans fon livre
intitulé la Science des eaux , impri-
mé à Rennes en Bretagne en 1(^55.
condamne l'opinion de ceux qui don-
nent les eaux de la Mer pour principe
des Fontaines , & fouftient qu'elles ti-
rent leur origine des vapeurs humides
que les vents font entrer dans la terre
par les endroits qui lem* font oppofez :
DES Fontaines. 145
comme font les collines & principale-
ment celles qui regardent le couchant,
d'où viennent le^ vents les plus humi-
des , & que ces vapeurs fe convertii-
lant en eau f>it les fontaines , qui f3nt
par cette raifon plus ordinaires aux
lieux qui ont cette expofition , qua
ceux qui font contraire ; que s'il fe
trouve qu il y ait de ces lieux-là cm il
nV ait point de fontaines , & qu'au
contraire il y en ait fiir ceux qui regar-
dent le levant , c eft que ces eaux ant
trouvé vn fonds de gkiie dont la pen-
te les porte vers la colline exposce au
levant, en leur tàilànt faire le trajet de
toute lépaifleur de la montagne. Il
(iippofe que cette refolution de vapeurs
en eau eft faite par la chaleur du feu
foufterrain dont il a efté parlé cy-de-
vant. Il croit aufTi qu'il entre dans la
terre , par pénétration , beaucoup
d'eaux de pluye que la meime chaleur
fait évaporer au haut des montagnes ^
c^^refoudre en eau : Et conclud enfin
que toutes les eaux ont pour principe
les pluyes & les vapeurs humides , lei-
quelles pénétrant la terre tont les puits,
& eu iortant deviennent foutaunes 3 ôc
Î44 I>E l'Or i gine
de fontaines de viennent livieres. iMit
aufli que les terres horifontales laiflent
entrer dans elles toutes les eaux de
pluyes , que les verticales n'en reçoi-
vent point , & que les penchantes en
reçoivent feulement vne partie plus
ou moins félon leur pente.
Reflexion fur t opinion du ?cre
le an François,
Les réflexions que Ton pourroit fai-
re fur cette opinion , font celles-là
mefmes que nous avons déjà faites fiir
d'autres femblables: A quoy l'on peut
ajoufter, qu'à 1 égard des fources qu'il
dit eftre plus ordinairement aux colli-
nes exposées au couchant , qu'à celles
qui font exposées au levant; ce ienti-
ment n'eft pas le plus ordmaire : car
l'on croit avoir remarqué par expé-
rience le contraire de ce qu'il dit , ce
que l'on fonde mefine fur le cours du
Soleil , qu'on dit avoir beaucoup de
puifîance fiir la produdion des four-
ces, & fur les lieux de leurs Ibrties:
mais cela n'eft qu vne opinion fans fon^
dément valable ^ l'objeclion qu'on y
pourroit faire feroit aufTi bien legei'e ^
DESFONTAINES. 14.5
quoy que la remarque de noftre Au-
teur ne foin pas plus affurée. Pour ce
qui regarde la pénétration de la Ter-
re par les eaux des pluyes , nous en
parlerons amplement dans la fuite de
ce Difcours : Mais à Tégard des puits
qu'il dit eftre caufez par les eaux des
pluyes , il me fem^ble qu'il de voit ea
avoir parlé avec plus de reftriction
qu'il n a fait , & ne ]3as attribuer la
caufè de tous les puits lans refer\eaux
eaux de la pluye dans le fens qu'il
Teatend.
P A L I S S Y.
BErnard PalifTy , inventeur de ru-
ftiquès figulmes, dans fon traité
des Fontaines, imprimé à Paris en l'an-
née 1580. dit, qu'ayant confidere de
prés la caufe des fources des Fontai-
nes naturelles , il a connu qu'elles ne
procedoient & n eftoient engendrées
que des pluyes ; Et auparavant il dit,
f)arlant des puits , que leurs eaux font
èulement des égoufts des pluyes qui
tombent alentour ^ & en vn autre en-
droit , parlant des petites ifles de U
Mer ou il v a de Teau douce, il dit
N
14^ D E l'O r I g I n e , 8cc.
que cen eft que des égoufts des pluyes
traverfaiit la terre jufques à ce qu elles
ayent trouvé fonds. Et en va autre en-
core il dit , quon ne trouvera jamais
de fontaines en vne terre (ablonneufe,
pource que les eaux de pluye qui tom-
bent fiir la Terre s'en iroient toujours
enbas jufques au centre de la Terre^ &
ne (e pourr oient jamais arrefter pour
faire ni puits m fontaines ; & quela eau-
fe pourquoy les eaux le trouvent aux
puits & aux fontaines , eft qu'elles ont
trouvé vn fonds de pierre ou de terre
argileule qui peut tenir leau , & qu'il
n'y a ni puits ni fontaines où il n'y ait
deflbus quelque terre argiIeulè , pier-
re , ardoiie , ou minerai , qui retien-
nent les eaux des pluyes quand elles au-
ront pal se au travers des terres. Ce
font les propres termes de cet Auteur.
Reflexions fur l'opinion de Palifsy,
Cet Auteur eft de l'opinion de ceux
qui tierinent que les fontaines font
causées par les pluyes, & comme jay
remis à difcuter cette opinion dans la
féconde partie , je n'en diray rien davan-
tage preientement.
DE
L' O R I G I N E
DES FONTAINES.
SECONDE PARTIE.
^^^^^^ Elles font à peu prés les
^^ opinions que les Philofophes
I anciens & modernes ont eues
touchant T origine des Fontai-
nes ôc des Rivières . Par les reflexions
que j av faites fur chacune en particu-
lier, je ne voy pas qu'il y ait dequoy en
eftre beaucoup latisfait;& aflurément
tous ceux qui n'y prendront point d'in-
tereft feront de ce fentiment : car je
voy que chacun de ces Philofophes en
ion. particulier , a rejette l'opinion des
autres quandellenes'eft pas rapportée
àlaf"enne. Peut-eftreaufîî en eft-ilde
mefiTie de la mienne à mon égard : mais
je tafcheray de 1 affranchir de toutes
N ij
hS De l'Origine
les objeclioiis que j'ay faites fiir les
autres, & n'en omettray aucune autre
fi je puis que je ne me fafle , & à la-
quelle je ne réponde de bonne foy.
le fouhaite qu il vienne quelqu vn qui
la rejette , comme j'ay rejette les au-
tres, & qui en mefme temps en ouvre
vne autre toute nouvelle qui foit meil-
leure , puis que je n ay deflbin de la fou-
tenir , qu'autant que je la croiray fou-
tenable.
OPINION DE TAYTEVR:
M On opinion eft donc que les
eaux des pluyes & des neiges
qui tombent liir la Terre , font la cau-
fe & Torigine des Fontaines. Ce fca-
timent eft le plus ordinaire & le plus
fuivy : Néanmoins de la façon que je
conçoy la choie , il y a vne différen-
ce extrême entre ma pensée & celle
de ceux qui fuivent ce fentiment or-
dinaire. Car ils croyent que les eaux
des pluyes & des neiges fondues tom-
bant fur la Terre , la pénètrent juf-
ques à ce qu elles ayeat rencontré de
la terre graffe ou autre choft qui les
arrefte 5 furquoy elles coulent vers
D E s Fo N T A I NE s. î4^
quelque ouverture fur le penchant
dVne montagne ; & moy je croy que
la pluye ne pénètre point la Terre ,
ni ne deicend point jufques fur cette
terre graiïe.
Ils croyent que les eaux qui tom-
bent fur les plaines hautes , font la
caufe des tontaines, pai* le moyen de
cette pénétration qu'ils fuppoient 5 &
moy je tiens que toutes ces eaux- là
font perdues pour les fontaines , 6c
«qu'elles ne fervent qu'à la nourriture
des plantes & des arbres , & à faire des
mares 5 des eftangs & des puits de peu
de durée ; & aufli à donner des vapeurs
qui produifent de la pluye , de la neige
êc de la grefle.
Ils crovent que les pluyes qui tom-
bent fur le penchant des collines, font
perdues & de nulle vtilité pour les four-
ces , par la raifon que de là elles tom-
bent dans les rivières qui les emmè-
nent à la mer j & moy je croy au con-
traire qu il n'y a que celles-là qui fer-
vent à la produdion & entretien des
fovrces par cette mefme raifon qu'el-
les tombent dans les rivières.
Ils crovent auffi que ce font les
N iij
150 De l'Origine
fontaines qui eftant affeniblées font
les rivières , & que s il n'y avoit point
de fontaines il n y auroit point de ri-
vières ^ & moy je croy que ce font
les rivières qui font les fontaines , &
que s'il n'y avoit point de rivières il
n'y auroit point de fontaines.
De forte qu'il sen faut beaucoup
que nous i oyons de mefme avis , quoy
que noiis convenions d'vn mefine prin-
cipe 5 les moyens que nous eftablif-
fbns de part & d'autre pour l'exécu-
tion de la chofe font tout-a-fait ditFe-
rens , & la manière dont ils les c3nçoi-
vent devient en quelque façon vne
opinion particulière qu'il faut encore
examiner , & voir fi elle peut élire
receuë.
OPINION COMMVNE.
Vitrvve,Gassendy,Palissy,
LE Père Iean François.
I 'Appelle cette opinion, l'Opinion
Commune , parce qu'il n'y a prel-
qiie perfonne qui ne la fuive , fans
autre railon que je fçache , (laoïi qu'il
y a de l'appareace que cela eft auifi ,
DES Fontaines. 151
âcaufèque les fontaines font plus for-
tes à la fin de l'Hy ver quand il a efté
pluvieux, qua la fin de l'Efté quand
î'Efte a efté (kc^dc qu'elles font plus
eu moins fortes félon que les pluyes
Ont efté plus ou moins grandes. Mais
d expliquer par le menu & en détail
les moyens par lefquels cela le fait :
ceft ce que perfonne na pris foin de
faire ; & c'eft pourtant ce qu'il y a de
principal à confiderer. Ne laillons pas
néanmoins d'examiner ces moyens
quels qu'ils ioicat , &: par ce qu'en ont
dit ceux qui ont iuivy cette opinion ,
tafchons de voir i\ ces moyens lont re-
cevables.
Entre les Auteurs dont jay parle
je ncn. trouve que quatre qiu ayent
iiuvy cette opinion Commune; fç avoir
Vitruve, GafTendv, le Père François,
& PalifR^
Ce que j'ay rapporté de ces quatre
Auteurs fait voir qu'ils croyent que
les eaux de) la pluye traverfent la Ter-
re & y entrent par les ouvertures qui
Ibnt fur les montagnes pierreuies^s'arré-
tant aux lieux lolides & non Ipongieux.
Quo les eaux des pluyes & des neiges
N luj
i^î De l'Or i gi ne
s'amaflent dans des lieux creux fiir les
montagnes qui font Ibuvent couverts
d'arbres,dont l'ombrage conferve long-
temps la neige , quHè fondant petit à
petit s'écoule infenfîblement par les
veines de la terre , & que ces eaux
eftant parvenues au pied des monta-
gnes y produifent les fontaines. Que
les terres horilontales laiflènt entrer
dans elles toutes les eaux des pluyes ,
& que les penchantes n en laiflènt en-
trer qu'vne partie à proportion de leur
pente. Que les eaux des fontaines &
des puits lont feulement des égoufts
des pluyes qui tombent alentour & qui
traverlènt la terre , jufques à ce qu'el-
les ayent trouvé fonds , (ans quoy elles
s'en iroient toujours en bas ju{quau
centre de la Terre , & ne fe pourr oient
jamais arrefter ; & qu il n y a ni puits
ni fontaines où il n'y ait deflt)us quel-
que terre argileufe , pierre , ardoife ,
ou minerai , qui retiennent les eaux
des pluyes quand elles ont pafse au
travers des terres. Ce font les propres
termes de ces Auteurs.
DE s FON T A INES. 15}
Réflexions fur F Opinion Commune,
Il eft aisé de connoiftre par ce que
je viens de raj^porter , quels font les
moyens par lelquels ceux qui fuivent
lopinion Commune croyent que les
eaux de la pluye peuvent eftre lacaufe
des fontames , qui ne lont autres que
la pénétration delà terre par ces eaux-
la ^ & leur arreft fur quelque fonds
de terre grafle & argileufè , pierre ,
ardoife ou minerai , comme dit Palif-
fy , ou fur quelque autre tonds (blide
&non fpongieux, comme dit ^^•*:ruve.
Puis que ceft donc là leur pensée^
& probablement celle de tous ceux
qui fuivent cette opimon , examinons-
la , & voyons quelles font les difficul-
tez quon peut y remarquer; Pour
moy j'y en trouve deux principales.
La première eft cette prétendue péné-
tration de la Terre par les eaux de la
pluye, qui ne me femble pas polTible
de la manière qu'ils l'entendent : la
féconde eft que je ne croy pas qu'il
tombe aflez d'eaux de pluye & de
neige, pour que la Terre en puiflb
cftre abreuvée autant qu'd le faut , &
1^4- De l'Origine
qu'il en puifîè refter eacore aflez pour
faire couler les fontaines , les rivières
& les fleuves qui en font produits ,
comme ils difentjpar les moyens qu'ils
fuppofent.
Avant que d'entrer dans la difcuf-
fîon de ces deux difEcultez , je veux
rapporter icy vne expérience que j'ay
faite 5 qui pourra donner quelque lu-
mière à ce que nous avons à dire.
Il eft dit cy-devant dans l'opinion
du Père Schottus lefiiitc, qu'Emanuel
Magnanus ayant mis du fable dans vn
canal , Feau y eftoit montée jufques à
la hauteur de trois palmes. Poui* voir
fî cela elloit vray, ( car ei fait d ex-
périences d'Auteurs de nouvelles dé-
couvertes on ne peut eftre trop dé-
fiant ) j'ay pris vn tuyau de plomb de
vingt lignes de Diamètre & de deux
pieds de long ^ & l'ayant fermé par en
bas avec de la toile, comme le décrit
Magnanus, & l'ayant remply delable
de Rivière fec & pafsé au gros fàs ; je
l'ay posé perpendiculairement dans vn
vaifTeau d'vne large fuperficie & de
peu de profondeur plein d'eau , la par-
tie fermée en bas , & enfoncée dans
D E s f O N T A I N E 5. tÇ^
Veau de quatre lignes feulement , &
layant laiisé en cet eftat l'elpacede
24 heures 5 je trouvay que Teau du
vafe avoit monté dans le canal jufques
à 1 8 . poulces de hauteiu' ^ dont le fable
eftoit mouillé, l'avoue que j'en fus af-
Ccz eftonné , ne meftant pas ima-
giné qu elle puft monter fi haut , &
continuant de vérifier cette expérien-
ce, je voulus voir fi cette eau amfi
montée pourroit s'écouler de cofté &
d'autre pouriaire desfources, queMa-
gnanus dit fe faire de la forte , & en
meime temps il me vint en la pensée
que ficela ponvoit eftre ainfi, le mou-
vement perpétuel feroit trouvé. Pour
eftre donc éclaircy de tout , je fis au
canal vne ouverture de fept ou huit
lignes de diamettre , deux poulces au
deflùs de la lurface de l'eau du vaze ,
à laquelle ouverture je joignis vne pe-
tite goutiere de deux poulces de ions;,
allant en penchant vers leau, dans
laquelle je mis du melme iable f^c^
qui fe joignoit à celuy du canal j &
deflous ce lable , dans la goutiere )'a-
vois mis vn papier gi'is dont le bout
forçant hors de h goutiere peadoit à
s^6 D E l*Orig in e
plomb à demy poulce prés de Teau in
vafe, m'imaginant que ceGbIe allant
en pente dans la goutiere donneroit
quelque commodité à l'eau qui eftoit
montée dans ce canal , & qui de-
voit fe communiquer au fable de la
goutiere , d'y descendre & de couler
plus facilement , à quoy ce papier
gris devoit aufîî fervir de quelque
chofe à ce qu'il me (embîoit : m'ima-
ginant auflî que Teau du vafe fourni-
roit ce qu'il faudroit pour remplacer
ce qui pourroit fomr par cette gou-
tiere , & qu ainfi le mouvement per-
pétuel feroit trouve ; n ofant plus dou-
ter que cela ne puft eftre , après ce
que Magnanus avoit dit , & après avoir
trouvé véritable l'expérience par luy
rapportée fiir laquelle il fondoit fori
opinion • mais la chofe n alla pas ainfi ;
car quoy que le fable de la goutiere fe
moiiillaïl , & le papier gris auffi , ja-
mais il ne tomba vne feule goutte
d'eau de cette goutiere ; le papier
mefme tout moiiiUé qu'il eftoit & qui
pendoit prés de l'eau du vafe ne l'eftoit
pas aflez pour moiiiller feulement le
àoigt quand on y touchoit. Reconnoif-
DES Fontaines. 1157
faut donc ( je ne veux pas dire la mau-
vaile foy de Magnanus , ) mais l'erreur
où il eftoic, seftant contenté de voir
monter Teau dans ce fable , fans avoir
voulu fçavoir fi elle pouvoir s'écouler
de cofté ou d'autre ; comme il l'aflii-
roitpar conjecture feulement , je vou-
lus en 'eitre éclaircy davantage , &
pour cet effet je tiray mon canal du
vafe & le tufpendis fur vn autre vaif-
leau vuide durant vne demy journée:
mais jamais il ne tomba vne leule
goutte d'eau de toute celle qui eftoit
montée 1 8 . poulces de haut dans ce
fable 5 & la toile qui fermoit louver-
ture du canal & qui fouftenoit tout
le lable moiiillé qui y eftoit y n'eftoit
pas mouillée davantage que le papier
gris de la goutiere. le pafiay plus ou-
tre, je jettay de l'eau par en haut fiir
ce lable aiiîfi abreuvé , pour voir fi
elle pafieroit à travers & combien il
en pafferoit , & je vis qu'il n'en eftoïc
pafsé que les trois quarts j & le jour
d'après y en ayant versé encore vne
pai'eiUe quantité , je vis qu elle pafla
toute , après quoy le jour fiiivant je
fis lortir du canal le lable qui y eftoit.
ï^S De l'Origine
en oftant la toile & fecoiiant à plomb
le canal , & je remarqiiay que le fa-
ble qui fortit le premier eftoit com-
me du mortier bien mouillé , & que
le dernier ne l'eftoit pas tant à beau-
coup près , quoy que j'eufle mis deux
fois de l'eau fiir celuy d'enhaut ^ qui
eftoit celuy qui fortoit le dernier. lay
recommencé la melme expérience
avec du lable non lalsé ayant fes pier-
res grofîes & menues : mais Teau n'y
a monté que dix poulces. le l'ay faite
encore avec du grais calsé &laisc , dans
lequel l'eau n'a monté pareillement
que dix poulces. le l'ay faite encore
avec de la terre franche, feiche, gre-
nue , non fafsée , fans pierre, dans la-
quelle elle a monté 1 8 . poulces, com-
me dans le fable falsé ^ & fiir tous ces
fables f afsé & pierreux , grais & terre
franche , j'ay versé de Teau comme la
première fois , qui a palsé de mefm.e
<Scavec les mefmes circonftances. le
lay fiite encore d'vne autre façon,
ou pluftoft j ay fait vne autre expé-
rience 3 ; ay pris de la terre tranche ,
feiche, fàfsée, quej'ay miie dans mon
canal, en la battant vnpeu, non pas
D E s FO N T A I NE s. 1 5^
avec vn bafton du calibre du canal:
mais ieulement arec vn petit baftoii
de la groflèur d'vne plume, &fiir cette
terre leiche j'ay jette de Feau par me-
lure pour voir li elle paiTeroit^ lame-
lure de l'eau que je mettois eftoit vne
fiole de verre de la grolTeur d'vne
moyenne balle de jeu de paulme que
j'empliflbis julquau haut du goulet.
l'y en av donc versé de temps en
temps trois fois plein cette fiole fans
qu'il foit rien forty par en bas , & à
la quatrième il en efl: torty le tiers de la
fiole, l'y en ay verse vne cinquiém-e&
le tout eft ioTty ; & encore vne fixié-
me & pareillement le tout efl forty
Gns rien davantage pendant plus de
1 8 . heures, par où j'ay connu que certe
terre leiche , comme elle eftoit , ne
pouvoit eftre difposée à eftre pé-
nétrée par l'eau quaprés avoir efté
mouillée de trois fioles ce demie a.
proportion des tS. poulces de haut&
du diam.etre du canal où elle eftoit,
leiquelles trois fioles & demie f3nt
la n'oifiéme partie de la hauteur def-
dits t8. poulces. Enfin pour achever
cette dernière expérience , toute leau
téo D E l'O r I g I n e
que favois jetteé fur cette terre eftant
pafsée , comme j ay dit , je laiflày le
canal & la terre en l'eftat qu'ils
cftoient durant trois jours , après lef^
quels l'y verlay vne fiole d'eau : mais
il nQïi paflà que les trois quarts à cau-
fe, comme il y a apparence , que le
deflus de la terre s eftoit vn peu fd-
ché ; & y ayant enfuite jette vne au-
tre fiole d'eau , elle paflà toute.
Cette expérience me fit fbnger à
Vne autre chofe qui eftoit de voir, fi
de l'eau (alée monteroit dans ce lable
avec fbn lel , ou fi en fe percolant en
montant de bas en haut, elle le quit-
teroit comme quelques chimiftes ma-
voient afluré : mais l'eau lalée monta
jufques aux 1 8 . poulces , & le lable
eftoit falé en haut comme en bas, &
s'il paroiflbit leftre vn peu moins , je
croy que ceft qu'il neftoit pas fi
moiiillè.
le tire beaucoup de confequences
de cette expérience. Premièrement je
connois que l'opinion de Magnanus
n'eft pas recevable, & quelle neft
fondée que fiir vn fait qui n'eft vray
qu'à demy : fui*quoy je remarque en
pafiant
DES FON T A I N E S. i6t
pa/Tanc que ce que ]'ay dit ailleurs eft
bien véritable ; que la plufparc de ceux
qui font des expériences fur des décou-
vertes dont ils veulent palier pour les
Auteurs, ne les veulent regarder que
ducofté qu'elles fervent à leur delTein ,
comme a fait Magnanus qui vouloir
feulement prouver le luccement de
Peau par la te^re.
Secondement je vérifie ce que j'av
dit cy-devant fur l'opinion des Con-
nimbres , que les chofes qui attirent ,
comme l'éponge , le fable , &c. ne
rendent point ce qu'elles ont attiré.
En troiliéme lieu , que la Terre n'efl
point pénétrée par l'eau pour la laifîer
pafTer toute qu'elle ne ioit moiullée
entièrement, & qu'elle ne foit molle
comme du moraer.
En quatriém.e lieu, que pourmoîiiî-
1er delà terre & la rendre ditposée à la
pénétration, il faut de Feau la troifié-
me partie de U hauteur & épaiflèur
de la terre.
En cinquième lieu, que quand il
cefîe de couler de Teau a ti'avers la
terre , la terre pe^d fa difpofition à la
pénétration 5 laquelle ne fe peut re-
Q
i6î De l'Origine
parer qu avec perte de partie de leaii
qui y fera jettée de nouveau plus ou
moins félon le temps de la ceflation ,
ou félon le hafle & le chaud qu'il au-
ra fait.
Enfin que la terre à travers laquel-
le il a pafsê de l'eau eft mouillée davan-
ta2;e en bas qu'en haut, foit que l'eau
y loit montée comm.e en l'expérience
de Magnanus , foit qu elle y Ibit def^
cendué après que la terre y a efté pro-
parée comme e i mon expérience.
Pour reprendre donc noftre Dif-
cours & examiner les deux difficultez
que j'ay remarquées fiir l'opmion Com-
mune y à l'égard de la première , qui
eft cette pénétration que je croy ne fe
pouvoir faire , comme ils croyent ^ le
diray premièrement , que iï l'on en
veut croire Seneque & Lydiat après
kiy , la terre ne fe laiHè pas pénétrer
avec tant de facilité qu'on croit par la
pluye. Ce que la terre boit , dit ce
Philofbphe, eft peu de chofe : car ou
elle eft déjà humide, & alors elle re-
fule de boire ce qui luy vient au delà
de ce qu'elle a defiré , ce font les ter-
mes, ou biea elle eft feiçhe, 2c Crïi c^
DE s FON T A I NE s. i^^
cas elle retient & confiime ce qu'elle
a bu, de cela eft conforme à noftre
expérience ; mais j'ajoufte à ce rai-
fonnement les expériences qu'on fait
tous les jours fur cette pénétration de
la terre.
L'eau dont on arrofe les arbrifTeaux:
ou autres plantes qui font dans des
quailîes , ne pénètre qu'avec peine
le peu de terre qui y eft, Se je pour-
rois dire qu'elle ne la pénètre point
entièrement 5 l'on a beau y en jetter
tous les jours de nouvelle , on ne la
voit point fortir par le tond de ces
quailTes , elle demeure attachée aux
parcelles de la ten'e qu'elle a m.oûil-
lées ; & celle que Ton continue d'y
jetter ne lert qu'à remouiller la terre
de deffiis qui s'eftoit ieichee par le
chaud. ( le ne parle point de l'eau
qui palFe quelquefois entre la terre &
les coftez des quailles quand il y a
long-temps qu'elles n'ont efté arrosées,
& que la terre s'eft retirée à caille de
la leichereiTe , cela ne peut pas sap-
peller pénétration ).
Le mortier de terre que font les
maçons limolîns , i la campagne ^ &
O ij
1(^4 De l*Ori gi n e
qu'ils tiennent relevé en vn monceau,
ne laiffe point écouler fon eau quoy
qu'il en {oit tout remply , au contrai-
re il la retient , & s'il vient à fe lei-
cher avant que d eftre employé , l'on
voit hiQti que ce n eft pas que l'eau
ait quitté la terre & qu'elle ait pafsé au
travers, pource qu'on voit que ce mor-
tier fe (èiche également par toutes Tes
parties. Il en eft de mefme de celuy
qui eft employé ^ dont on ne voit point
que Teau coule le long des murailles
quand elles font faites, ce qui pour-
tant devroit arriver , & cela eft en-
core conforme à noftre expérience ,
mais en voicy d'autres.
Les mares qui font dans la campa-
gne 5 où toutes les eaux d'alentour f e
viennent rendre, les gardent durant
tout PEfté fans que la terre du fonds
les boive.
Les fofTez qui environnent les ter-
res labourables les confervent de mef-
me , jufques à ce que le hafle les ait
confumées.
Vne des plus grandes peines des la-
boureurs eft de deffeichcr les terres des
plaines qui font fur 1^ montagnes ^ que
DES Fontaines, k^^
les eaux no vent, ils font pour cela
de profonds filions qu'ils traverfent de
longues tranchées & vuidanges pour
les conduire dans les mares dont nous
avons parlé , autrement leurs bleds fe-
roient ou pourris ou gelez pendant
rhyver.
La terre n'eft donc pas fî difposée
à la pénétration qu'ils prétendent ;ôc
Ton en pourroit donner vne rail on
entre aun^es qui eft allez naturelle»
C'eft que depuis qu'il pleut fur la ter-
re , & prmcipalement (iir celle qu'on
a de couftume de labourer & culti-
ver 5 l'eau de la pluye a entraifné a-
vec elle ce qu'il y avoit de gras &
de délié dans cette terre, & Ta fait
descendre jufques ou la charrue Pa en-
tamée , où elle a fait vne efpece de
couiToy qui peut refifter à la pene-
ti'ation.
Ceft par vne fembkble raifon
que ces mares & cesfoflèzconfervent
leurs eaux comme l'on voit : car les
eaux U'oubles qui s'y rendent venant
à s'éclaircir par !e repos , lailTent aller
au fonds le limon gras dont elles
cftoiçnc troublées , lequel bouche Je&
t^(^ De l'Origine
pores de la terre & fait vn (eniblable
coLirroy, qui empefclie que F eau ne
palTè plus avant; & de fait qui voudra
fouiller dans le fonds de ces mares il y
trouvera la terre dure & prefque ici-
che. Il en eft de mefine de ces ïoiïcz
& vuidanges dont nous avons parle.
Mais paflbns plus outi'e , ne nous
arreftons point , ni au raifonnement
de Seneque , ni a nos expériences
de ces quaifl'es d arbnfTeaux , de ce
mortier de terre , de ces mares , fof-
fez , & terres noyées par les eaux , ni
à ce raifonnement du limon des eaux
troubles : Entrons dans le folide de la
terre & voyons, s'il eft poHîble, com-
ment elle eft faite au dedans , & de
quelle qualité elle eft quand on la
fouille^ vn peu avant; defcendons ini-
ques fur cette glaife , ou les eaux ont
accouftumé de de(cendre ôc de s ar-
refter , comme ils difent.
Le mefme Seneque affiire que les
eaux de la pluye n'entrent point dans la
terre plus avant que dix pieds , cd qu'il
affirme comme vn bon vigneron qu'il
dit qu il eft , qui a fbuvent creusé la
terre. Pour moy , par les expériences
D tS FO NT A I NE s. 1^7
de par les remarques que j ay Elites en
des temps ditterens ^ je n'ay pas trou-
vé que cette pénétration allaft fî avant^
j ay fait ouvrir la terre fiir des monta-
gnes, iur la pente des collines, dans
le bas des plaines , dans des jardins
cultivez, après de grandes oclongues
pluyes , je n ay jamais trouve la terre
mouillée plus avant qu' vn pied & demy
ou deux pieds , & immédiatement après
je lay trouvée de mamere qu'on la
pouvoit dire feiche , & dure de telle
forte qu'il faloit la befoche ou le pic
pour fentamer, la beiche ni la houe
ne pouvoient y entrer. lav fait creu-
fer des puits, j'av cherché des eaux
fur le penchant des montagaes : j ay
trouvé pareille choie a TouveiTure de
la terre , c eft à dire pa^'eiile humidité
a Fenn-ée, & pareille feicherefle plus
avant fans aucune apparence qu il y
euft coulé de Feau, m quelle eneuft
jamais efté moiiillée ; j ay trouvé que
cette leicherefle de terre connnuoit
toujours , jufque à dixhuit ou vingt
pieds de profondeur, quelquefois plus,
quelquefois moins : tantoft c eftoit de
la terre, tantoft du lible, d'autres fois
1^8 De l'Origine
du gravier ; j'y ay rencontré vne fois
parmy des démolitions de maifons de
la cendre tellement feiche , que le vent
la pouvoit emporter à peu près com-
me celle que l'on viendroit de tirer
du feu, ( ce qui eft à remarquer, pour-
ce que ces démolitions dévoient avoir
pluftoft donné pafTàge à 1 eau de la
pluye pour venir moiîiUer cette cen-
dre, qu'vne terre neuve & non re-
muée. ) Enfin après avoir fciiiUé juf-
ques à dix-huit ou vingt pieds , | ay
trouvé du (àble vn peu humide , ou
bien de la marne , du crayon blanc,
ouglaiie blanche, pareillement humi-
de, & qui continuoit de l'eftre ainfi
de plus en plus environ vn pied &
demy : & après j ay veu de I eau pa-
roiftrc dans le tuf, entre des cailloux
fîir ' vn lit de glaife , fortant à gros
boitillons plus ou moins félon que la
veine eftoit féconde.
Voila en quel eftat j'ay trouvé le
dedans de la Teire quand j'y ay cher-
ché des fources : ce que j ay reconnu
eftre pareil en tous les lieux ou j ay
veu foiîiller des eaux; &je croyquil
y a lieu de dire qu il en eft de melme
par
DESFONTAINES. 169
par tout ailleurs, nonobftant quelques
cas finguliers qui ne peuvent pas chan-
ger la vérité de ma propofition.
Si cette eau que je trou vois eftoit
delcendu^ par vne pénétration viii-
verlelle & vniforme , comme ils la
defignent par ce quils en dilent,ea
mouillant toutes les parcelles de la
Terre dans toute Ion epaifleur ou pro-
tondeur, & avec cette liberté & faci-
lité qu'ils fiippol'ent, je devrois avoir
trouvé toute la terre mouillée depuis
le haut julquenbas inégalement, de
. meime qu'elle fe trouve dans le canal
de noftre expérience , félon quelle
feroit plus ou moins defcendue; &
enfin je l'aurois veuè' diftiUer douce-
ment petit à petit fur cette glaife , lùp-
posé quil y vmft de nouvelle eau
pour la pénétrer ; de meime que quand
j a VOIS jette de Teau fur le fable ou
terre déjà mouillée de mon canal , &
elle ne fe feroit fait voir en quantité ,
qu'après qu'on luy auroit donné le
temps de (e ramaflèr en va lieu plus
creux , qu'on luy auroit tait pour la
recevoir.
Quelques p.erfonnes à qiu j ay fait
P '
t7o De l O r I g I n e
la defcription de cette foiiille & qui
demeurent d'accord du fait , m'ont
dit , que cette eau vive trouvée fîir
cette glaife fortant à gros boiîiHons , eft
vae eau qui eft venue là pay des en-
droits éloignez & inconnus, & qu'elle
s' eft ainfi répandue & amaisée avec
abondance entre les pierres de ce tuf.
D autres le prennent plus finement,
&: difent, que la Terre, comme je lay
remarqué , en recevant les eaux de la
pluye , les laifle defcendre entre les
parcelles qui la compofent jufques au
lieu ou la charue l'a entamée, & où-
nous avons dit qu'il y a vne eipece de
courroy , & qu'eftantla, félon qu'il y
a de la pente , elles coulent vers les en-
droits bas , & amfi fe pourtant ou s'at-
tlrant l'vne l'autre , comme par vn filtre
oufiphon, elles trouvent en quelques
endroits des fables graveleux qui luy
donnent paflàge jufques fur cette glai-
fè profonde , ou elles demeurent af-
feniblées , pour fortir par les ouvertu-
res que Ton leur hit ou qu'elles f e font
elles-mefmes , pour couler comme des
fources 3 & qu'encore qu'on ne voye
pas cela diftindement , il eft à croire
DES Fontaines t-t
néanmoins que cela fe peut faire de la
lorre , puis eu on voitaflez de fontai-
nes conlTd érables couler fur la Terre,
qui fe perdent en fort peud'efpacede
chemin ; & comme elles iont trop for-
tes pour faire croire que le Soleil ou
Tair les puiflefaire exhaler, il taut dene-
ceffitè que la terre les boive^ & pour-
tant on ne içauroit dire précisément
ni montrer l'endroit par lequel elles
entrent dans la Terre.
Cette dernière rèponfè eft aiîuré-
ment tout ce que ceux qui croveit la
pénétration ont de plus forta objeder,
à quoy il eft pourtant fort aisé de ré-
pondre : mais je diray auparavant aux
premiers, que c'eft vne tres-foible ré-
ponfe de dire , que cette eau eft def^
cenduê fur cette glaife par des endroits
efloignez & mconnus. Ces termes
iont voii' le peu de certitude qu'il y a
dans ce témoignage : fi ces lieux-là
iont inconnus , ils ne peuvent faire
foy de rien ; & s'ils font efloignez ,
l'on peut s'en approcher , & alors ils
ne feront plus efloignez. Il n'y a rien
ui ioit efloigné que par la comparai-
on de ce qui eft proche j & il n'y a
?,
1,72 D E l'O R I gi n e
poi:it de railon pourquoy je ne puifTe
touiller qu'en vn lieu efloigné de ce-
luy par où cette eau eft entrée. Quel
charme y a-t-il qui écarte d'autour de
ce lieu- la les gens qui voudroient en-
treprendre d'y chercher vne (ource ?
ne peut-on pas fouiller par tout des
puits & des fontaines? & c'eft le icn-
timent du Père François : ces endroits
eiloignez font donc par tout, & Ton
peut les rencontrer par tout.
Quant à ce que difent les autres,
que cette eau coule entre deux terres
fur ce limon gras & délié , jufques a ce
quelle ait rencontré quelque fable
pour le pénétrer : le diray première-
ment 5 que cela eft vne marque qu'il
n y a pas par tout de ces endroits pe-
netrables : De plus que fi cela eft , il
faut que les eaux qui entrent dans la
Terre par ces endroits- là, foient biea
fortes & en grande quantité quand elles
y entrent , pource que dans le chemin
qu elles ont fait pour trouver de ces
endroits penetrables, elles ont rencon-
tré d'autres eaux qui le joignant en-
femble doivent faire vn ruiiseau con-
fiderable , de mefine que Ton voit que
DES Fontaines^ tt^
Feâii de la pluye qm tombe fur leroit
d'vne maifon , qui vers le faifte eft
peu de choie , fait néanmoins vn aflèz
fort riuffeau dans la goutiere qui la re-
çoit. Or vn ruifleau de cette qualité
fur la Terre ie feroit voir, & depuis le
temps qu il coule & quii entre amfi
dans la Terre , il devroit avoir entraii-
né avec luy le iable avec la terre , &
avoir fait vne eipéce de gouffre juT-
qua la glaiie.
De plus , ou il y a beaucoup de ces
endroits penetrables lur les plaines
hautes , ou il y en a peu ^ s'il y en a
beaucoup , l'on en devroit rencontrer
fouvent , & ils fe devroient faire voir
a l'œil, comme j'av dit, puis que ces
écoulemens ne ie font que ious le la-
bour des terres, & par manière dédire
dans les filions. Si auiTî il n'y a pas
beaucoup de ces eadroits la , F eau qui
y entre en doit eftre plus forte , & par
conlequent encore plus vifibîe^ & ce-
pendant on n'a jamais rien veu de
femblable à tout cela,
Il eft vray que fur les plaines hau-
tes l'on voit quelquefois des fauîes &
autres arbres & plantes aquatiques
P ii;
1/4 De l'O r I g I n e
parmy lefquels il fe trouve de l'eau :
mais ce n'eft point de celle dont nous
parlons , c eft pluftoft de l'eau qui fort
de la Terre, que de l'eau qui y entre,
& ces eaux- la font des efpeces de ma-
res ioufterraines , ii cela fe peut ap-
peller ainfi 5 je veux dire que ce font
des eaux amafiées^enfemble que la
Terre n'a pu boire , & qui lavant pé-
nétrée, acaufequ elle a efté labourée,
s'écoulent doucement où elles peu-
vent, &font en quelques endroits des
puits ou de petites mares , ielon que
le terrain y eft difposé.
A regard de ce ruifleau de fontai-
ne qui le perd dans la Terre fans qu'on
sapperçoive comment : je dis que ,
pour faire que de Peau (e perde com-
me celle de. ce rui il eau de tontaine ,
dont nous venons de parler , il faut
quelle coule de meime que celle de
ce ru id eau, afin que par fon abond.m-
ce continuelle & par (a peianteur elle
le fade vn chemin dans là Terre par
quelque endroit fablonneux quelle
aura rencontré en ruiflellant. Si l'eau
de la pluye faifbit fur les plaines hau-
tes de forts ruifleaux coulans toiajours,
DKS Fontaines. 1-5
cela (e pourroit faire : mais la pluye ne
foit de tels ruiflèaux que fiir les caftes
pour fe précipiter daas les Rivières , &
ce n eft pas de celles-là que les Fon-
taines font produites , au {eitimeiit
commua , pource qu elles vont fè per-
dre dans les Rivières & de la dans la
Mer.
La pluye ne fait point de ruifleaux
fur les campagnes hautes , les eaux de-
meurent prefque au mefme endroit où
elles iont tombées , attachées aux par-
celles de la terre labourée des filions,
qui les boivent & qui les retiennent 5
ou bien elles coulent & fè rendent
dans les foflez & dans les mares qu'on
leur a préparées , ou elles attendent
que le haile les fafle évaporer , &
les confume inutilement pour^ four-
ces 3 & ceft ce qui fait partie de la
féconde difficulté à TOpinion com-
mune qu'il faut expliquer,
La féconde difficulté que je trou-
ve dans l'Opinion commune , eft que
je ne tiens pas que les pluyes qui
tombent iur les plaines hautes puif-
fent iùffire à l'entretien des Fontaines ,
non pas à caufe de leur modicité , dont
P liij
T7^ De l*0 r tg in e
je ne veux pas pai'ler prefeacement :
mais par la raifon du déchet & de la
perte qui fe fait de presque tout ce qui
tombe fur ces plaiaes , iàns qu'il en
tourne rien à profit aux fources & aux
fontaines vives.
Pour bien entendre cecy , il faut
concevoir & difcuter particulièrement,
comment fe peut faire la pénétration
de la Terre félon l'Opinion commu-
ne. L'eau qui tombe lùr la Terre,
commence par moiiiUer les parties de
la terre ou du fable qui luy font les
plus voifines^ puis elle eimoiiille d'au-
tres plus éloignées , puis d'autres > al-
lant toujours en descendant , ôc moiiil-
lant la Terre par toutes fes parties les
vnes après les autres. Il taut remar-
quer que l'eau qui a moiiillé la partie
de terre qu'elle a rencontrée la pre-
mière, y eft demeurée attachée par fa
qualité adhérente 5 & que celle qui a
moiiillé Ja partie qui eftoit deifous,
eft vne autre eau qui la fiiivie , & qui
a pafsé plus avant pour moîiiUer les
autres parcelles de terre aufquelles
elle s'attache aufll , neseftant pas ar-
reftée aux premières qu elle a trouvées
DES Fontaines. x??
mouillées : ce qui fe tait ainfi jufques
aux dermeres & plus profondes. De
manière qu'il faut concevoir , qu'avant
quvne certaine quantité d'eau puifle
traverfer vne certaine quantité & épaif-
feur de terre, il but taire eftat que
toutes les parcelles de cette terre
foient mouillées chacune en parncu-
lier & par toutes leurs fupperfîcies ; &
cela en pure perte : car cette eau-M
ne les quittera jamais que par évapo-
ration , a caul e de fa qualité adhérente,
qui fait qu'elle s'attache à tout ce
quelle touche, & y demeure lufpen-
dué ians defceadre en bas ou Ion poids
la devroit attirer , comme il fe void
par noftre expérience.
Il arrive encore plus : car quoy que
ces parcelles de terre foyent toutes
moiullees par toutes leurs fuperficies ,
il ne s'enfuit pas pour cela , que leau
qui tombera delTus par après doivent
palTer fans déchet. Cette nouvelle eau
sarreflera à cette première qu'elle
trouvera n'avoir fait que moiiiller ces
parcelles de terre , & comme par com-
pagnie V demeurera attachée fans vou-
loir deiceadre jufques à ce que on y
Î78 De l'Origine
en jette encore d'autre de furpliis &
aifez en abondance, pour • que nfo
Ivne eatraifne l'autre , ce que Ion
peut remarquer aux gouttes d'eau qu on
jette contre des feneftres de verre,
leiquelles y demeurent attachées jui- j
ques à ce qu'on y jette d autres goût- '
]?tS^}^^ ^^ P^^^^^^ aux premières ei
iuffilance les font enfin defcendre
en bas.
Ce n eft pas encore a/Tez. S'il arri-
ve qu'on difcontinuë pour quelque
temps de verfer de l'eau , & que ce-
pendant il vienne quelque rayon de
ioleil , quelque hafle , quelque vent
iec, la terre fe ieichera par ledefiùs ,
& cette leicherefTe gagnera avant plus
ou moins félon le temps qu'il fera ; &
h après cela on rejette de Teau delTus
ne faudra-t-il pas qu'elle remouille
cette terre deireichée, comme fi elle
ne Tavoit point efté, amfi qu'il fe voit
par noftre expérience cy-delïïis rap-
portée ? Et fi l'on ne jetre de l'eau f îir
cette Terre que par de femblables in-
tervalles , & autant qu'il en faut feu-
lemeî^ pour la tenir fraifche ôc humi-
de, il ne defcendra nen en bas , ôc
D E s Font A I NE s. i-p
toute cette eau fera perdue & de nul
fi-iccés pour la pénétration qu'on a voit
entrepnfe.
Si la pe letration de la Terre fe fait
de la iorte que je le viens de decru*e ;
& s'il eft vray , comme perionne n'en
doute , que ce fonds de glaife ou ter-
re argileuie , fur laquelle sarreftent
les eaux de la pluve quand elles paf-
lent au travers de la Terre félon cette
Opimon j eft ordinairement à dix-huit
ou vingt pieds de profondeur , quel-
quefois à treitefurles plaines hautes:
Il taut pour taire que les eaux de pluve
deicendent julques là , qu'elles mouil-
lent toute cette épaifleur de vingt ou
trente pieds , & que toutes les parcelles
déterre en foient humectées & mouil-
lées amplement par toutes leurs furfa-
ces, avant qu'il puifle palier' vue feu-
le goutte d'eau au travers, pour (e ve-
nir mettre lur cette 2;laife dans ce ré-
ceptacle. Il taut aufli que toute cette
épaidèur de terre demeure toujours
mouillée de la mefme façon , afin que
les eaux qui viendront par après a tom-
ber deflùs , la puifiènt pénétrer làns
déchet , luivant la meime expérience.
j8o De l'Origine
Cela eftant de la forte y a-t-il ap-
parence que les pluyes d vn hyver :
car il n^y a gueres que celles-là , fuivaat
Vitruve , qui puifTeiit eftre confide-
rees -, que les pluyes mefme de toute
vae année puiflènt mouiller tant de
terre , & qu'il en refte encore affez
pour defcendre au fonds fur cette glai-
fe pour fournir à ces écoulemens de
fontaines , de fleuves & de nvieres ,
au/Ti grands & auffi continuels qu'ils
font ? Y a-t-il apparence que ces pluyes
d hyver, qui ne font ordinairement
que de légers brouillards qui tombent
commedelapoufïîere , & dont la ter-
re le trouve moiîiUée, lans qu'on fça-
che preiquepourquoy, puiflent cou-
ler entre deux terres , & faire des ruif.
féaux Vifibles & aifez forts pour en-
trer dans la terre comme feroient
ceux des fontaines vives & toujours
coulantes , par ces endroits éloignez
& inconnus ?
Les pluyes foit d'Hyver foitd'Eflé,
font - elles fi continues qu'il n airive
des mtermiflîons,, pendant lelquelles
le deffus de la terre ne vienne à fe
feicher & perdre ainfi les difpofiaons
DES Fontaines. i8i
neceflaires 1 la pénétration?
Ne faut-il' pas auOi confiderer les
grandes évaporations qui le font des
eaux quand elles lont tombées fur les
terres nouvellement labourées , dont
les parcelles qui les ont receues les ex-
polent à l'air , & luy donnent vne fi
•grande pnfe fur elles pour les faire
exhaler , par le vent qui vient prefque
toujours après la pluye. Combien du-
rant la gelée s en exhale-t-il , quand
la Terre ne les peut recevoir eftant
gelée comme elles? Combien s'exha-
le-t-il de neiges avant qu'elles foient
fondues ? ( car la glace & la neige s'ex-
halent autant que l'eau mefme qui
n'eft pas gelée ^ ) & cependant c'eft
dans ces neiges que TOpinion Com-
mune tonde principalement la^ fubfi-
ftance des Fontaines. Vitruve dit que
celle qui tombe aux lieux où il y a
beaucoup d'arbres , s'y conferve Tort
long-temps , & que fe_ fondant petit a
petit elle secoule mienliblement par
les veines de la terre : mais il ne con-
iidere pas que la neige qui tom.be aux
lieux ou il y a beaucoup d'arbres eft
celle qui doit rapporter moins d'vtilite
l82 D E l'O R I g I n e
aux Foritciiiies , par la raifon que fi les
arbres font épais &;toufiu5 la moitié de
la neige ne torribe pas en bas , & la plus
grande paitie demeure iur les bran-
ches exposée au grand air , où elle s'é-
vapore fans fe fondre ; que fi ces ar-
bres ne font pas épais & touffus , mais
feulement ^à ôc là , la neige qui tombe
en bas ne s'en fond pas plus tard pour
cela. L'autre confideration quil ajou-
te , qu'elle fe fond petit à petit eft de
nulle force : car au contraire cette leii-
teur A (e fondre eft ce qui luy donne
occafion de s'évaporer davantage en le
fondant; & il n'y a que les dégels lu-
bits qui caulent les abondances d'eaux,
parce qu'alors il ne le fait point ou
peu d évaporation ; & il n'y a que les
abondances d'eaux qui puifTent cauler
la pénétration qu'ils fuppolent.
Enfin ne voit-on pas que fi toutes
ces neiges fe fondent , & s'il tombe
des pluyes fur les campagnes, la terre
labourée après en avoir bu fa fiiffiian-
ce laifie couler le furplus dans les fol-
fez , dans les mares & dans les eftangs^
& que ces e.iux edant la vn fort long-
temps & jufques au fort de l'Elté
D E s Fo N T a'i N E s. tSj
me'nie, il faut bien n'ayant pu péné-
trer la Terre qu'elles s évaporent, &
ainfî qu'elles ne iervent de nen aux
Fontaines?
Après ce que je viens de remarquer
fur les deux d;ffîcuirez que j ay trou-
vées dans ropinion Commune ; je
crov qu'il faut demeurer d'accord que
la peietration de la Terre par l'eau de
la pluye ne le pouvant faire lelon cette
Opinion; & les pluyes a qui elle attri-
bue 1 origine des Fontaines n eftant pas
luffiiantes pour les produire, & enco-
re moins pour les taire couler conti-
nuellement, il y a lieu de rejetterce
le itiment.
L'on me pourra dire que la preu-
ve que je viens de talcher de faire de
cette ieconde difficulté , fait centre
moy en ce que je diminue d autant mon
principe lequel j ay commun avec
ceux qui fuivent cette opinion ; & que
fi tant de Philolophes ont cru que tou-
tes les pluyes & les neiges enfemble
ne lont pas capables de fournir au cours
contmuel des Fontaines & des Riviè-
res , elles le feront encore bien moins
fi )ca ofte vne partie f\ conliderable
i84 D E l*Or I g I n e
que celle des eaux qui tombent fur
les plaines hautes, qui font prefciue
les feules qui puiilènt produire des
fources. L'on m'obje6lera aufli qu A-
nftote a dit que fi les eaux qui cou-
lent par les fources & par les riviè-
res durant vne année eftoient ramaf-
sèes ensemble , elles fiirpafler oient en
grandeur toute la maflè de la Terre ;
& comme il eft aise de juger que tou-
tes les eaux des pluves & des neiges
durant vne année ne peuvent pas mon-
ter juiques k cette immenle quantité,
elles le pourroient encore moins fi
Ton en oftoit vne partie fi confide-
rable.
Mais je réponds que quand j^ay re-
marqué cette féconde difficulté fur l'O-
pinion Commune, c'a efté dans le (ens
de ceux qui la fuivent , qui ne conçoi-
vent d'autre matière pour les fources
que les eaux qui tombent fur les plai-
nes hautes , àcauie que celles qui tom-
bent fur les collines , lelon eux , font
perdues pour les fources , par la raiion
3 [u elles entrent daas les Rivières &
e là dans la Mer avant qu'elles ayent
pu pénétrer la Terre. Car moy qui
concov
D E s Font A î N E s. ïS^
conçoy vn autre moyen que cette pé-
nétration , & qui fonde mon principe
(ur les Rivieros , tant s'en faut que les
eaux qui y tombent faflent difficulté à
monfvfleme, qu'au contraire c'eft ce
qui ieftablit plus parncuLeremeat.
Et quant aux évaporations & déchets
que j ay remarquez fur les eaux des
plaines hautes, quoy qu'ils (oient com-
muas à Tvne & à l'autre opimon , il
eft certain quils tont bien plus capa-
bles de détruire celle-là que celle-cy,
en ce qu après ces eaux des plaines hau-
tes il ne relie plus rien pour (oufte-
nir l'Opinion Commune ; pendant
que pour louftenir la mie^ine il me
refte toutes les eaux qui tombent dans
les nvieres & lieux bas : comme je le
feray voir dans la fuite.
Cependant puis qu Ariftote a avan-
ce vue propoiition fi eftrange & qui
fait vne ob;edion confid érable lur mon
opinion, il ne faut pas la laifler fans y
répondre.
Ce que dit AiiftOwC ébloiiit d'abord
& fait concevoir vne fi grande idée
de la quantité des eâux des fleuves du-
rant vne armée > que fans d'examinçjq
tî6 De l*Or igi n e
davantage on eft preft de fe rendre.
Le nom de cet Auteur, la quantité de
fleuves qu'il y a fur la Terre & la du-
rée dVne année, font quelque choie
qui frappe fi fort Timagination qu'il
eft mal-aisé de ne fe laiiîer pas em-
porter à vne propofition {\ vrav fem-
blable , & fi difficile d ailleurs à diicu-
ter. Mais ians nous eftonner , tafchons
denvifager cette objeâiion , & Ians
trop nous défier de nos torces , eflayohs
d'y trouver quelque folution. Pour
mieux concevoir la difficulté , exami-
nons la grandeur de la Terre dVn
cofté , & la quantité & grandeur des
fleuves & des Rivières de l'autre ; peut-
eftre que de ce qui reiultera de là
nous tirerons quelque confequence
qui nous pourra donner plus de lu-
mière que nous n'en avons prelente-
ment.
De quelque grandeur que l'on con-
çoive la Terre l'on fe l'imagine tou-
jours moins gi'ande quelle n'eft. No-
ftre petitefle nous fait confiderer les
montagnes quand nous nous en ap-
prochons comme quelque choie de
feiea grand , & nous croyons quelles
DES Fontaines. 1S7
peuveat avoir quelque proportion a-
vec la grandeur quelque immeale
qu elle foit. C'eft ce qui tait que beau-
coup degeis trouvent qu'il n'y a guè-
re d apparence de dire qu'elle eft ron-
de , ayant â^ R grandes megalitez
d'élévations ce d'abaiilèmens. Quel-
ques-vns plus éclairez di'ent qu'on k
la peut comparer à 1 ecorce d'vne oran-
ge, laquelle quoy qu'elle ioit bien
inégale & couverte de pentes émi-
nences ne lailTe pas de pafTer pour
ronde. Mais cette comparaiion quoy
qu'en quelque forte recevable , ne
donne pas à beaucoup prés, vne idée
de la rondeur de la terre iuffilante
pour la bien expliquer. Les emmen ces
de cette écorce font encore trop éle-
vées à proportion de toute l'orange >
& il n y en a point qui ne lefoit cent
iois & meime mille fois plus a pro-
portion de ce fruit , que quelque mon-
tagne que ce foit ne Teft a propo:*-
iion de II Terre 5 & voicy comment
je pretens le laire voir.
Fav aflez de fois confideré ces grands
Globes teneftres qui viennent de Hol-
lande, qui ont deux ou trois pieds de
i88 De l'Origi n e
diamètre , & je fongeois que c'eiift
efté vne chofe afîez agi^eable fi l'oa
euft pu les faire de relief comme la
Terre l'eft en effet, c'eftàdire creu-
fer le lieu de la Mer , luy faire des
rivages , edever des montagnes & des
collines 3 & tout cela avec la propor-
tion des hauteurs & des grandeurs,
telles qu elles font fur la Terre. Mais
je fus bien eftonné quand faifànt le
calcul du diamettre de la Terre & de
la hauteur des montagnes , je trouvay
vne difproportion prefque infinie de
de l'vne avec lautre , je ne pou vois
rien trouver q aflez mince pour repre-
fenter les montagnes fiir ces globes ,
& qui ne fuft encore trop élevé à pro-
portion de leur diamètre : Le papier
qui les couvroit, félon mon calcul,
eftoit encore ti'op épais : car je rai-
fonnois ainfi. Ce globe terreftre a de
diamètre trente-quatre ou trente-cinq
poulces 5 fi j'avois mis des feuilles de
papier les vues fur les autres bien bat-
tues , il n en faudroit qu environ huit
mille quatre cens , pour faire la hau-
teur de ces trente- quatre ou trente-cinq
poulces, L'épaifleur d'vae feiuUe de
DESFONTAINES. tSp
papier eft donc , dilois-ie , la huit mille
quarreceaciéme partie du diamettre
de ce globe. Et puis je venois à dire,
le diamettre de la Terre , félon la médi-
re que M' Picard de lacademie Roya-
le en a donnée dans le Traité qu'il a
fait imprimer en t^zt. eft de deux
mille huit cens loixante trois leue's,
lefquelles fi je diftribue à ces huit mille
quatre cens feuilles de papier, il fau-
dra environ trois de ces feiiilles de pa-
pier pour faire vne lieuo. Or vne lieuë
moyenne de France , fuivant la mefme
meiure du mefme M' Picart , vaut deux
mille deux cens quatre-vingts deux
toifes ; lepaifleur d'vne feiiille de pa-
pier vaut donc fur ce globe à propor-
tion de fon diamètre environ lept cens
(oixante toifes.
le confiderois auiTi que M' Picard
dit que les montagnes fur lefquelles
il a fait fes obiervations pour la me-
fiire de la Terre , ne font élevées (iir
la furface de la Mer que de quatre-
vingt deux toifes, quoyque ces mon-
tagnes là fbient des plus élevées de ces
pays-cy. Et comme elles font posées
fiir des plaines qui eftânt efloignées
îpo D E l'O r I gi n e
de la Mer font élevées au dediis de fà
fuperficie , puis qu elles fouftieaneiit
des rivières qui vont s'y rendre 5 Fèle-
vation de ces montagnes qui y font
posées en eft d'autant diminuée : de
lorte qu'on peut dire que quelque
hautes que nous les voyions , elles ne
fçauroient avoir plus de foixante ou
foixante dix toifes de haut au deiTus
de leurs plaines , qui eft environ la
dixième partie de l'épaiflèur de cette
feuille de papier a proportion du dia-
mètre de ce globe. Ce^ calcul me
jetta dans vn gi'and eftonnement, &
me fît penier que la poudre très- légè-
re qui eftoit fiir ce globe , bien veniy
& bien poly, repreièntoit encore trop
fortement les inégalitez des élévations
& des abaiflèmens de Terre, & que
la eomparaifon de l'orange eft oit biei
imparfaite; & je compns qu'vne boule
de marbre bien poly de la grofleur
d'vne orange feroit encore trop rabot-
teufe , & de là je tiray ma dernière
conclufion que la grandeur de la Ter-
re n eftoit pas conceuë comme elle eft.
le confiderois enftiite les Rivières ,
kuj largeur & leur profondeur^ & js
DESFONTAINE^. tpt
dilois : Si ces montagaes lont R peu de
choie auprès de la grandeur de la Ter-
re; les Rivières qui ne coulent que
dans vn tres-petit efpace de ces gran-
des & vaftes plaines qui font entre
ces montagnes , font quelque chofe
de bien petit. Il n'v arien d'aflez délié
poiir les représenter , & principale-
ment leur protondeur : car il y en a
peu qui ayent plus de h: pieds de
creux , ce qui ne feroit que la lept
cens loixantiéme pai'tie de lépaifleur
d'vne feuille de papier ^ il ny en a
peur-eftre point qui ait trois pieds
d'eau coulante fur toute la largeur,
durant toute vne année le fort portant
le toible, ce qui ne leroitqu'vne quin-
ze cennéme partie de cette épaifleur;
celles qui en ont davantage, c'eft par
accident , ou à caufe des toiles & des
inégalitez de leur fonds , ou a caufe
de leur embouchure dans la Mer, &
du reHuK qui arrefte & iouftient leurs
eaux : mais ce ne font point des eaux
toujours coulantes.
le faifois encore cette autre refle-
xion , que pour ne fe pas méprendre
en confiderant les Rivières , m te lailîer
ipt De l*Or I gi n e
ébloiîir à leur grand nombre , & aux
eaux qui coulent dans leurs bords ^ il
faut ou les confiderer chacune en par-
ticulier 5 & alors il eft vray que le nom-
bre en fera grand , mais aufTi leurs
eaux feront tres-petites : car il ne fau-
dra compter que les eaux qui coulent
depuis leur lource jufqu'au premier
ruifleau ou rivière qui entre dedans:
ou bien il ne faudra compter que les
Rivières qui entrent dans la Mer , &
alors il eft vray que les eaux en 1 eront
tres-confiderables , mais aufli le nom-
bre en fera beaucoup moindre. Vne
perfonne qui voudroit eftimer la Ri-
vière de Seine en Teftat quelle eft
quand elle paflè à Pans , & compter
les eaux là defliis j & qui après iroit
compter les Rivières de Marne, d'Yon-
ne 5 d'Eftampes ôc autres rivières &
ruifîèaux au nombre de plus de cent ,
qui entrent dans la Seine avant que
paflèr à Paris , compteroit ces eaux-là
deux ou trois fois. Toutes les Rivières
font foites à leur embouchure dans la
Mer par cette raifon ^ &ces deux fleu-
ves fameux de la Plata & de S. Laurent
en Amérique, ne roulent autant d'eaux
quilsi
D E s FO NT A I N E s. ipj
qu ils font , qu'a caufe qu'ils reçoivent
Tvn prefque toutes les Rivières del'A-
nierique Méridionale, & l'autre pref^
que toutes les Rivières de TAmeriquc
Septennionale ; & après tout quelque
grands que foient ces fleuves- là & au-
tres (emb labiés , ce n eft que durant vne
partie de l'année feulement 5 leurs
eaux ne coulent pas toujours d'vne
mel'me force , les diminutions qui leur
arrivent pendant la feichereflè font
très-grandes. La plufpart des grands
fleuves du Monde qui font fous la
Zone Torride nont prefque point
d'eau durant l'Efliè , & il y en a des plus
fameux qui leichent prelque entière-
ment. L'Euphrate eft quelquefois telle-
ment dénué d'eaux qu'on le pafîè pref-
que à pied fec ; le Nil qu'on voitfe dé-
border en Automne fef eicheroit com-
me les autres s iln eftoit (ècourupar les
n eiges qui fe fondent dans les lieux ou
il prend fon origine, & dont les eaux
font long-temps en chemin avant que
d'arriver en Egypte: encore nelefe-
roient- elles pas déborder fi les bords de
Ton lit n eftoient fort bas commue ils
font : car d ne déborde point ailleurs 5
R
ii>4. De l'Origine
aulTj dit-oa qu'autrefois lEgvpte efloit
lùbmergée , & qu elle n'eft devenue
habitable qu e:i fuite des frequens dé-
b3rdemens de ce fleuve qui luy ont
amené des terres que les eaux de ces
neiges qui le font déborder y onten-
traiinées en fondant fur les monta-
gnes; & en effet, des lept'embou^
chures dont parle l'antiquité, il n'y en
a plus que deux qui coulent dans k
Mer & qui foient navigeables , deux
qui n'ont que tres-peu d'eau & les
trois autres font entièrement comblées
de terre, au rapport de Pierre de la
Vallée.
Si donc il y a vne fi grande difpro-
portion entre la mafle de la terre &
la hauteur des montagnes , qu'elles ne
foient en comparaifon d'elle que ce
qu'eft la poudre fur ces globes terre-
fires , & qu vne boule de marbre bien
polie eft encore trop rabotteufe pour
reprefenter la rondeur : Et fi les Ri-
vières font à l'égard des montagnes
ce que les montagnes font à l'égard
de la Terre , comme il eft aisé de le
juger pour peu qu'on ait confideré de
deflùs quelque haute éminence les
DES Fontaines. 1^5
Rivières qui coulent dans les plaines ,
qui ne paroilTent que comme des filets
luilans 3 & fi la protondeur des Rivières
eft encore moindre ians comparaifbn
que leur largeur que nous avons éva-
luée à la quinzeceiitiéme partie de le-
pailleur d'vne feiiille de papier a pro-
portion du diamètre de ces globes. , -y
a-t-il apparence après tout cela de
croire que les eaux qui coulent dans
de fi petits efpaces , guifiènt égaler
cette maiîe prodigieule de toute la
Terre?
le içay bien que ces méditations ne
font pas des argumens convainquans
contre la propofition d' Anftote : mais
elles peuvent toujours donner quelque
lumière , pour faire juger que ces eaux
des fleuves n'égaleroient pas k mafîb
de la terre non pas en vn an , com-
me il dit , mais en mille ans ; & que
quand il a avancé cette propofition il
seft laifsé emporter à la grande idée
que le nombre & la grandeur des fleu-
ves luy mettoit dans l'efprit, fans faire
réflexion fur la grandeur immenfe de
la Terre.
L'on mepouiToit dire que quand
R .,
i96 De l*Origine
Ariftote a avancé cette propofîtion ,
c'a eftê moins pour ibuftenir que l'eau
des Rivières durant vne année égaloit
la grandeur de la Terre , que pour don-
ner à entendre que les eaux des pluyes
ne pouvoient pas fufBre aux écoule-
mens continuels des Rivières : De for-
te que quand bien 1 on voudroit (i
rendre à la conclufion que je tire de
mes méditations, & abandonner l'ob-
jeélion d'Ariftote a l'égard de l'abon-
dance des eaux des Rivières, il refte-
roit encore celle de la modicité des
pluyes , qui eft vne objedion ibufte-
nuë du fentimeiit de toute la Philoso-
phie ancienne & nouvelle.
le répons, que fi les fontaines & les
fleuves font engendrez , comme le dit
Ariftote , de l'au* condensé & reiblu en.
eau dans les cavernes de la terre , ceft
à' dire, comme F explique Lydiat, de la
vapeur que ion humidité exhale quand
elle eft échauffée : Et fi cette humidi-
té luy vient des pluyes quelle boit,
comme dit le meime Ariftote en va
autre endroit, il faut (elon luy qu'il
pleuve lùffifamment pour donner à la
terre vne aflèz grande humidité pour
DES Fontaines. tp/
faire de la vapeur qui puifle donner
des eaux aux Fontaines & aux Riviè-
res pour toute l'année , En ce cas &
félon (on fèntiment les eaux de la pluye
devroient non pas ieulement égaler la
grandeur de la TeiTC : mais la lurpaf-
fer de beaucoup , puis qui! eft vray
que ces eaux-là (ontlujettes à dauiïi
grands déchets que ceux que nous a-
vons remarquer.
Et quant à ce qui eft du fèntiment
de toute la Philoîbphie ancienne &
nouvelle , je croy qu'il y a plus d'ap-
parence d'attribuer aux eaux de la pluye
& de la neige le principe des Fontai-
nes & des Rivières , qu'il n'y en a de
l'attribuer a cette feule diftilation in-
térieure dans la terre ; & que le fèas
commun ne confentira jamais "qu'on
préfère vn moyen aufli caché que left
cette diftilation , & dont l'effet paroift
a/lez foibîe , a vn moyen aulTi évident
que le font les pluyes dont les effets
font {\ grands & fi connus. Mais com-
me ces raiions ne vont qu'à la deftru-
clion de l'opinion contraire, il faut taf-
cher^ de donner d'autres raifons qui
puiilènt eftablir celle que jefouftieiis
R iij
t5>8 D E l'O r I gi n e
& faire voir que les eaux de la pluye ;
font fiiffiiaîites pour faire couler les^
Fontaines & les Rivières toute vne
année.
Quoy que je pufle raifonnablemeiit
me difpeiifer de prouver cette affirma-
tive , de mefme que ceux qui me font
lobjedion ne prouvent point leur ne-'
gative 5 IVn eftant aufTi difficile que
l'autre ; je tafcheray néanmoins en fài-
fant des eftimations groffieres de la
quantité des pluyes & de celle des écou-
lemens des Rivières , de porter le ju-
gement A quelque connoiflance pro-
bable de lopinion que je (buftiens j &
pour V parvenir 5
Il faut avant toutes chDfes demeu-
rer d'accord des moyens de meiîirer
ces deux fortes d eaux. Ceux qui font
profeffion de gouverner & conduire
les eaux des Fontaines, difent qu vn
poulce deau donne en ^mgt-quatre
heures ceit quarante quatre muids
d eau , d'autres ne difent que foixante
& dix ; & je croy avoir trouvé qu'il en
donne quatre- vingt trois fur le pied
de quatorze-vingt pintes pour muid,
fur laquelle mefure je me regleray
D E s FO N T A I N E s. îpP
pour le calcul que je veux faire dans
la fuite. Ils diferit auiTi quVti muid
d eau vaut huit pieds cubes , c'eft à
dire qu'vn vaifl'eau de deux pieds
de haut ^ de long & de large tient vn
muid.
Ces mefures ainfi eftablies , il s'en-
fuit qu vn vaifTeau qui contient qua-
tre-vingt trois muids d'eau peut four-
nir pendant vingt-quatre heures de
quoy faire couler vn poulce deau con-
tinuellement 5 Et pareillement li vn re-
lervoir tenoit trente mille trois cens -
foixante dix-huit muids deau,il pourroit
fournir de leau durant vne année pour
faire couler vn poulce d'eau continuel-
lement ; & s il eftoit vne fois plus
grand , il en pourroit faire couler deux ,
& amfi plus ou moins à proportion. le
fuppore icy vne égalité d'écoulement,
quoy que je fçache bien que le refèrvoir
ertant plein l'eau fortiroit avec plus de
vitefle , & par confequent en plus gran-
de quantité que quand il feroit preft
àeftre vuidé : Mais comme ce que je
dis n'efl que pour donner vne plus
grande intelligence , je ne m'arrefteray
pas à certe exactitude.
R mj
20O D E L*0 R I G I N E
Voilà pour ce qui cft de la mefiire
des eaux de fontaines , voyons quelle
peut eftre celle des eaux de pluye &
de neige. Par les ob(ervations que j'ay
faites de la quantité des eaux de pluye
& de neige , f ay trouvé que depuis
le mois d'Odobre iddS. juPques à pa-
reil mois de t66p. il en ell tombé la
hauteur de dix- huit poulcesfept lignes :
Depuis pareil mois de l'année 1670,
jufques à pareil mois de i d/ 1 . il n'en
eft tombé que la hauteur d'onze poul-
ces fix lignes feulement ^ & depuis le
mois de lanvier id/^. jufques à pareil
mois de 167^. la hauteur de vingt fept
poulces fix lignes : le joins ces trois
quantitez enfemble pour en faire celle
d'vne année commune , qui fera par
ce moyen de dix-neuf poulces deux
lignes vn tiers.
Cela fupposê , il faudroit pour par-
venir à noftre deffein , mefurer ou
eftimer F eau de quelqiie rivière com-
me elle coule depuis la fource jufques
au lieu où il y entre quelque ruiffeau^
& voir {} leau de la pluye qui tombe
alentour de fon cours eftant mife dans
vn refervoir , comme dit Ariftote , feroit
DE s FON T A I N E s. 201
fuffifante pour la faire couler toute vne
année, l'ay veu la Rivière de Semé,
& l'ay corifiderée aflez exactement
dans Ton cours depuis la lource jufques
à Aynay le Duc , oii il y entre vn ruif^
feau qui la groflit : c eft pourquoy je
la prendray pour iîijet de l'examen que
je veux faire.
Le cours de cette Rivière naiflànte
depuis fa fource julques à Aynay le
Duc eft d'environ ti'ois lieues , & les
coftez de fon cours s eftendent à droit
& à gauche environ deux lieues de cha-
que cofté , ou il y a d'autres ruifleaux
qui vont ailleurs ; & dautant que ces
ruifleaux- U ont befoin pour leur fub-
fiftance des eaux de la pluye auiïî-
bien que celuy de Seine , je ne veux
compter que la moitié de cet efpace
desxoftez , & dire que le lieu où pafle
la Seine , a depuis la fource jufques à
Aynay le Duc trois lieues de long (îir
deux lieues de large , & puis je diray
ainfi.
Si Ton avoit fait vn relervoir de cet-
te grandeur & largeur il auroit fix
lieues en quarré de fuperficie , lefquel-
les réduites en toifes iùivant la mefure
205 De l'O r I g I ri e
cy-devanteftablie , feroient trente- vn
million deux cens quarante-cinq mil
cent quarante quatre toifes de fuper-
ficie.
Dans ce refervoir il faut s'imaginer
quil eft tombé de la pluy e durant vne
année de la hauteur de dix-neuf poul- .
ces vn tiers qui eft la hauteur d'vae -,
année commune , ainfi que nous l'a-
vons remarqué. Cette hauteur de dix-
neuf poulces vn tiers donne deux cens
vingt-quatre millions huit cens quatre-
vingt dif-neuf mil neuf cens quaran-
te deux muids d'eau ou environ liiivant
la mefure dont nous fommes convenus.
Toute cette eau ainfi ramai se e en
la quantité que nous venons de dire,
eft ce qui doit (èrvir à faire couler cet-
te RiViere pendaiit vne année, depuis
(a fource julques au lieu que nous a-
vons deiigaé , & qui doit iervir auiïl
à (iippléer à tout ce qu'il peut y avoir
de déchets, comme nourritures d'ar-
bres , plantes , herbes , évaporations ,
écoulemens inutiles dans la Rivière qui
ne font que la groffir pour vn temps
& pendant qu'il pleut , égaremeis
d'eaux qui peuvent prendre vn autre
DES Fontaines. ^205
cours que devers cette. Rmere a eau-
fe des pentes irregulieres & conti'aires,
& autres tels déchets, pertes & dimi-
nutions. , , r n-
Pour ce qui eft de la melure oueltima-
tion de l'eau de cette nviere naiflante,
il feroit mal-aisè de la trouver au jufte
& de dire quelle qiunatè elle en tour-
nit : Neanmoms autant que ) ay pu
ju2;er elle ne peut pas avoir plus de
mtl ou douze cens poulces d'eau tou-
jours courante , en compenfant le
moins qu'elle en a à fa iburce avec le
plus quelle en a vers Aynay le Duc>
ce que je ]UZQ par la comparaifon que
je fais des ces eaux avec celles de la
Rivière des Gobelins en leftat qu'el-
le eft vers Verfailles où elle a cin-
quante poulces d'eau félon la mefure
qui en a efté faite : ainfi j'eftime que
ce fera aflèz d'en donner vingt-quatre
ou vingt-cinv"! fois autant à la noftre :
car Ton canal n'a que ^quatre ou cinq
toifes de large , ia profondeur eft pe-
tite , elle ne porte point de batteau.
&ne fert feulement qu'à faire couler
des bûches qu'on y jette à bois perdu
pour les attacher eafemble plus bas
Î04 D E L*0 R I G^ N E
& en faire des trains de bois flotté.
Toutes ces chofes ainfi liipposées ,
je dis que ftiivant les mefiires dont nous
fbmmes convenus , douze cens poul-
ces d'eau donnent en vingt- quatre
heures, fur le pied de quatre -vingt
trois muids d'eau, pour pouice qua-
tre-vingt dix-neuf mil fix cens muids
d'eau j & durant vne année qui eft
trois cens foixante /îx fois autant , ils
donneront trente-fix millions quatre
cens cinquante-trois mil fix cens muids.
Cette Rivière ne fait donc couler dans
fes bords depms la fource jufques à
Aynay le Duc pendant vne année que
ladite quantité de trente fix millions
quatre cens cinquante-trois mil fix
cens muids deau. Or fi je tire cette
quantité d'eau des deux cens vingt-
quatre millions huit cens quatre- vingt
dix-neuf mil neuf cens quarante-deux
muids , qui lont dans ce refervoir que
nous venons d'imaginer, il en refiera
encore, cent quatre-vingts huit mil-
lions quatre cens quarante-fix mil trois
cens quarante -deux muids, ce qui mon-
te prefque à cinq fois autant , & qui
fert pour fub venir aux pertes, diminu-
DES Fontaines. îoç
tions & déchets que nous avons re-
marquez. Il ne faut donc qu environ
la fixicme partie de ce qui tombe
d'eau de pluye & de neige pour faire
couler cette rhiere continuellement
durant vne année.
ïe fçay bien que cette dédudion
n'a aucune lèureté : mais qui pourroit
en donner vne qui hiil certaine ? Néan-
moins quelle que ioit celle-cy , je
croy qu'elle doit fatisfaire davantage
quvne fimple négative comme celle
d*Ariftote & de ceux qui Ibuftien-
nent, fans fçavoir pourquoy, qu'il ne
pleut pas aflez pour fournir à l'écou-
lement des rivières. Qaoy qu'il en
(bit, en attendant que quelqu'vn fafîè
des remarques plus précifes , par lef-
quelles il prouve le cona'aire de ce'
que j'ay avancé • je demeureray dans
ma pensée , & me contenteray de cet-
te foible lumière que me donne l'ob-
ier vati on que )'ay faite, n'en pouvant
avoir de plus gi'ande.
Si donc ces eaux peuvent fuffire
pour l'écoulement d'vne Rivière, elles
pourront fuffire pour toutes les autres
Rivières du Monde à proportion > eu
20^ De l'Or i gi n e
égard principalement à ce qui refle
pour les déchets , qui n eft que trop
fiiflSfànt , ôc au peu d'efpace que je
donne de cofté & d'autre du cours de
la Rivière qui n'eft que dVne lieuë
de chaque cofté : car les Rivières ne
lont pas ordinairement à deux Iieuès
prés Tvne de Tautre. Il y a donc quel-
que apparence de dire , que les eaux
des pluyes & des neiges font fuffilan-
tes pour faire couler toutes les Riviè-
res du Monde.
L'on me pourra dire qu'il y a des
pays ou il ne pleut que rarement , 3c
d'autres ou il ne pleut point du tout , &
qu il ne laiffe pas d y avoir des fleuves
affez grands , ce qui eft véritable : mais
les fleuves de ces pays ou il ne pleut
que rarement ne font pas continuels ,
ils ne font gi'ands qu'en Hyver 3c ils
fe feichent prefque du tout en Efté;
3arce qu'eftant voiiins de quelques
lautes montagnes d'où ils viennent,
es neiges qui tombent (iir ces monta-
gnes en abondance , & qui s'y fondent
après 5 peuvent tant qu'elles durent
cauier leur cours avec abondance en
Hyver , & quand elles ceflent les
DES Fontaines. 20/
abandonner à la (èicherefle en Efté.
Pour ce qui eft des pays ou il ne
pleut point du tout , il n'y en a guère
dans le Monde. La Zone Torride,
ou cela pourroit eftre vray plus qu'en
pas vn autre , eft arrosée de pluyes
deux fois Tannée abondamment , &
peut-eftre plus que ne 1 eft la Fran-
ce , du moins en plus granile abondan-
ce dans de certains temps. Mais quand
il y âuroit de ces pays-la ou il ne pleut
jamais, cela n'empeicheroit pas qu'il
n'y coula ft des Rivières qui aur oient
leurs fources en dauti'es pays ou il
pleut, commue fait le Nil qui coule ea
Egypte où il ne pleut point. Il y a
des pays au Monde où il ne croift point
de ¥in , où d ne laifle pas d y en avoir
beaucoup , que le trafic & le commer-
ce y amené de loin : De mefiTie ces
grands fleuves font vne eipece de
commerce de leurs eaux pour en arro-
1èr des Provinces à qui le ciel n'en
donne pas ordinairement.
Suite de l'opinion de routeur.
Apres avoir rejette l'Opinion Com-
mune , après avoir fait voir que l'eau
îo8 De l'Origine
qui coule dans les Rivières pendant
vne année n eft pas fi confiderable que
fe l'eft figuré Ariftote & ceux qui lont
fuivy, &que les pluyes peuvent four-
nir des eaux ruffifamment pour entre-
tenir leur cours durant vne année 5 il
ne me refte plus qu'à faire voir com-
ment les eaux de la pluye & de la
neige tombées dans les Rivières , peu-
vent fortir par le haut des montagnes
pour faire des fburces :
Avant que d'en venir là il efl: be-
foin de fuppoi er & d eftablir plufieurs
choies , afin d'y apporter plus d eclair-
cifiement , & pour cet effet,
le iuppofe premièrement que dans
le corps de la terre & principalement
dans les montagnes il y a des lits de
glaiie , de terre argileufe, & non fpon-
gieufe 5 des fonds de pierre , d'ardoi-
ie ou de minerai, comme veulent Vi-
truve Se Palifly. Que ces lits de glaifè
qui font à plufieurs eftages , font tan-
toft de niveau , tantoft en pente &
inclinez d vn cofté ou dVn autre , tan-
toft creux en forme de badins ou gou-
tieres , tantoft relevez en boffe & fai-
iànt pente des deux coftez ou tout
alentour.
DES Fontaine S. 20^
alentour , comme des goutieres ou des
baflîns renverfez j quelquefois fe con-
tinuant les vns avec les autres quand
ils (ont d'vne pareille élévation, d'au-
tres fois fe feparant & laiflant des efpa-
ces de terre entre deux plus ou moins
grands , & cela en toutes les manières,
formes, figures , fituations, grandeurs
& capacitez qu'on le peut imaginer.
C^ fur cette glaife ainfi diiposée ^
il y a de la terre graveleuTe entremê-
lée de cailloux & de pierres de toutes
grofleurs , qu'on appelle tuf. Qml y a
beaucoup d'endroits ; foit da^isles mon-
tagnes ou ailleurs , où il n'y a point
de ces lits de glaife: mais feulement de
la terre pure , ou du fable , fàblon ou
autrement.
II nyaperfonne qui ne convienne
de cette diipofition de terre au dedans^
& l'on peut remarquer que quand on
tranche vne partie de quelque monta-
gne vu peuprofondementjl'on voit que
la terre qui refle eft quelquefois entre-
couppée de differens lits de glaife a-
vec le aif au delTus qui marquent des
lignes ilroites & courbes en haut ôc
enbas eu toutes ibrtes de façons.
S
2ta De l'Origine
le fiippofe aufTi que la terre qiiieft
entre ces lits de glaife, iieft pas tout-
à-fait folide : mais qu elle a des pierr-.
res entremeflées , & qui ne fe joigaeit
pas fi bien Tviie à l'autre qu'il ne refte
des intervalles vuides où il n'y a que
de l'air ^ & qu'il y a de ces pierres- là
en grande quantité & de différentes
groflèurs & grandeurs dafxs le corps
des montagnes , entalsées les vues lur
les autres qui leur fervent de bnde-
mens & de fouftiens neceilaires. Ces
pierres & intervalles font ce qu'on
appelle , cavernes , canaux & conduits
foufterrams, qui en s'eflevant de la
forte depuis le bas des montagnes jul-
quesen haut, les percent & traverfent
avec les lits de glaife qu'ils rencon-
trent en leur chemin , foit à plomb ,
îbit de cofté ou obliquement.
Il n'v a perf bnne qui puiflè difcon-
venir de ce fait pour peu qu'il ait
fbiiillé dans vne montagne, loit en haut
foit en bas, & qui n'y ait rencontré
des pien-es en grande quantité.
le fuppofe encore, quedeflbus tou-
tes les plaines bafles où coulent les
Rivières , il y a vn Ut de glaife continu.
DE s Font A I NE5. sti'
foit qu'il foie de niveau ou non , qui
va fous les Rivières & ious les plai-
nes fur lefqnelles elles coulent , &
aufli fous les montagnes mefmes quel-
que élevées > ou'elles ibient. Que fur
ce lit de glaiie continu & vniverlel il
y a non feulement du tuf , comme
fur tous les autres : mais beaucoup de
lable pur d'vne hauteur ou épaiffeur
confiderable, entremeflé de cailloux de
toutes les groffeurs , & quelquefois en-
trecouppé par eftages de res autres
litsdeglaife avec leur tuf , dont nous
avons parlé.
Cette difpofition eft pareillement
confiante , par les expériences qu'on
fait tous les jours de cette venté* en
bafti/Tant de grands édifices , ou en
fouillant des puits dans ces- fortes de
plaines , ou Ton ne manque prefque
jamais de ti'ouver de la glaiie . & beau-
coup de fable au deflbus , d'vne gran-
de épaiilèur, qui fert à faire le bafti-
ment.
Il faut encore concevoii' que les
plaines bafles ne font faites que pour
recevoir les eaux des pluyes & tacîli-
ter leur cours vers la Mer , & c'ed
s 1]
tiî De l^Ori g I ne
ce qu on appelle rivières ou fleuves ;
& que le lieu bas où font fituees ces ri-
vières n'eil quafîn que toutes les eaux
qui defcetidentdes moiitag^nes s v vien-
nent rendre : là elles Tont fidelle-
ment retenues par la gkife qui eft (bus
ce fable & qui les empefche de péné-
trer plus bas.
le croy quon demeiu*e bien d'ac-
cord qu il y a de la glaife fous le cours
des Rivières , puis qu on y en trouve
fouvent quand on y prend du fable
pour baftir ; & de plus lapparence y
eft toute entière , pource qu'autrement
elles entreroient dans la terre & fe
perdroient : aufli en voit- on en plu-
fieurs endroits du Monde qui entrent
dans la terre , & en fortent par après
en d'autres lieux. Ce qui caufe cet
accident ne peut eftre autre chofe,
finon qualendroit où ces fortes de
rivières entrent dans la terre , la glaife
qui les fouftenoit vient à s abaifler tout
dVn coup 5 & en mefme temps l'eau
de la rivière qui la fuit , trouve en ce
lieu-làdes pierres & des rochers, en-
tre lefquels elle paffe fuivant toujours
fa glaiie qiù lafouftient: unt qu'enfin
DES Fontaines. îîj
le terrain de deflus s'abai/îànc au(Ti. pe-
tit a petit rencontre ce lit de glaife , &
laide anifi fortir la rivière qui conti-
nue de couler à fon ordinaire fur la
Terre.
Il eft évident aufîî que les eaux des
pluyes & des neiges qui tombent fiir les
montagnes & lui' les collines deicen-
dent dans les Rivières : aufll voit-on
qu'après les grandes pluyes & les grands
dégels, elles croifTent & font troublées
à caufe des terres que ces^eaux entraî-
nent avec elles, en fefailant vn che-
m.in vers les Rivières , qui eft lelon le
hazard & la rencontre de la pente >
& mefine ion voit que leurs bords font
couppez par tout par les eaux qui y
ont pafsé.
Et quoy quil femble qu'il n'y ait
que les grands orages qui puilTent fai-
re tomber ces eaux dans les Rivières
en la mamere que je le prétends . ce
qui arrive trop rarement pour y fon-
der la lubfîftance des Rivières , qui ne
feroient plus que des torrens; il eft
certain néanmoins que fans orage les
Rivières croiflent & débordent , com-
me il arrive après les longues pluyes
it4. De l'Origine
& les grands dégels de l'Hyver où il
ne (e fait point d ora2;es , principale-
ment quand la terre le trouvant gelée
fous la neige lors quelle fe fond ne
peut pas en boire les eaux. Car coiii-
me en ces temps de pluye & de dégel
Pair eft beaucoup humide, & la terre
gelée ou mouillée pari tout, les eaux
qui tombent delFus ne font ny évapo-
rées, ny beu'es par la terre ou du moins
fort peu : c eft pourquoy il faut ne-
ceflairement qu elles coulent dans les
Rivières qui font toujours dans les
lieux les plus bas des vallées , & qu'el-
les y entrent par quelque moyen que
€e foit , ou par defliis ou par de flous
leurs bords , ou par des ruifleaux par-
ticuliers ou autrement.
Il le trouve pourtant quelquefois
des vallées fpatieufes dont la pente ne
va pas vers les Rivières , ni par confe-
quent les eaux qui tombent delfus. Il
y en a mefme qui font plus baffes
que la fuperfîcie du courant des Ri-
vières , comme le font en quelques
endroits les plaines oii coule là Loire :
Mais en ce cas , ces fortes de plaines
donnent leurs eaux à d'autres nvieres
DES Fontaines. 2tç
ou l'uifleaux qui vont le reidre ou à
la Loire plus bas ou ailleurs dans quel-
ques autres rivières 5 Et s'il arrive que
dételles eaux rencontrent quelque em-
pefchement dans leurs cours , & que le
terrain fe trouve gras & folide en ce
lieu-là , elles y font vn eftang ou vn
lac , dont les eaux s élevant trouvent
vn écoulement qu elles n avoient pas
par la dirpoiition du terrain , ou bien
elles pafTent fous terre par quelque
endroit graveleux & perviable , & en
fbrtent loin de là en forme de fontaine
ou de rivière : ou bien elles entrent
dans ce fable vniverfel pour iè joindre
avec les eaux qu'elles y trouvent , &
contribuer avec elles au cours de quel-
que autre nviere voifine ou efloignée.
Qooy qu'il en foit , puis qu'il eil cer-
tain que les pluyes & les de'zels font
groflir les Rivières fans qu'il faffe d do-
rage ; & qu'au . contraire les Rivières
ne groffiflent jamais par les orages , &
n'en font pas melme troublées , il faut
demeurer d accord que les eaux des
pluyes quelles qu'elles foient entrent
dans les Rivières ; & a caufe qu'elles
ne laifTent pas d'eflre troubles comme
^t6 De l'Origine
s'il y eftoit tombé de grands torrens ,
û faut croire que lors de ces dégels il
y en entre beaucoup qui ont coulé
fur la terre dont elles ont entraîné a-
vec elles le limon ^ de mefme qu il y
en entre auffi par deflbus la terre fans
les troubler par ces ouvertures qu'on
appelle des iources : Mais de quelque
manière que les eaux des pluyes &
des neiges fondues entrent dans les
Rivières , il ne m'importe n'ayant
d'autre intereft que de voir groffir
les Rivières par ces eaux-là en quelque
manière que ce puifle eftre.
Il faut concevoir encore vnc autre
difpofition de la terre à l'égard de la
pente des collines & des montagnes
qui eft, que la terre fur le penchant
des collines & des montagnes, eft dis-
posée en forte que les veines & fils
(fi cela fe peut dire) quelle peut a-
voir vont en defcendant en dehors de
la colline j de manière que feau qui
tombe fiir cette terre , encore quelle
y entre à caufe quelle aura peut-eftre
efté labourée, comme left celle des
vignobles, ne pourra pas pourtant ea-
ti'er dans le corps de la montagne >
quoy
DES Fontaines. hj
quoy que ce loit le fentiment du Perc
François , au contraire cette eau fera
toujours repoulsée & rejettée dehors,
fi ce ii'eft quelle coule Tous cette ter-
re labourée iùr le limon gras que nous
avons dit que la pluye y a tait entrer,
jufques en bas , Scjurques dans quelque
ruineau ou bien juiques dans ce lablc
qui eft dans les plaines. De forte que
Ton peut dii'e que la terre du penchant
d'vne colline eft diiposée comme les
tuiUes dvne maifon, qui eftant mifes
les vues iiir les autres en penchant en
dehors , rejettent auOi toujours leau
en dehors , (ans la louiFrir entrer dans
le corps du baftiment , jufques à ce
quelle fe (bit rendue dans la *j;outiere
ou dans quelque autre lieu en bas , où
elle fe fait voir en abondance.
le tonde cette difpofîtion fur ce que
j ay veu que ceux qui font des canaux
d eaux fur la pente de quelque mon-
tagne ou colline , pour leur taire tenir
leau , ne mettent point de courroy de
glaife au cofté par ou le canal touche
a h, montagne , mais feulement à ce-
luy qui eft à l'oppofite & aux deux
bouts 3 d'abord jetrouYaycelaeftrange,
T
2tS De l'Or i g i n e
m'imaginant que la glaile qu ils met-
taient aux trois autres coftez feroit
inutile s'ils laiflbieat celuy-la ouvert
& (ans défenfe : mais après y avoir
bien pensé j ay reconnu que c eft avec
beaucoup de prudence qu'ils en vtknt
de la forte : car tant s'en faut qu'il y
ait lieu de craindre que l'eau s'en aille
par ce cofté-la , pource qu'il faudroit
qu'elle remontaft pour entrer dans la
montagne : qu'au contraire c eft par U
mefme que l'on doit elperer que tou-
te celle qui tombera denhaut entre-
ra dans le canal & le fera emplir
davantage, & mefme ce feroit mal
travailler fi l'on mettoit du courroy
en cet endroit , pource que les eaux
en def cendant pour entrer par là dans
le canal poufl broient le courroy avec
Ja muraille qu'elles jetteroient dedans.
Ce qui me porte encore à eftablir
cette difpofition de terre des collines,
c'eft qu'aux pays où il y en a beaucoup,
comme en quelques endroits de k
Bourgogne & de la Champagne & au-
tres pays montueux > Ton voit qu'aux
lieux Sas où ces collines fe joignent
& s'aflèmbknt , il y a toujours des
DES FO N T A I N E S. 2I5>
niiflèaux qui coulent plus ou moins fé-
lon que les pluyes ont eftè grandes ou
modiques & qui le fortifient toujours
en coulant. L'on ne peut dire précisé-
ment d ou leur viennent ces eaux , puis
qu'on ne les voit pas couler \il~blement
du haut en bas de ces collines , auflî
ne teroient-elles que des torrens qui
dureroient peu : mais ces eaux eftant
entrées dans la ten'e de defliis la colli-
ne, & ne pouvant entrer dedans a
plomb 5 comme le veut le Père Fran-
çois , par la raifon que nous en ve-
nons de remarquer j elles coulent en-
tre deux terres en fe pouffant ou s at-
tirant l'vne l'autre juf ques en bas , où
trouvant quelque limon ou terre graf-
fe, elles font arreftées & rendues vifi-
bles, failant les ruiflèaux que je dis
qui coulent long-temps , à caufe que
ces eaux ainli méfiées dans les terres
font long-temps à les quitter & à def-
cendre : & enfin ces ruilTeaux trou-
vent moyen de s'échapper entre le
pied des collines, &ièjO!g.iant ad au-
tres font quelque petite rivière qui fe
va perdre dmî vne plus grande dont
elle augmente le coui-s. Que fi ces
T ij
120 De l'Ori g I n e
eaux en defceaddnt des collines ne
trouvent point de terre grâflê qui les
arrefl-e, elles descendent toujours juf-
ques à ce qu elles entrent dans les fa-
bles qui font en bas , où eftant foufte-
nues de cette glaife vniverfelle dont
j ay parlé , elles coulent entre les pier-
res du tuf , ou dans les grandes riviè-
res , ou dans des cavitez pierreufes
fous quelque montagne où elles de-
meurent jufques à ce qu elles en Tor-
rent en la manière que je le feray voir
dans la fuite. Cette façon d'écoule-
ment que je donne aux eaux entre
deux terres fur le penchant des colli-
nés , n*eft pas comme cet écoulement
qui ma efté obje^é cy-devant pour
fouftenir la pénétration fur les plaines
hautes, pource que je ne fuppofe point
icy vne pénétration profonde de terre
jufques à la glaife du dedans, laquelle
j'ay fait voir impolTible & actuelle-
ment nulle & inconnue : mais bien vne
pénétration vif ble dVn pied ou deux
& dont on ne peut douter , qui peut
conduire les eaux avec égalité jufques
en bas par toute l'étendue de la colli-
ne, & non pas comme l'autre par amas.
D E s Fo N T A I N E s. 11 i
en des lieux differens&feparez, après
s'eftre afTemblées aux endroits (abloa-
neux qui ne fe trouvent pas par tout fur
les plaines hautes.
Toutes ces chofes eftant fupposées
& entendues de la forte , à quoy je ne
croy pas qu'il puifle y avoir de diffi-
culté qui ne ioit l'acile de lever , Se
dont les yeux ne puifTent eftre les ju-
ges & les témoins.
Pour rendre ma pensée plus intel-
ligible 5 cDnfiderons la Terre en l'eftat
qu'elle eftoit au moment de la créa-
tion , avant qu'il fuft toml>é ni pluye
m neige 3 lors que les eaux ayant efté
amalsées en vn lieu elle parut feiche
& aride, comme il eft dit dans TEcri-
ture fainte 5 & nous imaginons que la
pluye commence à tomber , &que les
eaux delcendant des collines par di-
vers ruiflèaux ou autrement s'amafîent
d.ms les plaines & fe joignent à celles
qu elles y rencontrent que la mefme
pluye y a répandues : ces eaux amfi
amafsées commencent à couler vers le
lieu le plus bas de la plaïae , & allant
amfî d'vn lieu bas en vn autre plus bas,
e:itre les montagnes & les collines,
T a,
22Î Df i'ORIGÎN 3
gagnent la Mer qui eft encore plus
bafîè. En coulant de la forte elles fe
font vn chemin au milieu ou au plus
bas de ces plaines en creufant la terre
quelles entraifnent avec elles , jufques
a ce qu elles rencontrent la glaifè ou
le tuf qui eft deflus , fiir lequel s'ar-
refte auffi beaucoup de fable qui fe
répand ordinairement fur tout le fonds
de ce chemin qu elles fe font fait en
coulant. Ce chemin efl plus ou moins
creux , plus ou moins large , félon la
qualité du terrain , la quantité de l'eau ,
& la vîtefîèavec laquelle elle coule , &
ces eaux font pareillement plus ou
moins copieufès & abondantes , félon
que les plaines & les collines d'alen-
tour fe font trouvées plus ou moins
fpacieufès, & ces eaux amfï coulantes
eft ce qu on appelle rivière ou fleuve.
Ces eaux coulant de la forte em-
pliflènt leur canal , & ne pouvant pé-
nétrer plus avant dans la terre à caufe
de la glaifè qui eft au deflbus & qui
continue fous toute l'efteadue des plai-
nes & des montagnes , fè glifîent de
cofté & dauti'e dans les ouvertures
qu elles rencontrent entre les pierres
D E s FON T A I N E s. 21^
An tuf & entrent dans ce fable qui eft
deffus en grande quantité & épaiîieur^
S: paflant au travers à caufe de la fa-
cilité qu'il leur en donne par fes par-
ties grenues , feiches & leparées , le
remplirent par tout tant fous les plai-
nes que fous les collines & montagnes
des environs ou elles entrent aulTi tort
aisément à caufe des pierres mal join-
tes qui s y rencontrent , comme nous
avons rembarqué , & félon que les eaux
croiffent dans les Rivières par l'abon-
dance des pluyes & des neiges fondues
qui continuent dy tomber, elles s'ele-
vent par defîiis les bords de leur lit^
inondent & couvrent toutes les plai-
nes j quelquefois jufquau pied des
montagnes; & comme ces eaux font
élevées , elles ont davantage de force
pour entrer dans ce fable avec vîtefTe,
tant par les coitez des bords du canal
des rivières, que par le defTus meime
des plaines inondées, lefquelles font la
plufpart de terre fablonneufe & faci-
le à eflre pénétrée par les eaux ,^ &
principalement par celles-cy qui y lont
en abondance & qui pefent defîiis:
de forte quei peu de temps elles rem-
T 111)
k
^H De l'Origine
pliflent tout ce fable , tous ces inter-
valles de pierres , toutes ces cavernes
& canaux qui font tant deflbus les
plaines bafles que deflbus ces collines
& montagnes, jufques au niveau dii
courant des Rivières ou de leur inon-
dation & débordement.
Ces eaux entrant & selevant ainfi
dans ce fable & dans ces pierres , mon-
tent fur ces lits de glaife qu elles y
rencontrent , entrent dans ces baflîns
& dans ces goutieres, partent par def-
fus ceux qui font élevez en boflè &
en pente, &fe jettent de l'autre cofté
félon la difpofition quelles y trou-
vent 5 Et félon que ces débordemens
durent long-temps ces eaux ont plus
de commodité de savancer dans
ce fable jufques à ce qu'en s'éloi-
gnant de la rivière d ou elles font par-
ties , elles rencontrent dautres eaux
qui leur viennent au devant , foit d'vne
autre rivière voifine , foit de la mel^
me nviere qui va en tournoyant com-
me elles font la plufpart , & ainfi ces
eaux venant à fe joindre & fe mettt'e
de niveau IVne avec l'autre , tout le
delîbus des plaines & des montagnes
D E S FON T AIN F S. 11^
fe trouve remply d'eau dvne grande
hauteur lelon que le lit de giaile du
fonds ie trouve plus enfoncé , le lable
plus profond, les canaux & cavernes
plus ipacieuies -, & enfin félon la ca-
pacité de tous ces lieux-là , dou l'air
qui les rempliflbit fe retire par en haut,
par les pores de la terre, à mefure que
ces eaux v entrent.
Les debordemens eftant celfezavec
les pluves , & les Rivières eftant re-
tournées en leur premier eftat , les
eaux qui font entrées fous la terre, ne
retournent pas de mefme, la plus gran-
de partie demeure enfermée dans ce
fable, dans ces baŒns de glaife, fur
ces lits élevez , où elles ont monté, &
par defllis lefquels elles ont pafsé qui les
empefche de revenir : meime cette
glaife continue & vmverfelle eft fou-
vent iiiéQ;ale en fon niveau , & quel-
quefois plus baffe fous les montagnes
que devers les Rivières j & alors les
eaux qui y font entrées y demeurent
(ans pouvoir retourner aux rivières.
Quelquefois elle eft plus haute , &
alors comme elle a fa pente du cofté
des Rivières les eaux y prennent leur
i2d De L*OïlIGINE
cours, '& tout le fable qui en efloit
remply s'égoutre a la fin s'il ne furvient
quelque nouvelle pluye qui faifànt,
enfler les Rivières leremplilîe de nou-
veau : mais cet écoulement vers les
Rivières ne fe fait quavec beaucoup
de temps , & petit à petit, tant à cauie
de leloignement de ces eaux qui eft
grand quelquefois, qua caufedu lable
qui les retient , &d où elles ne peu-
vent pas fe retirer aufTi promtement
qu elles y eftoient entrées , pource
quelles eftoient alors poufsées par la
violence de celles du courant des ri-
vières & de leurs dcbordemens , au
lieu que pour fortir elles n ont que
leur pefànteur qui eft beaucoup di-
minuée par les parcelles du iàble où
elles s\attachent , & par tous les obfta-
cles que nous avons remarquez & que
Ton peut s'imaginer.
Ces paiiiblesécoulemens qui fe font
par tous les endroits des bords des Ri-
vières & par le fonds meftie, font ce
qui entretient leur cours avec quelque
égalité , jufques à ce qu'il revienne
d autres pluyes , qui failant enfler les
Rivières remplifTent promtement ce
D E s FO N T AJ N E s. 117
qui s'eft viudé tout a loifTr , comme
nous venons de dire .; & cette alterca-
tion de pluyes & d'ècoulemens fe fai-
fant avec vne régularité irreguliere,
les fait couler toujours tantoft plus
tantoft moins, tantoft des eaux que la
pluve leur donne en tombant , tantoft
de celles qu elle avoit mile en refend
dans ces fables fous les plaines.
La preuve de tout ce que je viens
d'avancer , fe peut tirer de ce qui nous
eft continuellement devant les yeux. Il
n'y a point de nviere au fond de la-
3ue!le il n'y ait de la glaife, au fond
e laquelle Ton ne trouve ce qu'on
appelle des fources, & fur fes bords
ordinairement, que l'on voit couler &
fe feicher enfuite à me'ure que l'eau
de la Rivière baiflè , & s'en ouvrir
d'autres plus bas & vn peu au deffus
du niveau du courant de la Rivière 5
■ & ces fources tant du fond que des
bords ne font que des ècoulemens des
fables ou les eaux eftoient enaees,
qui félon léquilibre quelles prennent
avec celles de la rivière , y entrent
avec plus ou moins de force , eu égard
aulTi àl'éloignementdecelles qui vien-
I
Î28 De l'O r I gi n e
nent de lieux reculez , félon que les
plaines ont plus ou moins d'eftendue^
& ces ouvertures par où Ton voit l'eau
entrer dans les Rivières qu'on appelle
fourceSj font les endroits par ou elles
entrent dans ces fables quand elles
font plus baffes que la furface du cou-
rant , & par ou elles en fortent quand
elles font plus hautes.
Il n y a point de plaine ba/fe où
l'on ne trouve de la glaife , du lable
& de l'eau: car on y Jait des puits par
tout. Il y en a mefine dans les deferts
de l'Arabie où les Caravannes fe ra-
fraifchiffent; & fi ces puits y font ra-
res ^ceft qu'il eft de la politique des
Princes qui coifinent à ces deferts
qu'il n'y en ait que ce qu'il en faut
pour entretenir le commerce des voya-
geurs feulemeit, de crainte que par
la commodité des eaux qu'on ne trou-
ve en ces pays-la que dans les puits ,
leurs voiiîns ne faiîènt dos entrepriiès
for leurs Eftats.
Il n'y a point de plaine où Ion ne
puifle faire des puits , & s'il arrive que
ceux qui en veulent faire fur celle de
quelque montagne n'en ont point reii-
D H s FO N T A I N E s. 1^9
contre dans leur fouille, ils nont qu'à
creufer profondément jufques au ni-
veau du courant de la rivière prochai-
ne , ils en trouveront afliirèment , &
ceft ce qui eft caufe que Ton voit
quelquefois des puits auiTi profonds
quil y en a.
L'on voit que Teau croift dans les
puits des plaines baflès félon & à me-
iure que celle de la nviere croift. Nous
voyons à Pans que l'eau vient dans les
caves quand la Rivière fe hauffeaflez
pour cela j Ion remarque aufTi quelle
y vient en vne nuit , & qu elle eft deux
ou trois mois a s'en retourner. Vne
perfonne d'efpnt a remarqué dans les
caves de robfervatoire royal à Paris
qui font fort profondes , & éloignées
de la Rivière d'environ demy iieuë ,
que l'eau qui y eftoit au mois deîan-
vier 1671, eftoit de niveau avec celle
de la Rivière qui s eftoit élevée cette
année là plus que les autres années;
& cette eau y eft demeurée plus de
quatre mois après fans s écouler. En
1 année td^S. que la mefme Rivière
de Seine déborda extraordinairement ,
j'ay veu vn piuts à la campagne à demy
IJO D E L*0 R I G I N E
lienë de la Rivière , jufques ou elle a-
voit porté les eaux de fbn déborde-
ment , eftre plein jufques à s'en aller
par defRis , & couler comme vne fon-
taine durant vne partie de l'Efté, quoy
que la Rivière s en fuft retournée en iba
eftat ordinaire ; & comme elle n a point
débordé de la forte depuis cette année-
là , ce puits aufTi n'a point efté rem-
ply d'eau comme il eftoit alors.
En la mefme année 1(^58. la pluf-
part des maifons qui eftoient dans le
bas de la ville de Pans , le trouvèrent
fort endommagées à cauie des eaux
qui ayant entré dans les caves en a-
voient moLÎillé les fondemens , à quoy
il falut remédier promtement,& Ion
ne voyoit en ces quartiers- là que mai-
fons eïtayées dont on reparoit les fon-
dations y & cela n'eft point arrivé de-
puis à caule que la Rivière n'a point
débordé depuis avec vne pareille force.
En Tannée 1670, que l'on fonda le
quay au deflbus des TuiUeries prés le
cours de la Reine, Ion voyoit couler
dans la fondation de ce baftiment des
eaux qui venoient du cofté du cours ,
8c les ouvriers les appelloient des four-
DE s FO N T A I N E s. t^i
ces: mais après avoir coulé deux ou
trois mois , elles celTerent tout à fait;
(Se la caufe de cela eftoit ,que le -able
de la plaine du cours s égoutoit dans
cette fondation qui eftoit plus profon-
de que le courant de la Rivière , à cau-
fe des batardeaux dont elle eftoit Ibu-
ftenue, & cet écoulement celîà quand
il n y eut plus d eau dans ce lable.
L'on pourroit rapporter vne infini-
té d autres exemples feniblables qui ne
lerviroient pas davantage pour la preu-
ve de ce que j'ay avancé, qui eft afîez
eftablie par ce que j'en ay dit, & par
de femblables remarques que chacua
peut faire.
Le cours & l'entretien des Rivières
eftant expliqué & demonflré , il ne me
refte plus qu a faire voir conirrient li
peut y avoir des lources au haut des
montagnes , & comment des eaux , que
je iuppoie eftre en bas 6c dans les fon-
dations par m.anierede dire de ces hauts
édifices , peuvent monter d elles-mef-
mes jufques a leur fommet.
Puis que yav trouvé la matière des
Fontaines & de la meilleure qualité
quelle puifle eftre , je veux dire de
t
^l^ D e l'O r i g i n e
Peau douce en abondance , pafsée &^
purifiée par des fables purs & nets , &
qu'il ne me refte plus que de la faire
élever jufques à l'embouchure des four-
ces , je nay plus rien de difficile, tou-
te la Philolbphie ancienne & nouvel-*-
le eft pour moy , & demeure d'accord
que cela le peut faire facilement &
naturellement.
Ariftote dit qu il n'efl: pas hors d ap-
parence de croire que dans la Terre
il fe fait pareille choie que nous voyons
fe faire hors la Terre 5 & que de mef^
me que les vapeurs du dehors de la
Terre s élèvent dans l'air & y (ont con-
verties en eau , de mefme auflî celles
du dedans causées par les eaux de la
pluye que les rivières y font entrer,
peuvent s'élever au haut des monta-
gnes & y produire de leau.
Seneque croit que les vapeurs que
la Terre exhale sepaiflî/Tent dans les
concavitez & fe convertiflent en eau ,
& que l'ombre , le froid & le repos per-
pétuel qui s'y rencontrent en (ont là
caufe ; il croit donc que ces vapeurs
ou air épaifli s élèvent en haut,
Cai'dan eft de cet avis, quand il
jouit
DES Fontaines. 23^
joint i k violence du flux & reflux de
la Mer , la condeiifàtion & changement
de l'air en eau , qu'il dit s'attacher au
haut des corxavitez de la terre, il don-
ne cette cauie pour la principale de
la prodùdion des Fontaines.
lacques Dobrzenski croit pareille-
ment la condenfàtion & le change-
ment d'air en eau, & par conTequent
cette élévation au haut des concavitez
de la terre, puis que cette condenfa-
tion fiippoie vn air humide qui. ne
peut avoir pris (on humidité qu'en va
lieu plus bas que luy.
lean Baptifte V/an-Helmont , plii-
toft que de contefter cette élevatioqL
des eaux^ a mieux aimé s imaeiner vne
vertu vivifiante dans ion iable pur,
par le moyen de laquelle les eau;5w
dont il veut quil ioit remply, mon-
tent de leur bon gré juiques au haut
des montagnes.
Thomas Lydiat^ M' Du Hameî . &
le Père Schottus^ admettent vn feu
foufterrain pour élever les eaux de J^
Mer, converties en vapeurs , au haut
des concavitez des monta^iaes, .
M' Defcartes & M' RonauJt iiippo*
'^ ■ V
2Î4 De t'ORiGiNE,
lent vne chaleur naturelle à la*Terre
pour cauler le mefme effet.
Vitruve mefme dit que les eaux qui
font arreftées dans la terre aux lieux lo-
lides & non fpongieux , produifènt des
vapeurs qui percent la terre & fe ren-
dent vifibies à ceuxqui veulent chercher
des fburces & le ch^ngQnt en eau fi qIIqs
font arreftées par quelque corps folide
opposé.
D'autres Philofophes, comme (aint
Thomas, les Connimbres & autres, ont
dit que cette élévation Cq pouvoit fai-
re par la force du Soleil : Dautres^
comme Magnanus , que la terre fu-
çoit les eaux & les attiroit â elle com-
me feroit vne éponge.
Enfin tous (ont demeurez d'accord
de cette élévation d'eau ou de vapeurs
aqueufes au haut des montagnes ^ & ce
commun confentement , quôy que fon-
dé fiir de differens principes , eft vne
marque afièz grande delà vérité de ce
fait, fur lequel ils ne Ibnt différés les vns
des autres que par les caufes & moyens
I qui ne leur fontpas bien connus , ce qui
I? peut eflre pardonné /puis que c eft ce
qui eft le plus caché dans la nature-.
UE s f O N T A I NE s. 255
le poiirrois donc (lir la foy d'audi
bons garands que ceux que j'ay nom-
mez , avancer que ces eaux quej'ay
fait voir dans le fonds des montagnes,
entre ces grcfles pierres qui y Ibnt,
dans ces cavernes & canaux & dans ce
(able y font élevées en vapeur jufques
à la fuperficie du dedans de ces mon-
tagnes, quelque hautes quelles ibient,
& réduites en eau , fans en rendre
d autre railbn , comme tait Anftote ,
que la relTemblance de ces vapeurs du
dedans de la terre a celles du dehors,
que nous fç avons s'élever dans Tair &
fe convertir en eau. Cette raifon pour-
roit eftre receué avec grande appa-
rence , puis qu'il n'y a pas plus de dif-
ficulté à croire Tvn que l'autre, & en-
core moins , au fentiment de M' Det-
carres & agrès luy de M' Du Hamel_,
pource, diient-ils, qu'il eft plus faci-
le aux vapeurs du dedans de la terre
de s'élever dans les canaux étroits qui
y font qu'a celles du dehors , dans l'air
vague & eftendu comme il eft ^ & tou-
jours agité. Et quoy qu'Ariftote n'ait
Sas deligiié la caufe de la chaleur qui
-Oit eftre dans la terre pour exciter
V n
23^ De l'O r I g I n e
la vapeur -y je croy qu'il a (iipposé ,
comme le croit aulli Lydiat , bien qu il
ne fiiive pas en cela fon opinion , que
cette chaleur luy eft communiquée
par le Soleil : car quelques conjectu-
res que Lydiat rapporte au contraire ,
comme nous avons veu dans fon Opi-
nion, il eft difficile de s'imàgmer que
la Terre qui eft continuellement ex-
posée aux rayons arderis du Soleil n'ait
contradé quelque chaleur , du moins
iufques à vn certain degré , c'eft a dire ,
autant que fon tempérament froid &
que fà diftance du Soleil l'oiit pu per-
mettre • car de dire qu elle n ait jamais
pu recevoir nv retenir aucune chaleur
du Soleil, il liv a guère d'apparence
puis qu elle n eft pas froide au dernier
-degré comme elle le devroit eftre , s'il
eft vray qu'elle loit froide par la natu-
re à caufe de fon épaifleur & de (a
pelànteur , félon le ientiment des Pe-
npâteticiens ; & comme nous lènrons
bien qu elle n'eft pas auflî froide qu eft
Ja glace , ce qui s'en faut ne fçauroit
venir que de la chaleur que le Soleil
luy a communiquée.
Si. donc il y a quelque chaleur dans
DES FO N T A I N E S. 2^7
h Terre, & fi ce quil y en a luv vient
du Soleil, ils'eniiiit que l'humiclité qui
fe trouvera daas la Terre pourra eftre.
réduire en vapeur & élevée en haut
par les conduits 5c canaux qui y font.,
& cela d'autant plus que la chaleur
doit eftre plus forre vers le haut de
la teire , c eft a dire vers (a fuperficie,
comme plus proche du Soleil , que
vers Ton centre qui en eft plus éloi-
gné • eftaiit vray auffi , que pour ex-
citer de la chaleur il ned: pas necef^
faire que le feu ou la chaleur foent
fous la choie humjde , comme Lyd^at
le veut eftablir , il fiiffit que le tea
puiiTe agir: Auffi voit-on que F eau de
la Mer ne s" exhale qu'à caule que le
Soleil l'échauffé , & quoy qu il ne l'é-
chaufieque par le de (lus, il fait néan-
moins m.onter fa vapeur vers luv-mei-
me. Qoe l'on mette de l'eau dans vn
vaifTeau profond , Se qu'on approche
de la fiiperficie de cette eau vn fer
rouge & ardent , il la fera bouillir par
le dellus fans que le fonds de cette eau
en ibit échauffé davantage , & la va-
peur en montera en haut.
Quoy qu'Ariitore ôc tous les autres
îjS De l'Origine
Philosophes ne donnent qu vne caufe
de l'évaporation de l'eau , fçavoir la
chaleur , je pourrois en trouver en-
core deux autres , Vvne le froid Ton
contraire, & lauti'e le mouvement des
paities de Tair.
Ce qui me fait reconnoiftre le froid
pour vne des caufes de Vévaporation ,
cft que j ay obi èrvé qu en Hy ver , la
glace & la neige s'évaporent de mef-
me que fait l'eau en Efté. l'en ay fait
Texperiencc en l'année t66p, pen-
dant le plus grand froid de cette an-
née 5 ou j ay remarqué que l'eau que
i'avois mife dans vne grande balance,
ou j'avois fait durant i'Efté des obfer-
vations fiir l'évaporation de l'eau , que
cette eau eftant gelée s'évaporoictous
les jours coiifïdei*ablement , ce que je
jugeois par la diminution de fon poids,
qui alloit durant vingt-quatre heures^
jiilques à vne once trois gros (iir qua-
tre livres que pefbit cette glace , dont
la Superficie eftoit de douze poulces
fur trois d'épaifleur. Cette diminution
de quantité & de poids de- cette gla-
ce, ne peut eftre autre chofe qu vne
évaporation comme celle de Teau. Et
DES Fontaines. 235)
je ne doiite point que la vapeur ne
s'en élevé en lair, demeime que cel-
le qui eft excitée par la chaleur en
Efté, puis que je voy que lair eft tou-
jours tres-humide en Hyver, &qu'e les
broiiillards y montent & s.'y élèvent en
cette faiion comme en vne autre. Mais
pourquoy les vapeurs ne monteroient-
elles pas en haut en Hyver , puis que
les exhalaifbns qui font plus groflîeres
& plus pefàntes, & composées de par-
ties terreftres y montent bien ? Il ar-
rive aflez f buvent qu'il tonne pendant
le plus grand froid ; En Tannée t ^5 8 . au
commencement de Févner qu il fai-
foit vn froid extrême, il tonna vn fbir
fur les huit heures deux ou trois fois
avec beaucoup de bruit ; Il y a donc
quelque appai'ence de croire que le
froid peut exciter la vapeur des cho-
fes humides, de mefine que le chaud
le fait.
La féconde caufe que je donne à
Tévaporation , eft le mouvement des
parties delair , lefquelles eftant en vne
continuelle agitation , frottent celles
de l'eau qui lont dans va (emblable
mouvement , &: les feparant les vaes
240 De l'Origine
des autres ,& fe méfiant enfemble les
enlèvent en haut avec elles. Comme
il eft très-certain que la chaleur caufè
levaporation , & que Ion pourroit
clouter que le froid ion contraire puft
produire vn {emblable effet , je ne
terois point de difficulté d'attribuer 1 le-
vaporation à ladion des parties de
l'air , à qui la chaleur par le mouve-
ment qu elle augmente dans les par-
ties de Teau , donne plus de priie à
celles de lair pour fe méfier avec elles
(k pour les enlever.
Ce qui me fait appuyer fur cette
pensée, eft que je voy qu'il ne laiflè
pas de fe faire évaporation lans l'aide
ny du chaud ny du froid. De 1 eau
lailsée dans vn vaifleau en quel lue
endroit retiré ou il ne fait ny chaud
ny froid , comme dans vn cabinet,
garderobe , ou armoire , s'évaporera ,
& au bout de quelque teinps , ioit ert
HyveribitenEfté, le vaiiîeaufe trou-
vera vuide. L'on voit auili quelque-
fois au mois de luin s'élever des brouil-
lards qui gaftent les bleds , & alors on
ne peut pas dire . que, ce foit le gi*and
froid qui les. élevé ^: ny aufli le grand
chaud ,
DES Fontaines. 241
chaud , pour ce que quand cela arrive
la chaleur diminue , & que fi c eftoitle
grand chaud il devroit y avoir de fem-
blables brouillards au plus fort de tous
leseftez, il taut donc que ce foitvne
autre caufe qui produiie vn tel effet &
ce pourroit bien eftre celle que je dis.
L'on peut donc dire que la vapeur de
leau peut eftre excitée aulTi bien par le
froid que par le chaud & autant parle
mouvement des parties de l'air que par
celuy du feu.
L'effet de cette evaporation^foit qu'elle
foit caulée par le chaud ou par le troid ,
ou par la feule agitation des parties de
l'air , eft toujours femblable, je veux dire
que l'eau évaporée demeure toujours ce
qu elle eftoit , l'eau évaporée eft tou-
jours eau & fon evaporation n'eftant
qu vne Réparation de les parties , elle ne
manquera pas de redevenir eau auffi-
tcft que cette feparation ceftera&que
les parties écartées pourront fe rejoin-
dre. Il eft vray que l'evaporation qui fê
fait par le moyen du feu , eft plus vifi-
ble que celle qui fè fait par les autres
moyens, mais T effet ne laifle pas d'eftre
toujours pareil. Le vif argent fe difTipc
X
24^ De l' Origine
par le feu , & s'évapore lans qu'on s'en
âpperçoive& s'eflevant ea haut quoy
qu^il ioit tres-pelànt , s'arrefte au pre-
mier corps qu il trouve diiposè à le re-
cevoir, & là il reprend ia première fi-
gure & conliftence : le fuif d'vne chan-
delle , la cire d'vne bougie allumée s'e-
vaporent à peu près de mefhie en brû-
lant j & vne partie de leur fubftance qui
eft vray fèmblablement ce qui eft de
plus pur ou ce que la trop grande adion
duteu a écarté lans le brûler, reprend
par après G première figure, forme &
conliftence en s attachant a quelque
chofe. l'en ay fait lobfervation par ha-
zard à la cire d'Efpagne queje brûlois ,
a-u bout de laquelle je trouvois ou du
iiiif ou de la cire fans avoir touché ny
la chandelle ny la bougie ou je lavois
fait chauffer.
L'on voit que les viandes qu'on fait
cuire rendent vne fumée qui porte avec
elle lesqualitez des viandes mefmes:
eette fumée engraifle le linge & l'etoiFe
où elle touche , elle nourrit & raflafie
ceux qui y font continuellement ex-
polèz , & leur fait perdre lappetit
fans les rendre malades. Tous les
D K s f ON T A I N E s. 24^5
ciiîfiniers lonc gras , les Chaircuitiers
le font aufll , & les Bouchers de mei-
mejquoyqiie ces derniers ne faffent
f)oint chauffer leurs viandes. La feu-
e vapeur de la viande & de la graiiTe
qui s'eleve par l'aclion de 1 air, ôcqui
■porte avec elle les parcelles humides &
plus iubtiles de la viande ^ les pourrait
nourrir en vn bel oui , cc mieux que la
viande metme.s'ils pouvoient humer al-
lez de cette vapeur. Si Ion veut pouf-
fer encore plus avant cette réflexion,
Torfpeut dire que fi les Médecins n ont
pas ordinairement bonne couleur, c'eft
à caufe qu'ils iont continuellement dans
des lieux rem.plis de vapeurs mauvaifes
qui font iur eux vn lemblable effet
quoy que contraire.
Il y auroit encore beaucoupd'autres
choies femblables a dire , comme des
odeurs, des maladies contagieules, &
autres, qui ne peuvent avoir leurs et-
fets que par vne manière d évapora-
L tion & de ieparationdes parties les plus
fubtiles , que j'obmets , pour dire que
Teau, comme toutes les chofes humi-
des , eft naturellement difpofée à Tcv.!-
poration, & que cette évaporation n eil
Xij
.^44 i^E L Origine
qii vne élévation de les parties fèparées
fans aucun changement, & que quand
ces parties peuvent (è rejoindre , elles
reprennent la mefine forme & confî-
ftencc qu'elles avoient auparavant, ce
qui arrive a l'eau plus particulièrement
& plus efficacement qu à quelque autre
chofe humide que ce foit à caufe de û
fimplicité.
Mais quelles que foient les raifons
que j ay données & que Ton pourroit
donner de l'évaporation , il eft certain
qu il s'en fait vne très-grande dafts la
terre & principalement durant l'hiver.
Cela fe voit dans les caves de l'Obler-
vatoirç Royal, où pendant le plus grand
froid la vapeur eft prefque palpable,
& fe convertit en eau contre la voûte
des divers fentiers qui y font d'où on
la voit couler le long des murailles juf-
ques en bas où elle fait de petits ruif-
feaux.
Dans les caves des maifbns de Paris
qui ne (ont pas fi profondes, il Te voit
vne femblable vapeur qui rend humi-
de, & qui fait à la fin pourrir tout ce
qu'on y a mis, les fbûpiraux qu on y fait
ne fervent qu a donner ifRië à cette va-
DES Fontaines. 245
peur, laquelle l'oa voitfornr en hiver,
& des puits auffi comme vne fumée qui
fe gelant aux b3rds de ces Ibupiraux &
de ces puits, y fait vne manière de nei-
ge qui devient eau eji fe fondant.
Le bois quia feiourné quelque temps
dans ces caves , rend beaucoup d eau
quand il eft mis au feu, quoy qu'il ait
efté mis iec dans ces caves , & que
quand il en fort il ne paroilTe point eftre
humide.
Il n'y a pas feulement des vapeurs
humides dans les caves, & dans les puits:
il y en a aufli dans le corps de la Terre
épais & maffif comme il eft.Ce que l'on,
peut juger par les grands arbres plantez
dans des courts de quelques grandes
maiions de cette ville, ils fe nournflèat
& croiflènt tous les jours de plus en
plus j& comme la nournmre ne peut pas
leur venir des pluyes à caufe que ces
courts font pavées à chaux & à ciment,
il faut quelle leur vienne du fond de Ja
terre, & cette nouriture ne peut eftre
autre ehofe que les vapeurs humides
dont je parle , qui s élèvent juiques a la
racine de ces arbres & qui les nour-
nlTent quelque grands qu'ils foient
X iij
24(^ De l'O r I g I n e
Le père François lefuite , dont nous
avons rapporté l'opinion, dit dans fou
livre de la Science des eaux , que dans
lEfclavonie il y a vne Montagne ap-
pelléeOdrnilooft,fur la cime de la quel-
le , comme on toiîilloit pour en tirer
des caillons & des pierres , on arriva à
dix pieds de profondeur , ou on trouva
vn grand & épais banc de caillou, le-
quel ayant efté tiré il s'éleva inconti-
nent vne tres-épaifle fumée de vapeurs
qui fortit par les fentes & ouvertures ,
l'elpace de treize jours, & vingt-cinq
jours après cette fortie , les Fontaines
qui fortant de divers endroits de la mon-
tagne arrofoient toute la campagne in-
férieure tarirent , & ceflànt de couler ,
la terre devint feiche ôc fterile , & en-
fuite les herbes, les arbres,& les eftangs
defleicherent. Il rapporte encore que
les PP . Chartreux de Paris ont vn Mou-
lin à Meudon , à deux lieues de Paris,oii
ayant apperceu vne diminution d'eau
confiderable , & ayant reconnu que la
caufe venoit de ce qu on avoit décou-
vert vne carrière voifine , qui par fes
fentes jettoit quantité de fumées , ils
achetèrent ce lieu . & bouchant les
DES Fontaines. i^r
fautes de la carrière ont rétably Teaudé
leur Moulin.
Ce que rapporte le Père François eft
d autant plus vray-femblable que l'ex-
périence femble le confirmer : car on
remarque que la plufpart des fources
que Ton trouve dans la terre , en les
cherchant & fouillant ne durent pas ft-
long temps que celles qui Torrent na-
turellement ; & leurs eaux diminuent
toujours, tant qu'a la fin ces lources-li
tanflent. Et la raifbn eft , qu^en les
fDÎîillant l'on donne vent à levapora-
tion 5 qui par ce moyen en eil moi^i^
d-e^ & ne tournit pas à la nouvelle
lourcece quelle Feroit n'efrantpasé-
ventée^au lieu que les lources nauireiles
qui ont percé la terre d'elles-meihies
ne reçoivent aucun déchet & conti-
nuent de couler toujours d Vne mefme
forte fans reflentir d'augmentation ou
de diminution que (elon que la matière
de leurs eaux augmente ou diminue
comme je le diray cy après , cependant
fi on vient à les foiiiller & à changer
leurs (orties , fouvent elles fe perdent à
câufe que Tévaporation eft interrom-
pue & altérée , ce qui n'arnveroit pas (i
X iiij
î48 De l'Origine
leurs eaux leui' veiioient en pénétrant
la terre.
On peut donc croire qu il fe fait dans
la terre vne é vaçoration capable de pro-
duire del'eau , foit par la chaleur que le
Soleil y a communiquée & qu'il y en-
tretient, fbit par le froid fon contraire ,
foit par la ièule agitation des parties de
lair qui eft aufll libre dans le fondsde la
terre, dans fes canaux & dans fes pores
mefmes ^ que dehors la terre, foit par
d autres caufes que je puis ne fçavoir
pas, & qui ne font peut-eftre pas vne
de celles-là.
Mais pour revenir à noftrefùjet: La
vapeur de Teau eftant élevée de la forte
du fond de ces Montagnes jufques à
leur fommet, & eftant la arreftée &
fans mouvement , pour ne pouvoir paf-
fer outre, foit a caufè que les canaux
& ouvertures fîniflent quand ils appro-
chent de lalùrfice de la Terre ou qUq,
eft plus déliée & ou fès pores font plus
reflerrez, foit àcaufo du froid de cette
fuperfîcie causé par le froid a^iuel de
l'Hiver qui la reflèrre & qui fait vae
croufte fur tout le defliis, foit par le
froid des nuits aux lieux où il ne gele
DES FON T A INE 5. 249
pas aulTi fouveat qu'en ceux-cy , ou
par celuy que les eaux de la pluye luy
peuvent communiquer , ou par vae
autre caufe qui nous eft mco.muë, cette
vapeur, dis-je^ceflant d'eftre agitée par
le refferrement des pores , & par Ten-
gourdiflenient que luy caufe le froid
quelle rencontre, fe réduit en petites
gouttes d'eau, qui fe joignant les vnes
aux autres & devenant ainfi plus grofles,
defcendent ala fin vers vn lieu plus bas
où elles en trouvent d'autres avec qui
elles le joignent encore , & coulent
tant qu elles rencontrent quelque lit de
glaife qui les arrefte , & qui les conduit
en fe fortifiant toujours par la rencon-
tre quelles ^on.t de nouvelles eaux,
jufques à ce qu elles fe taflent quelque
ouverture fur la pente d'vne Monta-
gne,&c'efl: ce qu onappelle vae four-
ce ou vne fontaine , qui eft plus ou
moins forte félon la capacité des lieux
foufterrains , la qualité des canaux mon-
tans & des pores de la terre, félon l'a-
bondance de Teau qui eft deflbus, la
difpofition de la glaife pour la recevoir,
lafouftenir &la condmre,& félon l'ou-
verture par où elle fort 5 &ce qui taie
à
i^o D E l'O ri gi n e
que toutes ces fortes de fources ioufFrJc
toujours des diminutions durant TE fté,
c eft que la chaleur ouvrant les pores
du demis de la Terre^& donnant parce
moyen paflàge à ces vapeurs , les laifle
monter dans l'air ou elles caufent d?
temps en temps de grands orages , qui
font tomber fur la tei're des eaux , qui
fans cela fe feroient jointes aux autres
qui font dans la terre & auroient em-
pefché la diminution que les fources en
ibufFrent.
Il eft vray qu'il y a beaucoup ds
montagnes & de collines où il n'y a
point de fontaines & de fources : mais
c'eft qu'il ne fe trouve point en ces
Iieux-là de lits de glaife propres &
diipofez pour arrefter ces eaux d'éva-
poration , ou pour les conduire de-
hors ; & que le terrain de la monta-
gne fe trouvant eftre tout de fable ou
iablon , fans lits de glaife , ces vapeurs
eftant montées, l'eau en quoy elles fe
font converties ne pouvant eftre ar-
rcftée defcend jufques en bas flir la
melme eau d'où elle eft oit fortie par
évaporation : de melme qu'on voit que
le couvercle d'vn pot où il y a de l'eau
DE s FO N T A I N ïï s. 1^1
qui bout, laifle écouler de Feau éva-
porée hors le pot par l'extrémité de
Tes bords ou il ne le joint pas , & le
furplus delcend dans le pot meime &
fe méfie avec la mefme eau dont elle
seftoit feparée par évaporation.
Vne autre difficulté fe prefente en-
core , qui eft qu'entre les fontaines
qu'on voit fur le penchant des colluies,
les vnes coulent toujours d'vne force
à peu prés égale , d'autres fouft>ent
de grandes diminutions en Efté &
en Automne , dautres fe feichent en-
tièrement , & d'autres ont des aug-
mentations notables & extraordinai-
res en des années plus qu'en dau-
tres , & enfin qu'il n'y en a point qui
ne fouffre dimmution en Efté.
La caufe de ces inégalitez ,vient de
la diipofition de k glaife continue qui
eft fous les plaines bafles & fous les
montagnes, je veux dire que quand
la pente de cette glaife n eft pas tour-
née vers le courant de la Rivière , &
qu'il fe fait la vne cavité où il de-
meure beaucoup d'eau qui ne peut
s'écouler dans la Rivière avec le refte ,
eu bien qu il fe rencontre quelqu vn
ici De l'Origine
ou plufieurs de ces baflîns dont nous
avons parlé, plus grands quen d'autres
endroits , les eaux qui y demeurent
pouvant fournir aux êvaporations con-
tinuelles , les fources qui en font pro-
duites coulent dVn cours continuel Se
prefque toujours égal , a cauTe qu'il y
a de la matière fuffifànte pour les e i-
tretenir en cet eftat : mais quand cette
glaife a là pente vers la Rivière , &
qu'il n y a que peu de ces baflins , ou
qu ils font petits , ou qu'il n'y en a
point du tout ; & que par ce moyen
l'eau qui eft dans ces (àbles s'écoule
vers la Rivière , & que ces baffins
cftant petits font bien-toft vuidez,
les fontaines en reçoivent des diminu-
tions différentes, & quelquefois tarifa
fent entièrement : comme aufll au
contraire quand l'eau des déborde-
mens des Rivières seft élevée allez
pour entrer dans des bafïins & fur des
lits de glaife plus élevez que les or-
dinaires, ce qui n'arrive pas iouvent;
alors comme il y a vne plus grande
matière pour l'évaporation , les four-
ces en deviennent plus fortes & ont
des écoulemens copieux & abondans
plus qu'à Tordmaire.
D E s FO N T A I N F s. 1^%
Ces lits ds glaife fur lefquels je dis
que s'arrefte l'eau que la vapeur a pro-
duite pourroient faire quelque difficul-
té, & l'on me pourroit dire que tant
s'en faut quil ny ait des fontaines
qu'aux lieux où je' dis qu'il y a de ces
lits de 2;laife, qu'au contraire ce^feroïc
en ces lieux-U qu'il devroit n y en
point avoir , par la raifon que cette
claiie doit vrailemblablement empef-
cher la vapeur de monter plus haut :
car alors l'eau enquoy elle fe leroit
convertie s'écouleroit en bas au lieu
d'où elle eftoit venue en vapeur & ne
feroit ooint de fources. Mais la répon-
fe qu'il y a à cette objedion eft , que
cette glaife eftaiit de mefme tempéra-
ture de chaleur ou de froidure que la
terre qui la fouftient & qui la couvre,
elle n empefche point que la vapeur
la pénètre comme elle a fait l'autre
te-re; cette vapeur continue de moi-
ter jufques à ce quelle ait trouvé ce
qui la peut faire refoudre en eau, &
alors elle defcend fur cette meime glai-
fe qu elle ne peut plus pénétrer eitant
devenue eau comme elle avoit tait
quand elle n eftoit que vapeur. Cela
tt^4' De l'O r I g I n e
le peut aisément comprendre par vne
expérience facile à faire : M.ettez de
leaii dans vn pot, couvrez-le de papier,
& par deflus mettez y Ton couvercle ac-
couftumé 5 faites boiiillir Teau durant
quelque temps , puis oftez le couver-
cle 5 vous verrez que le papier (èra tout
couvert d^eau , & que cette eau ne
pourra pafl'er à travers ce papier pour
tomber dans ce pot : cependant cette
eau eft venue de la vapeur de celle du
pot qui a monté & qui a traversé ce
papier fans aucune dijSculté , à caufe
qu'il eft oit entre leau bouillante & le
couvercle du pot , & qu il s eft trou-
vé de mefiîie température que toute
la capacité du pot jufques à fou cou-
vercle : Mais quand cette vapeur a
rencontré le couvercle dont la tempe-
rature & la folidité différentes de cel-
les de la capacité de ce pot , l'ont fait
convertir en eau ; cette eau defcen-
dant fur ce mefine papier que la va-
peur avoit traversé , s'y arrefte fans
qu'elle puifle le pénétrer , à caufe.
quelle eft vn corps plus épais & plus
ferré que n'efl vne vapeur.
Voilà quelle eft mon opinion de
D E s FON T A I NE s. 05^
l'Origiae des Fontaines , & de quelle
façon je conçoy que le meut cette ma-
chine. Lefyfteme quej'en eftabliseft
d'autant plus à recevoir , à l'exclufioa
de tout ce que fe ibnt imaginé ceux
dont j'ay rapporté les opinions , s'il
meft permis de parler de la forte ,
qu il eft tres-fimpîe & très-naturel. Il
n'y a rien de difficile à entendre , rien
de nouveau à concevoir, nen à (iip-
pofer gratuitement ny parniiracle^
tout eft évident , tout eft commun ,
tout eft connu & receu de tout le mon-
de 5 & peut-eftre auOl que pour cette
railbn Ton me pourra dire que j'ay fait
de grands efforts pour trouver vne cho-
fe ou il n'y avoit point de difficulté.
Q^il n'y a prefque perfonne en ce
tcmps-cy qui ne croye & ne foit per-
{iiadè que les fontaines Ibnt causées
f)ar les eaux de la pluye & des neiges
ondués 3 & qu il importe peu que ce
foient les fontames qui fafTent les ri-
vières , ou que ce foient les rivières
qui faflent les fontaines , puis que les
vaes & les autres viennent de la pluye;
& aufîi , que je ne fuis pas le premier
qui ait parlé de ces grands reiervoirs
t')6 De l'Origine
d'eaux fous la Terre , puis que ceft
la première pensée des Phiîofophes
anciens. Mais ceux qui raifonneront
de la forte feront bien connoiftre le
peu de reflexion qu'ils auront fait fur
cette matière , & combien ils font peu
capables d'en juger. Il eft vray que
le vulgaire , fans que par ce terme )e
veiiille diminuer le mente de ceux
qui fiiivent cette opinion , il eft vray,
dis-je, que le vulgaire & moy n'avons
qu'vn mefme principe : mais la matiè-
re de s en fervir eft bien différente
entre luy & moy. Le vulgaire prend
pour caufe des fontaines les eaux des
pluyes 3 & je fais voir que félon la
manière dont il croit que cela (è fait ^
les eaux des pluyes ne (çauroient y fuf-
fire ny mefine faire couler vne goutte
d'eau par les ouvertures des fources ^ &
moy qui prens aufTi le mefme principe ,
je fais voir qu'il y a des eaux de refte &
cinq fois plus qu'il n'en faut pour y fa-
tisfaire & à tous les déchets pofllbles.
Ce n eft pas aflbz pour expliquer vne
machine que d'en faire connoiftre feu-
lement le principe , vn bon Mechani-
çiea examine jdques à la moindre
corde
D E s FO N T A I NE s. 2^7
Corde , & jufques à la plus petite che-
ville de celle qui luy eft prefentée,
avant quil crove la biea connoiftre,
quelquefois tout le fecret coniTfte dans
la moindre pâme. Seroit-ce aflèz
pour me faire entendre ce que c'eft
quvne horloge que de me dire ieu-
le ment que Ion mouvement eft cause
par \-n reilbrt ou par vn contrepoids, &
qu'il eft aisé de voir que cela eft ainfi ,
puis que quand Tvn ou l'autre manque
îe mouvement cefle ; & que félon qu'ils
font plus ou moins torts ou pefans l'hor--
loge va plus ou m.oins vifte ? De mef-
me que font quelques-vns qui difenr,
que pour preuve que les eaux qui font
dans les puits viennent de La pluve,
c eft que durant la leicherefTe il n^ a.
point d eaux dans les puits , & qu'au-
contraire il y en a beaucoup quand il
a beaucoup plu. Tout cela ne me dit
point ny comment cette eau de pluve
entre dans ces puits , ny auffi com-
ment cette horloge fait marcher (bn
aiguille avec tant de juftefte : com-
ment elle fait former a (on timbre les
heures H à propos, &c. Et comme je
me puis imaginer plufîeurs mDye-is
Y
25B De l'Origine
pour IVn & pour l'autre , ce ne fera
pas par ces priacipes connus que je.
les découvriray. Eft-ce que M' Ha-
guens qui a invente l'horloge à peidu-
le, na rien inventé de nouveau ? Les
gens dont je parle diront que non,
pource que cette manière d'horloge,
diront-ils , eft faite comme vne autre ;
elle a non feulement vn contrepoids
ou vn reflort comme les autres horlo-
ges 5 mais auffi elle a des roues & des
pignons, avec les mefines nombres de
dents que toutes les autres ; & que-
cette petite verge de fer qui va dVn.
coftè & d vn autre , ou eft toute la
différence , eft trop peu de chofe pour
en faire tant de cas & s'écrier comme
Ton fait. Quant à ce qui eft de ces
gi*ands refervoirs d'eaux dont l'anti-
quité a fait mention fous^ le nom de
lacs fouften'ains ; l'oferay dire que ceux
qui en ont parlé ne fçavoient guère
ce qu'ils difoient. Ils vouloient aue ce
fuilent des eaux vives & étemelles ,&
cela eftoit pluftoft vne couverture à
leur ignorance qu'vne venrable pen-
sée fondée fur quelque chofe de folir
de. Auffi Anftote i a coadainnée comr
D E s FO N T A I N E s. ^ 1^9
nie eftaiit lans apparence, &: fi ceux:
cm l'avoieiit avancée reuffeiit conceuc
lis fe lufTeiit mieux expliquez qu'ils
n'ont tait, l'ay fait voir dans la réfle-
xion fur ropinion d'Ariftote que ces
lacs foufterrains eftoient imaginaires
& inutiles pour les lources de h façon
qu'ils font rapportez.
Mais je n'ay rien à répondre a des
gens qui raifonneroient de la lorter
ce n'eft pas d'eux que )'ay entendu
parler au commencement de ce Dii-
cours, quand j'ay dit que je m'efton-
nois pourquoy tant d'habiles perfon-
nages traitoient l'Origine des Fontai-
nes avec vne fi grande négligence , &
pourquoy ils ne mettoient pas vne par-
ne de leur application à cette recher-
che 3 fi de telles perfonnes y avoieiit
pensé plus profondément , ils le fe-
roient avifez aufli-biea que moy de
ce qui m'efi: venu en l'eCprit^ & s'ils
n'en avoienr efté perluadez ils en au-
roient du moins fait la remarque, &
auroient par avance refuté mon para-
doxe. Car fi l'on y prend garde pas
vn de ceux qui ont traité cette matiè-
re, non pas m^elme Lvdiat ar le Pei^
Y 1,
i6o De l'Origine
Schottus , qui en ont éciit de propos
délibéré , ne Ta approfondie ni fait feu-
lement de reflexion fur labondance
ou modicité des eaux des pluyes , ny
fongê ce qu elles peuvent devenir , ny
fur ces eaux douces qu on trouve par
tout fous les plaines bafTes & dans le
tond des montagnes j pas vn n'a voulu
examiner la poilîbilité de cette pré-
tendue pénétration de la Terre par les
eaux de la pluye, ny confîderer de
prés ces prétendues Iburces du fond de
la Mer & des Rivières , & tant d'au-
tres circonftances que je nay pas re-
marquées , & quaflurément ils au-
roient découvertes pluftoft que moy
s'ils y avoient apporté le memie foin
avec lequel ils font leurs obiervations
iur toutes fortes de chofes ; Car quoy
que je me fois peut-eftre un peu trop
eftendu fiir cette matière , j enay laifsè
encore à dire plus que je n'en ay dit,
que j ay retranché , pour abréger va
Difcours quin eft déjaque trop long.
Qupy qu'il en foit il me fuffit d eftre
en quelque forte venu à bout de mon
deflèin , & d avoir fait voir contre To-
pinion de la meilleure Philofophie,
DESFONTAINES. 2(^t
que les Fontaines peuvent eftre pro-
duites par les pluyes , & d*en avoir
imaginé la manière & expliqué les
moyens ; & enfin d avoir eftably ce
paradoxe que j ay avancé dés le com-
mencement de mon opimon : que les
Fontaines ne font point la cau/e des
Riyieres : mais que ce font les Riyieres
qui font la caufe des Fontaines , & que
\ s'il ny ayoit point de Riyieres il ny
! auroit point de Fontaines, Cette pro-
pofition n a point encore efté avancée
par perfonne que je fçache ; & tout ce
quil y a de Philolophes a tellement
cru le contraire , que quand ils ont par-
lé de rOrigme des Fontaines ils ont
entendu parler auflî de celles des Ri-
vières, comme les Rivières ne pouvant
ny avoir naiflance , ny fubfifter Tans
les Fontaines.
a Platon dit que les eaux de fbn Ba-
ratre ou Tartare s'élèvent jufques aux
fontaines qu'elles font couler , & par
confequent les rivières.
b Ariftote , que plufieurs petites fon-
éln Thœd. Per fofdem canales exundare iude adfonte»
• rfque, itaque fluvios gignere.
y Vbi plur»s coierinc fontes majores procreare ex qui-
bui auvioU primu» dicuncur,ac deinceps flumina magoa
2(?î De l'Origine
taines aflemblées en forment de plu?
grandes d'où font produits de petits
neuves , qui dans la fuite & par la ren-
contre de plufieurs autres fleuves fem-
blables , deviennent de très- grands
fleuves.
c Epicure dit auffi que les plus grands
fleuves font caufezpar lesécoulenieas
des fontaines, quoy que petites chacune
en particulier , & qui dépendant des
montagnes fe rencontrent & font enfin
vn feul fleuve.
d Cardan, que les eaux fe joignant
dedans & dehors la Terre coulent en
ruifleaux , & que plufieurs fe rencon-
trant & fe joignant enfemble font vn
fleuve.
€ Molina , que les fleuves font faits
par les fontaines.
Lydiat dans (on Traité qui porte
pour titre ^ de l'Origme des Fontaines ,
ex plurium pluriumque acceflîone fiant.
e Diog. Laercedans Gaffenit p. yx. Caetera autem majo-
ra fluenta> ex hifce, tametfi figillatim paruis creancur,
dum in convalles multas defluunt , & harum alix in alias
abeunt , inque vnum tandem alveum coalefcunt.
d Cari, de fubtilitAte l. z. pAg. iij, Senfim igitur inrra
extraque rivuli coafta aqua effluunc , atque muiti in
VJium coeuntes flumen efîiciunt.
« Fontes exquibus conficiuntur flumina.
DES Fontaines. k^^
parle indifféremment des fontaines (3c
ce des rivières.
aLoÇTius dit, que les fleuves font
Câulez par la rencontre de plufîeurs
fontaines qui s'aflemblent & le joi-
gnent enfemble.
b M' Defcartes, que pluficurs ruif-
feaux des fontaines affemblez compo-
fent des fleuves.
c GafTendidit que les fleuves tirent
leur origine des fontaines.
d Schottus dit aufTi que les fontair-
nés font l'origine des fleuves.
€ M' Rohault, que les Rivières font
les amas des fontaines.
f Le Père François , que toutes Iss
eaux ont pour principe l'eau de pluve,
qui eftant tombée dans la terre fe fait
eau de puits , en Ibrtant devient fon-
taine & de fontaine nviere. Il ditaulîi
que les lources font la caufe de tous
a LeJ?:us. Ex fontibus autem in vnum alveum con-
fl jentibus flumina exiftunt.
b Defcttr. p. 119 , Ibi fontes fcaturiunt quorum rivuli
muki fimul congregaci flumina componunt.
c Gajf. p.icyi. De origine fontium àquibus" deincepi
âu'/ii originem ducere dicjncur.
d Schot. p. 9. Fontes qui funt fluminum origines.
e Roh. p. zjo. La piufpart des fourcet »e" tarifent ptinS
& Ut mieru qui en font Ut amat.
164' I^E l'Origine
les amas d'eaux vifibles.
Enfin l'on n auroit jamais fait fi l'on
vouloit rapporter tout ce qu'il y a de
témoignages fiar ce fiijet , tant il eft
confiant que toute la Philofophie an-
cienne & moderne a toujours cru que
les fontaines efiioient le principe des
fleuves ; & c'efl: ce qui efl: caulè que
tous les Philofbphes qui ont parlé
fiir ce fiijet , n'ont point trouvé de plus
grande difficulté que dans la recher-
che de la matière de ces grands écou-
lemens continuels , fiir ce faux princi-
pe que les fontaines en efl: oient la eau-
fe ; & c'efl: ce qui a fait recourir les
vns aux eaux actuelles de la Mer , les
autres à des eaux vives & naturelles
(ans dire quelles elles font, amafiées
dans la terre en grande abondance de
retenues enreferve dans de grands lacs
qu'ils s' 7 font imaginez; les autres à
des convertiflemensde vapairs en eaux
par le moyen des teux foufterrains , ou
de l'élément mefme de l'air en ceîuy
de l'eau; & ce qui les a empefché de
fonger aux eaux des pluyes ^ a efté
qu'ils ne les ont pas eftimées (uffilan-
tes, à caule qu'ils voyoïent qu'il ne
pleuvoir
DE s Font A INE s. :<^5
pîeuvoit pas toujours & que h plus gran-
de partie de ces eaux deiceadoit des
montagnes dans les rivières & delà dans
la Mer , & que le furplus tomboit ou (ur
les plaines baflès , ou elles ne pouvoient
rien contribuer à la produélion des ton-
taines qui font aux lieux élevez , ou bien
tomboit fur les plaines hautes où elle
cftoit confiimée , ou en vapeurs pour
faire d'autres pluyes , ou en nourriture
pour leaçlantes, lesherbes & les arbres.
Mais outre ce faux principe ou lîs
fe font arrêtez , ils fe font encore ima-
giné qu'il v avoit bien plus de fontai-
nes quil n'y en a en effet, ils ont ap-
pelle de ce nom tout ce qu'ils ont veu
d'eaux lortir & couler hors de terre ,
loit au haut des montagnes foit au bas,
ibit dans les plaines , ou au fonds mxf-
nie des Rivières & de la Mer ; en quoy
ils fe font bien mépris , & par la le font
fait de grandes affaires. Car il faut qu'ils
demeurent d'accord qu'il n'y a de vé-
ritables fontaines que celles qui vien-
nent d'vn lieu plus élevé que n'eft le
courant d'vne rivière prochaine • tout
le refl:e doit eftre foupçonné n'eftre
que des écoulement de ces nvieres
Z
2é6 De l'Origine
voifînes 5 qui s écartant dans les fables
à droit & à gauche y rencontrent des
lits de glaife, dont la pente ne fuit pas
celle du lit de la rivière d'où ils for-
tent 5 & qui eftant fouftenus prefque
de niveau par vn long efpace de che-
min, coulent doucement fous la plai- '
ne ou fous la cofte entre les pierres
du tuf 5 & enfin viennent à fortir par
vne ou plufieurs ouvertures qu elles fe
font , & qui le trouvent elq^ en ce
lieu-là beaucoup plus hautes que le
courant de la rivière , ce qui les fait
prendre pour des lources. Il en eft de
mefiîie de ces fources qu'on dit eftre
dans de certains puits dont le fonds eft
plus élevé que le courant prochain des
nvieres , & que par cette raifon Ton ap-
pelle fources ; ce ne font point de vé-
ritables (burces , ce font de ces mef^
mes écoulemens dont on rencontre le
cours dans ces puits 3 celles qu'on trou-
ve dans les mines , au fonds des riviè-
res, & au fonds de la Mer mefme,
font encore moins des fources que les
autres : car ce ne font que des eaux qui
viennent par vn cours naturel , ou des
rivières aalentour , ou des plaines
DESFONTAINES. id/
meirnes qui lont remplies par toute
leur efteiiduê , comme nous avons dit,
des eaux que les rivières leur ont com-
muniquées 5 & qui rencontrant des ca-
naux bien joints , comme il y en a
beaucoup dans la terre , te conduit ent
au fonds de la Mer& des Rivières par
les ouvertures qu elles s'y tont.
Pour faire voir qu'il y a des riviè-
res qui ont des pentes plus fortes que
d'autres , de en des endroits plus qu'en
d autres , je rapporteray icy deux exem-
ples , l'vn eft de la rivière d'Eftam-
pes , diftanre de la ville de Paris d'en-
viron fept lieues, qui entre dans la Ri-
vière de Seine à la ville de Corbeil.
L'on a eu deflein n aguere de tirer des
eaux de cette rivière vn peu au deflus
de fon embouchure pour les condui-
re à Pans , & les livrer fur le haut de
la montagne de (ainte Geneviève, qui
eft élevée de plus de cent pieds au
deflus du courant de la Rivière de Sei-
ne en ce lieu-la. le fçav bien qu on a
voulu trouver de là difficulté au dei-
iein qui en a efté proposé , à ciufe
qu'on prétendoit que la pente a eitoit
pas fuffifante pour livrer ces eaux au
Zi,
z6% Dïï l'Or îGi ne
lieu où Ton le propoioit : mais quand
il y auroit eu quelque chofe à dimi-
nuer de cette élevatioa ( quoy que je
fouftienne qu'il ne faut point de pen-
te pour conduire de 1 eau , & que la
pente ne lert que pour la faire couler
avec plus de vîtefle ) il eft toujours
certain que ces eaux- la pou voient eltre
conduites en vn lieu beaucoup plus
élevé que le courant de la Rivière de
Seine, & aflèz pour à leur (ortie pal-
ier pour vne fource qui auroit paru
prodigieufe à celuy qui n auroit pas
Iceu ce que c euft efté.
L autre exemple eft de la Rivière
d'Orne en Normandie , laquelle a de
pente depuis Argentan jufques à Caeii
trois cens quarante pieds, & fait de
continuelles cafcades. Cette pente a
efté examinée par ordre du Roy , &
fe peut encore aisémeat juftifier par
les moulins qui Ibnt iur cette rivière ,
doat les chutes prouvent cette venté.
Si donc il s'échappoit fous terre des
eaux de ces deux rivières & qu elies y
trouvaflènt quel.]ues canaux favora-
bles , dont la pente feroit plus dju-
ce que celle de ces rivières , & que
DE s Font A ïNE 5. jd'^
ces eaux qui auroient coulé dans ces
canaux , vinflent à lortir iur le pen-
chant de quelque montagne, à la hau-
teur que j'ay dit ou environ , n'appel-
leroit-on pas ces eaux- la des fources,
du moins elles en auroient toutes les
qualitez : elles feroient fraifches & tie-
des en leurs faifons, elles augmente-
roient & diramueroient de melme,
elles feroient claires , nettes & douces,
& fi ces eaux eft oient en abondance,
comme elles le pourroient eftre par la
bonté & heureufe conftrudion de
leurs canaux, ne s'efronneroit-on pas
de cette grande eniifion ? & n auroit-
on pas fujet de douter qu vne évapo-
ration îîmple puft caufer vn fi puif-
fànt effet ?
La difficulté que Ton pourroit faire
feroit flir ces canaux foufterramsdont
il y auroit lieu de douter , & principale-
ment pour ce qui eft de leur fidélité
à confen'er les eaux fans les laifièr é-
couler : mais fi Ton y veut bien pen-
fer, la chofe ne fe trouvera pas fi difïî-
cile qu'il femble , pource qu'il n'efl pas
befoin d'vne fi grande fidélité à ces ca-
naux pour opérer ce que je viens de
Z ùj
270 r> E l'O R I g I N E
dire. le ne parle que des eaux qui
C3ulerit naturellemerit & làns contrain-
te, je ne fiippofe leule-neit quVne
pente moins forte que celle des riviè-
res d 3Û elles font (orties, ce qui (e
peut faire mefme fans canaux. Il n y
a qu à s'imaginer vne longue goutiere
de glaife , ou vn enfoncement dans
celle qui eft continue dans les plaines,
dont la pente foit douce, fur laquelle
Peau coulera tacilement kns s écarter
de cofté ny d'autre : Mais quand mef-
me il faudroit lùopofer des canaux
bien joints & bien fermez, comme en
effet il eft befoin qu'il y en ait de tels
fKour caufer ces prétendues fources dans
e fonds des Rivières & de la Mer ; il
n'y a rien en cela de contraire ny à la
vérité ny à. la vrailemblance. Il y a
aflez de fontaines qui ne peuvent a-
voir d'autre caulè que celle-là. Pier-
re De la Vallée rapporte que dans les
Ifles Strophades , félon le récit que
luy en firent les Religieux qui les ha-
bitent, il y a vne fontaine qui doit
avoir fa fburce dans la Morée , &
qu ds croyent venir de ce lieu de terre
ferme jufques dans ces Ifles par dellbus
DES Fontaines. ^^ i-t
h Mer , pource qu'il Tort afîez loii-
venc avec Teau de cette foiitai'ie des
choies qui ne peuvent venir que de la,
év qu'il ei eft lortv vne t^is vne taiîe
à boire, faite d vue courge garnie d ar-
gent.
Vn célèbre Aftronome de l'Acade-
nue royale m'a dit avoir veu à Mode-
né foiiiller de la terre , où après avoir
creusé vn peu avant Ton rencontra vne
eipecede lablon gras , le-]uel foudaia
s éleva comme fi c euft efté de la pafte,
& enfin fe creva, d'où il lortit de 1 eau
en abondance , laquelle eau Ton fit
monter plus de fix pieds plus haut que
le terrain d'alentour , par le moyen
d\'a tuyau qu'on joignit à ce làbbn
gras.
Tay veu à la campagne deux fon-
taines dans vn pré éloignées Tvne de
J autre d'environ cent toifes , dont on
vouloit faire conduire les eaux dans
va canal au bas de ce pré. Comme
1 on eut fait faire vne tranchée pour
recevoir F eau de celle qui eftoit la
plus haute , Ton vint avertir qu'il n^y
avoit plus d^eau dans l'autre fontaine:
on ie douta de ce que c eftoit , & pour
Z iiij
272 De l*0 r I g I n e
en eftre aflîiré Toa fie refermer la tran-
chée & remettre la première fontaine
en fon premier eftat : alors celle qui
s'eftoit tarie recommença de couler ;
ce que Ton réitéra par plufieurs fois
avec vn femblable liiccés , & cela fe
faifoit avec autant de promtitude & de
facilité que s*il y euft eu communica-
tion de IVne à l'autre par des tuyaux
bien joints.
En Normandie , les Rivières de
Drome & d^Aure le joignent prés de
Bayeux en vn eidroitoû elles feper-'
dent appelle la folFe du foucy^diftantde
la Mer dVne bonne lieue ; ce qui caufe
cette fofTe eft qu'il s eleve en ce Iieu-là
vne colline qui s'oppofe au cours de
ces deux rivières , & les empeichedc
]e continuer vers la Mer , ou elles ne
laiflènt pas daller en paflànt par def^
fous cette colline : ce que Ton juge
3arcc que quand la Mer s eft retirée
'on voit fortir du fonds du rivage à
'oppofite de cette colline beaucoup
d'eau, que l'on croit eftre celle de ces
deux rivières , qui s'élève à gros boiîil-
lons de trois ou quati'e pieds de haut
par des ouvertures qui font dans 1«5
DES Fontaines. 175
pierres dont tout le rivage eft compo-
sé. Cette eau eft douce & fort claire,
& ne fortiroit point à bouillons s il n y
iwoit des canaux fous^ la terre capa-
bles de la tenir enfermée afîez pour la
faire jaillii' comme elle fut , autre-
ment elle couleroit paifiblement Se
fans violence.
Prés de la ville de Vermenton ea
Bourgogne , a vne demy lieue d>a
village nommé Arcy , il y a vne caver-
ne ious terre dVne longueur & d vne
capacité eftonnante: l'on l'appelle les
grottes d'Arcy, a caufe, comme jecroy,
du voifinage de ce lieu , & des con-
gélations différentes & admirables qui
s y voyent en quantité , repreientant
les rocaïUes des grottes de nos jardins.
l'en feray icy vne deicription fomniai-
re qui ne fera pas inutile à monfujet,
ny peut-eftre defagreable à entendre^
& je m'affure que Ion ne fera pas fal-
ché fi ce récit Interrompt la fuite de
mondilcours pour quelque temps, non
plus que je ne l'ay point eftê quand
la curiofité de voir ces grottes m'a fait
détourner de mon chemjn. Ce village
d'Arcy eft fur le bord dVne petite
274 De l'Origine
rivière nommée la Cure , à peu prés
de la force de celle d'Eftamoes. En
ce heu d'Arcy ou le vovent les re^es
dvQ vieux pont ruiné, finit vn graad
demy cercle que le cours de cette ri-
vière a commencé à vn quart de îieuè'
au deflus, &dans lequel elle eiferme
vne portion de terre qui deiiend de
tous les collez vers cette rivière , com-
me font les codes dVn vi^aoble; le
deflus eft plat a Tordinaire r& ce font
des terres labourées & cultivées com-
me ailleurs. A l'endroit où commen-
ce ce demy cercle eft vne grande ar-
cade d environ quinze toifes de large,
dvne roche naturelle, dont le cein-
tre eft comme celuy de l'arche dVa
pont qui auroit Tes deux bafes enfon-
cées dans la terre , & dont on ne ver-
roit que le tiers : cette arcade tient
dvn cofté feulem.ent à vne longue
iuite de rochers efcarpez & afièz hiits
qui bordent la cofte en cet endroit
en remontant félon le cours de la ri-
vière- c'eft par cette arcade que Ion
entre dans ces grottes en traverCmt
quelques brouflàiUes. L entrée n'eft
pas difficile d'abord, mais quand on a
marché quinze ou vingt pas^ le terraia
DES Fontaines. 27Ç
qui s'eleve fous la voûte , laquelle eft
ceirirrée comme l'arcade , oblige à fe
bailler pour pafîer deffous & pour
delcendre iubirement lur le vray ter-
rain ou plattonds de la grotte. Elle
paroift d abord de la largeur de huit
ou dix toiles ; mais fa longueur qui
eft de deux à trois cens toifes , ne
le peut appercevoir à caufe des ténè-
bres de ce lieu quil faut éclairer avec
plufieurs flambeaux. L'on voit feule-
ment que les congélations font fort
blanches comme li elles eftoient de
plaftre. A meiure qu on avance la
voûte femble s'élever, foit quen ef-
fet elle s' eileve , ioit que le terrain
s'abailTe, ou tous les deux eniemble,
en des endroits elle paroifl haute de
vingt pieds , en d'autres de vingt-cinq,
& en d'autres de trente. Il y a deux
chemins pour aller dans le fonds de
cette caverne qui fe rejoignent à tren-
te ou quarante toifes de la ; celuy de
mam gauche eft plus difficile a caufe
des pierres ou congélations qui fer-
ment le paflàge , ôc qui ne lai/îant
qu vne petite ouverture obligent à fe
baiffer beaucoup & à ramper, par ma-
1X76 De l'Origine ^
ni ère de dire , ea pIuiTeurs endroits;
I autre eft plus ouvert & avec moins
d embarras , fi ce n'eft que le fonds
iur lequel l'on chemme eft comme
par tout ailleurs fort inégal à cau^e des
pierres qui y font à toutes fortes de
hauteurs, & qui font broncher lourde-
ment ceux qui 0!it attention à regar-
der les fingulantez de ce lieu ^ & à
caufe au/Tî d' vne terre grafle , humide
& mégale en hauteur qui eft entre
ces pierres , fur laquelle il eft diffi-
cile de s'enipefcher de glifTer. L'é-
lévation, la largeur & la longueur de
cette voûte toute de pierre , font vn
écho ou retentiflement fort agréable
qui fait durer long-temps le bruit qu on
y fait , & qu'on entend comme rouler
bien loin dans la profondeur obfcure
de cette caverne. Toute cette voûte
eft ornée de congélations qui font des
pointes ou culs de lampes de toutes
grofleurs & qui defcendent en bas , les
vnes plus, les autres moins avec vne
diverfité admirable j les coftez en font
ornez auiïî , où s'eftant aflemblées elles
font des avances de temps en temps
fur le chemin qu elles interrompent-
Des Fonaînej. 177
& quand 0.1 les conficlere de prés on y
remarque des ruftiques merveilleufes
qui repreientent des rochers, des mon-
tagnes j des plaines , &c. femblabies ,
comme j'ay dit , à celles qu'on fait
dans les grottes artificielles des jardins,
mais qui n'ont pouit fans comparaifba
la beauté ny le génie de celles-là. Les
congélations qui pendent de la voûte
deicendent quelquefois julqu à terre,
ou s'amaflant & le joignant enitemble
elles font pareillement des corps ou
maflîfs dans le milieu du chemin qui
repreientent auffi de femblabies rufti-
ques ; quelquefois il lèmxble que ce
{oient de ces chapelles qui font dans
quelques paroi <Ies ou il y a des fepul-
chresde noftre Seigneur, ou de celles
où Ion voit attachez & pendus! T en-
tour , des bras , des jambes , des teftes,
des mains de cire & autres marques
de dévotion 5 II femble auflî que ce
HJent des linges de ièrvice , comme
chemifes , aaleçons , chaullettes & au-
ti'es qu on ait eftenduës pour leicher;
quelquefois aufli il femble que cefoient
des pi eces dedrap ou de ierge qui feroiét
attachées en pMeurs rangs à cette
^78 D E L*0 R I G I>r E
voûte Tvne prés de l'autre , & que le
veat feroit mouvoir & fe méfier en-
lemble , d'autres lois ce font comme
des pierres couvertes de petites ondes
de meime que de l'eau qui coule &
qui s'échappe de coPcé & d'autre entre
des pointes de rochers , enfin Ton y
voit des reflemblances de tout ce qu'on
peut s'imaginer , i oit d'hommes, d'a-
nimaux, depoilîons, de fruits, &c. Il
s'y voit auflî des colonnes qu'on diroit
eftre cannelées, posées fur leur pied-
deflal qui s'elevent jufques à la voûte,
ou pluftofl qui en delcendent : car j'y
en ay remarqué vne dont le pied-de-
ftal ne touchoit pas à terre ; & il eft
afTez difficile de concevoir pourquoy ce
pied-deflal efl plus gros que la colon-
ne puis que le tout s'eftant fait par l'eau
qui ef^ defcendué de la voûte , il faloit
que le bas tlift plus menu que le haut,
comme aux pointes qui en delcen-
dent • mais je croy que la grofîeur de
ce pied-deflal vient du rejaillifTement
des gouttes qui avoient tombé a terre
à l'entour de cette colonne , lelcuelles
s'attachant à fa partie baflè la voient
rendue plus grofle que le haut : ces
I
DES Fontaines. 2-p
colonnes ont plus de quinze poulces
de diamètre , & quinze ou vingt pieds
de hauteur. ly ay remarqué vne con-
gélation plus eftrange que ceîles-la ,
c'eft vne portion de colonne attachée
à la voure, à laquellle portion de co-
lonne tient vne manière de Dôme ,
dont cette colonne eft comme la lan-
terne : ce Dôme efl de cinq à iix pieds
de large, creux par dedans comme
vne couppe , de tout onde dedans &
dehors^ il eft ainiî fufpendu en Tair
à fix pieds de terre , fans eftrc foufte-
nu par autre chofe que par cette ma-
nière de lanterne à quoy il eft atta-
ché. Entre ces congélations qui font
contre les coftez de la voûte, il y en
a vne à main droite que Ton remarque
particulièrement : ce font cinq ou fix
gros tuyaux de cinq ou (ix pieds de
haut & de huit ou dix poulces de dia-
mètre, creux par dedans & arrangez
d'alignement l'vn prés de l'autre iàns
le toucher pourtant ; quand on frappe
ces tuyaux avec vn bafton ils rendent
des ions differens & fort agréables ,
que l'écho de la grotte fait durer long-
temps, & pour cela on les appelle des
iSo D E l'O r I g I n e
orgues. Il V a par endroits iiir les C3fi-ez
de certe yoiite lur la gauche des ma-
nières de, cabinets ou cellules , d.iîis
lefquels l'on entre avec quelque pei-
ne 3 I earray dans vn où il y avjit V:ie
efpece de fege & de table tout de
congélation , avec vn petit bafTîn dais
lequel il tomboit de Teau de la voûte ,
cette eau eftoit fort claire & fort agre.i-
ble a boire ^ eiviron eii ce melme lieu
ceux qui nous co.iduiloient , car je
n eftois pas feul , me firent remarquer
vne pierre de congélation élevée de
terre d'e'iviron vn pied ëc demy en
forme de borne ou pain de lucre ,
comme il y en a de femblables en plu-
iîeurs autres endroits de cette grotte ;
fiir le haut de cette borne il tomboit
des gouttes d'eau de temps en temps,
comme leroit la durée d'vne féconde ,
ils me dirent qu'ils ne s'eftoient apper-
ceusde cette congélation nouvelle que
depuis deux ou trois ans. le ne vis
guère tomber d eau de la voûte en
d'autres lieux qu'en ceux que je vieis
de dire, qu3y qud y euft de 1 humi-
dité à la plufpart de ces pointes & cuîs
de lampe 3 & de fait le chemin iur
lequel
DE s Font AINES. îSt
lequel nous marchions neitoit poiat
mouillé ny gafcheux , mais leulemeat
humide , comme il eft ordiiiairemeiit
dans des caves : ce n'eft pas quil ny
ait de l'eau en abondance en quelques
endroits, comme à Tentrée environ
trente toiles avant lor la main droite^
on l'on me fit voir beaucoup d'eau qui
formoit ce qu'ils appellent l'étang, le^
quel commence au milieu de la lar-
geur de la grotte & s'étend a coflé jui-
ques au pied de la voûte qui s'écarte
& s abailTe beaucoup en cet endroit.
Cet eftang peut avoir cin^ toiies d&
large iur quinze ou vingt de longueur 5
je croy que cette eau vient de la ri-
vière qui n'Qïi eft eHoignée que de
cinquante ou ioixante toiles. \'ers le
bout de cette grotte , autant qu'on a
pu y avancer, il fe trouve auflî de
Feau répandue dans de differens bai-
fîns , que forme Tinégalité du plancher
& des pierres de congeianon qui le
eompolentjCe qui raitde la difficulté
aupaflage,& enfin i'emp^lc. :e tout- à-
fait, parce que le terrain .e baifle en cec
endroit & le laille to l- couvrir de l'eau
qui y eft ; mais on ne voit point d'eau.
Aa
lîi De l'O r I g I n e
tomber de h voûte 5 ïon ne fcîiiiroit
dire iî l'on eft proche du bout de cet-
te caverne à caufe de la grande obscu-
rité que la lumière des flambeaux ne
peut furmonter. Cette eau comme
celle de l'eftang eft fort claire , &
de telle forte qu'on fo jetteroit de-
dans a l'on n eftoit averty : mais le pé-
ril ne foroit pas grand , car le pis qui
en pourroit arriver foroit deftre va
peu moiîillè. Toutes ces congélations
font fort blanches, & les figures quel-
les forment font raboteuiès Se couver-
tes de petites élévations , quelquefois
rondes comme celles du chagrin, d'au-
tres fois pointubs & piquantes. Cette
blancheur neft qu vue petite croufte
tendra qui reiTemble à du lucre que
ion met for des fruits ou autre choie,
qui eft facile à emporter. Qo^nd on
cafle quelquvnede ces pointes ellefe
trouve percée par le milieu d'vn bout à
1 autre, & Ton remarque que La m.atiere
s'eft mifo en ro;id a lentour de ce
vuide par les diftcrens cercles qu'elle
marque : de mefmc que les ti'oncs
d'arbres en font voir, autour de leur
maîielle quand on les afoiez. Cette
DE s Font A I NE s. 2^?
madcL-e eft jauiiaftre & quelque pea
femblable a du cr^^ftal ou à du talque
de plaftre ; il eft facile à polir , mais
ce poly n'eft nuUemeat beau a cauie
de la molleiie & de l'inégalité de la
matière , l'on ne voit que quelques
brillans par endroits comme fèroit du
fel. La longueur de cette caverne ne
fe peut juger que par le chemin qu'on
y fait , pource que les congélations
dont j'ay parlé qui deicendent de k
voûte en grande quantité & qui font
ces frequens amas au milieu & aux
coftez j les élévations Se abaiilèm.ens
du terrain ou plancher (iir lequel il
s'eft fait auffi d'autres congélations,
qui ne reprefenteni: que des pierres
roulées ça & la ou des bornes: tout
cela empefche la veue de le porter
bien loin, & ces embarras ne font pas
dei agréables, au contraire ils donnent
vne grande magnificence à cette grot-
te par la variété furprenante de tant
de ngures différentes qui lepreientent
de tous coftez. Il y a vn endroit de
cette voûte ou il n y a point de con-
gélations & ou elle paroift de pierre
fort vnie fans ceintre , couverte d vne
Aa i)
28+ De l'Origi ne
petite broderie de quelque matière
plus brune, & de relief, à petits com-
partime;is ou guilbchis, A peu prés
comme les traces que foat des vers
fur le bois eatre le troïc & Tecorce,
& que Ton V3it quand on levé cette
écorcelors qu'elle efl à demy pourriez
Ton ne peut pas juger de quelle ma-
tière eft cette broderie à caufe de la
grande élévation de la voûte en cet
endroit qui eft auffi fort vafte; Ton
l'appelle la fale du bal , ou de Mon-
fieur le Prince , qui a voulu luy doi-
ner C^n nom , à ce que dii oient nos
guides. Lair de cette grotte eft fort
tempéré, il n'eft ny chaud nv froid,
ny lec ny humide, & 1 on y peut de-
meurer long-temps fans eftre incom-
modé. Taurois bien defiré examiner
toutes ces rarerez avec plus de foin :
mais il y avoit en noftre compagnie
vne femme & vne fille , àjix IVne
moins hardie que Tautre & vn peu m-
difposée , ne voulut guère avancer dans
ce lieu ténébreux , auiïi s en rerour-
na-t-elle bien-toft après avec l'équi-
page & Tefcorte à l'entrée de la grot-
te. La fille plus courageufe ne voulut
DESF0NTATNE5. 285
point nous quitter : mais fjn peu de
dilpDlition à vne fatigue coaime celle
de marcher fur vn cliemin auHi rade
que celuy-là, avec vne chaufTure telle
que ce beau fexe la porte j ck le peu
de curiofité pour ces fortes de cho.es
qui ne Ibnt guère de le^or gouft , luy
caulèrent à la fia des impatiences , à
quoy il falut avox égard Ôc la tirer le
plus promtement qu'il nous fut pofïî-
ble de cet épouvai-table cachot: nous
demeurafmes cependant plus dVne
heure à aller & A revenir , quel :]ue di-
ligence que nous fi^iois. L'on nous
fit remarquer vne chofe aflèz particu-
lière. Il y avdt autrefois des chauve-
fouris en grande quantité dans cette
grotte dont elles ont peut-eftre efté
chafsées, & de fait nous nenvilmes
qu vne feule. Ces animaux pendant
qu'ils y faifoient leur retraite avoient
ioin de faire ;leur cnrdure tous ei vu
melme endroit, qiu eft environ àtrca-
te toifes de Tentrée où il fe voit vi
amas de leur fumier de plus de cin]
pieds de haut , & que vingt tombe-
reaux ne pourroient pas vuider ; i oii
n^a voit point par tau ailleurs. Voix
tU D t l'O r I gi ne
me fit encore remarquer qu'à vn cer-
tain endroit de cette longue caverne
environ au milieu , il y a vne ouvertu-
re à vn des coftezd^ environ troispieds
de diamètre , & vne autre ouverture
pareille à loppolite vn peu en biaiiair,
par lefquelles nos guides nous dirent
qu'il pafloit quelquefois vn torrent
qui traverfoit la caverne. ~
Cette grotte, à cer que j'av pu juger,
traverfè fous terre la code que j ay dit,
que la Rivière eivironne a vn demy
cercle. Et en CiFet, nos guides après
nous avoir nondrè le chemin iiir le
bord de la Rivière en tournant , nous
quitte-eat pour prendre le plus court,
& montant fur la colline en traverle-
rent le delTus de droit fil, marquant
ainfi le diamètre de ce demy cercle j
&nous trouvafmes qu'ils eftoient arri-
vez à la grotte avant nous. le luis aflîi-
ré que fi Ton faiioit entrer cette Ri-
vière dans cetce grotte, par l'arcade
par laquelle nous y entrafmes , elle lor-
tiroit à Arcy & rentreroit dans fon lit,
laiiTant à (ec celuy qui décrit ce demy
cercle. le croy aulTi que cette ouver-
ture par laquelle palFe quelquei'ois ce
DES Fontaines. 2S7
torreat, eft vn conduit plus petit qui
reçoit des eaux de cette Rivière quand
elle eft haute, & qui les meine dans
la Rivière melrne quelque part plus
bas , ou qui fait quelque Fontaine &
écoulement d'eau en quelque endroit
de ce pays-là qui m'eft inconnu.
Ces grottes d'Arcy me font ibuve-
nir d'vne caverne ou grotte qui eft dans
vne iflede l'Archipel nommée Antipa-
roSjdont j'ayveu la Relation taite de-
puis peu. La grandeur de cette gratte
eft en largeur Se en protondeur dans
terre, & il y a des congélations com-
me en celle d'Arcy : il y a des pointes
qui deicendent de la voûte , des colon-
nes , des bornes , des cabinets , des or-
giTes,des figures d'hommes, d'animaux,
de fleurs, de ivum , de draperie, &
de la broderie en quelques endroits,
(XC. La différence eft que la matière
en eft plus dure & plus femblable à du
cryftal , & que les pierres font de
marbre.
Puis que nous enfonimes fiirce fu-
jet, je dirav encore cecy. Auprès de la
ville de Meaux il y a vne grofîe ro-
che , de laquelle fort vn nuiieau d'eau
iU De VOrigine
fort claire & extrêmement frairche?
cette roche eftoit autrefois toute foli-
de, & il nen fortoit point d'eau. Il ar-
riva qu'en l'année t6i2,oi\t6t9, cette
roche fut cafîee par le moyen dVn
fourneau ou mine avec de la poudre à
canon , pour avoir de la pierre pour en
bâtir va Monaftere de Prez de Cregy.
Cette roche eftant caflee il en i'ortit de
l'eau en grande abondance , qui fit va
fort ruifleau qui coule encore, & parut
en cet endroit vne caverne remplie
de pierres congelées d' vne grande beau-
té: & c'eft de ces pierres cingelées
ou eft faite vie grande niche en ru-
ftique au jardin de Ruel, au bout de
l'allée delà cafcade&âloppolite. Ces
pierres font fort dures , & lemblables
â des agates brutes. L'on trouva aulïi
dans cette caverne des fruits pétrifiez,
comme ooires , pommes , raifins , & au-
tres chofes femblâb^es. Cette caverne
où Ton ne peut entrer A caufe de l'eau
qui en f3rt , efl- probablement la fin
d'vn canal pierreux lous terre , qui
prend de Teau plus haut à la rivière de
Marne poiv la conduire ei ce Ueu-li:
& peut-ellre que ce melme ruifeu:
couloit
DES Fontaines. 28p
couloit il y a long-temps comme il fait
à preient: mais que par fuccefTi on de
temps & par la dilpofition de leau &
de la terre du lieu , il s^eft fait tant de
pierre a la fortie de ce canal qu'enfin
il en a efte bouché tout-à-fait , & peut-
eftre aufTi qu'il le refermera encore
quelque jour par la mefme raifon ; &
il l'on venoit à l'ouvrir de mefnie qu'on
a fait , je croy qu'on y trouveroit de
femblables pétrifications de fruits &
autres choies ; pource que la beauté de
cette grotte & la traifcheur de Ion eau
y attirent alTez de gens pour s'y diver-
tir, qui peuvent y jetterde femblables
chofes dedans.
Pour revenir donc à noftre premier
difcours ôc apphquer ce que nous ve-
nons de dire à noftre fujet ^ il eft con-
fiant qu il y a des canaux dans la terre
capables de recevoir des eaux & de
les conduire , fans qu'on s'en apper-
çoive , en des lieux éloignez, & il ne
faut point douter que ces deux Riviè-
res en Normandie qui s'alTemblent à
la fofle du Soucy , ïiQn trouvent là de
femblables , qui les conduisent à la Mer
par deflbus la coliuae qui s'oppofe à
Bb
290 De l'Or i g i n e
leur cours. Et pour parler encore de
la peneLration prétendue de la terre
par l'eau de la pluye ; ce que ) ay re-
marqué aux grottes d'Arcy , fait bien
voir qu elle n eft pas fi facile qu on le
dit : car il ne tomboit de l'eau qu en
deux ou trois endroits de cette longue
caverne ; & quand j y fus il y avoit plus
d'vn mois quil pleuvoit continuelle-
ment , & mefme il pleuvoit encore
dans le mefme temps que j'y eftois.
Si pourtant on vouloit conclure en fa-
veur de cette pénétration , à caufe que
ces congélations ne font faites que des
eaux qui ont traversé la terre de def-
fus , & qui en diftillant dans cette grot-
te ont emmené avec elles le fel pier-
reux dont elle eft remplie ; je diray
deux chofes. La première que le ter-
rain de deflus n'ayant gue^e d'épaif-
feur , peut facilement eftre traversé par
la pluye : outre que probablement il
eft remply de pierres & de rochers :
comme c eft la difpofition de tout le
pays , & comme ce fel dont je viens de
parler le tait connoiftre , qui donnent
aisément paffage aux eaux du ciel;
l'autre , que quand le terrain aç feroit
D î s FO N T A r NI s. îpi
point pierreux comme je leluppofe, le
peu a eau qui tombe de la voûte fait
bien VOLT la difficulté qu^elIe a pour le
pénétrer & qu'il n'en tombe guère en
beaucoup de temps , ce qui ne ièroi:
pas capable de faire vne iburce.
Il eft donc croyable , comme j'ay
dit 5 qu'il y a des conduits dans la
terre qui peuvent conlerver les eaux
qui V partent 5 avec autant de ieiu'eté
& de facilité qu'il en faut pour les
faire fortir en divers lieux quoy qu é-
Toignez.
L'on peut donc dire aufTi qu'il n'y
a pas tant de fontaines que Ton s'ima-
gine ; & Que fi de toutes celles à lui
Ion donne cenom_, o i en retranchoit
celles qui peuvent eftre foupçonnées
venir de ces écoulemens de nvjeres , il
n'en refteroit guère qu on puft appel-
ler ventablement fontaines ; & fi l'on
obfen'e avec (oin les rivières^ les lacs
& les eftangs , leur hauteur lv leur fi-
tuation , beaucoup de fontaines renom-
mées & quon regarde avec efionne-
ment perdront ce nom : car il eft cer-
tain que iur les montagnes , entre, les
vallons 3 il y a fouvent de ces amas
Bb 1)
îp2 De l'Origine
d eaux à toutes fortes de hauteurs qui
pourroient bien leur donner naiflànce.
Si donc il refte fi peu de véritables
fontaines, il eft aisé de croire que cel-
les qui mentent ce nom peuvent eftre
causées par des vapeurs réduites en
eau , & cela d'autant plus que celles
qui font de cette qualité ne font pas
copieufes & abondantes : car quand on
confiderera quvn nuage qui le iera
formé en Fair en deux heures de temps,
lequel n eft composé que de vapeurs
de la terre , produit des pluyes qui
inondent tout vn pais , Ton pourra s'i-
maginer qu il le peut faire la mefinc
chofe (ous la terre, & que n'y ayant
pas les divers changçmens & agitations
dans ces lieux cachez & retirez , qu il
y a dans Tair : ces vapeurs qui montent
continuellement de ces eaux qui Ibnt
enbas , peuvent aufTi fe condenfer &
fe convertir de melme & encore plus
facilement en eau , & caufer ces écou-
lemens continuels des fontaines tels
qu'on les voit en plufieurs lieux.
Car fi l'on confidere de quelle fa-
çon les nues (e font dans l'air, & en
lùite commeat elles y produifent la
Des Fontaines. 2^5
pliiye, il fera facile de s'imaginer com-
ment la mefme chofe fe peut faire au
dedans de la terre.
l'ay afl'ez fouvent obfervé que lors
que le ciel ou Pair eft netdVa bout
a l'autre , & qu'il n'a point de nues ,
le bleu en eft ordinairement pafle ; &
Il Ion y veut bien prendre garde , il
paroift trouble & brouillé, au lieu que
quand il eft remply de gros nuages ,
comme de gros pelottons deeotton ou
de laine, le bleu que l'oi voit entre
les nues paroift plus vif & d'vne cou-
leur plus foncée.
le fçay bien que Ton me peut dire
que cette couleur bleue eft toujours
égale , & que R elle paroift foibîe
quand il n'y a point de nues , ceft que
la grande lumière du Soleil ébloliit &
fait fur elle , ce quelle fait ftir vue
chandelle allumée qui na nulle clarté
quand elle luy eft exposée , & qui
(emble reprendre là vigueur quand on
la met dans quelque lieu obicur ^ &
que par cette raifon le bleu de l'air pa-
roift plus foible dans cette grande lu-
mière , & plus fort lors qu'il eft veu
entre ces grofTes nues , qui luv faifant
Bb iij
ip4* D^ l'Origine
quelque ombre femblent luy rendre Ql
couleur plus vive , à quoy melme Top-
pofîtionde la «grande blancheur des nues
peut iervir de beaucoup, & qu'amfi cet-
te différence de couleur neft qu appa-
rente.
Mais cette raifon ne fàtisfait pas,
pource que (i cela eftoit de la forte ,
& que la grande lumière du Soleil avec
Toppofition de la blancheur des nues
en pelottons fiflenc cette différence ;
l'on devroit voir Pair dans (à véritable
couleur, en le regardant de dedans vu
lieu obfcur ou cette lumière nebloiiit
pas les yeux , & en le comparant à
quelque blancheur voifîne , comme
de quelque baftiment furquoy le So-
leil jetrer oit Tes rayons , ce que Tex-
pene;ice fait voir neftre point. Lon
devroit pareillement le voir pafle quand
il y a de ces nues en pelottons , de
mefme que quand il ny en a poiat,
pource que le bleu de l'air n eft cause
ques par la grande épaiffeur j 8c com-
me cette épaifleur depuic la terre juf-
que aux nuées neft pas (uffîfante pour
caufer cette couleur vive, puis que les
nues ne nous paroiflent pas bleues j il
Dïïs Fontaines. spç
faut ^Liecere couleur bleue vienne de
toute 1 epailleur de Tair dais toute loa
étendue, ^-ui va beaucDup au defîus
des nu :s , ou la lumière e-lant toujours
égaie -le doit pas éblouir davantage en
vn temps qu'en va autre. Ce n eft
donc point nv de la trop grande lu-
mière du Soleil nv de lombre des
nues , ny de 1 oppofitioii de leur cou-
leur blanche que la couleur bleue de
Tair eft plus ou moins vive.
lay fait encore vne autre remarque,
qui eft que quand les nues ioiit en
pelottons, quelquefois elles fe diffi-
pent & deviennent a rien 5 en forte
que i\ Ion veut prendre la peine & la
patience de regarder attentivement
vne des plus petites nues pendant trois
ou quatre minutes feulement , Ton
verra que fa figure fe changera , &
qu'a la Hn ellesevanoiiira, fans fc avoir
ce qu elle fera devenue • & lors que
cela fe fait le bleu de l'air qui aupara-
vant eftoit Vif & foncé devient pafle
& trouble.
lay remarqué aufTi que quelque-
fois le contraire arrive : car vne petite
nue qui paroiftra feule au milieu du
Bb iiij
ip6 D E l'O r I g I n e
cieljfè grofTira, & s'eftendra de telle
lorte qu au bout dVne heure elle cou-
vnra tout rHorifon ; & cet accroifle-
ment fe fait imperceptiblement fans
qu'on puifie juger d ou il vient : l'en
ay fait la remarque vne fois entre au-
tres où vne petite nue que j'a vois ob-
fèrvée i'eule au milieu du ciel , & dont
la figure aflez particulière avoit attiré
mon attention , s accreut & s'eftendit
par Tefpace d vne heure ou environ ,
de telle forte que non feulement elle
couvrit tout l'Horifon: mais aufïi elle
donna vne pluve qui dura toute la nuit,
ce qui me fit fouvenir de cette petite
nue que le Prophète Helie vit s élever
de la Mer lors qu'il fit pleuvoir en
Samarie après vne longue feicherefîe,
laquelle s'accreut fi tort en peu de
temps qu elle couvrit tout le ciel & le
rendit obfcur, comme remarque l'E-
criture; & le Rov Achab fut averty
par le Prophète de fe retirer promte-
nient avec Ion chariot de peur d'eftre
fîirpris par cette grande pluye. Le Pro-
phète dit que cette nue avoit la figu^
re du pied ou velige d'vn homme;
de ( fij ofe parler comme luy ) celle
DES Font AINES. 197
aue je vis avoit la figure d'vne vergette
a nertover des habits , & ne paroiffoit
pas avoir plus de deux pieds de hauteur.
Qm voudra fe doaaer la patience de
faire de femb labiés obiervations daas
les reilcoatres, verra que ce que je dis
des nues tait en décroiflemerit qu'en
accroiflement eft véritable.
La confequence que je tire de ces
obfervations, eft que Tair eft toujours
remplvde vapeurs , & que quand on le
voit fans nues & vn peu pafle & brouil-
lé, c eft que les vapeurs font ditpersées
&- efteiduës également par toute la
capacité ; & quand il paroift plus brun
& qu'il y a des nues en pelottons , c'eft
que les vapeurs font ramafsées enfem-
ble en plufieurs monceaux.
Ce qui me porte à croire cediiper-
fement vniverfel de vapeurs dans tou-
te l'eftenduë de lair , eft première-
ment, que quand le ciel eft net, &
qu'il ne paroift y avoir aucunes nues ;
il ne laifie pas de faire du vent affez
fouvent, & quelquefois fort véhément :
or ce vent n eft autre chofe que des
vapeurs dilatées j il y a donc des va-
peurs dans lair que Ion ne voit pas ;
!2p8 De l'Origine
car il n'y a pas lieu de dire que ces
vapeurs vie inent de loin & dVii air
où il y a des nues qui les eigendreat,
source que ces vents- la les auroieit
)ie!i-toft amenées , quel ue part qu el-
.es fuflent ; & neaim 3insces veits du-
rent quel ]uefDis pluf'eurs j^urs , pei-
da it lelquels lair c 3 itinuë d'eftre let
& fe^'ein. Secon.ie ne.it qua id l air elt
net de nuis, Foi voit qu'au matin &
au !bir avant le lever & après le cou-
cher du Soleil , lur rHorifon à l'oppo-
fite du Soleil, lair preiddes couleurs
de rju^e, de violet & de bleu, telle-
nieit bien me fiées Tvne à l'autre & à
tout le ren:e de lair, qu'il eft impoP-
fible de remarquer où vne couleur
commence & ou elle fiait. Or ces
couleurs ne font autre chofe que la
reHexion ou réfraction que les rayons
du Soleil déjà couché ,'OU non encore
levé, font iiir les vapeurs qui font dans
lair , de melme qu il fait tlir les nues
quand il y en a , lefquelles couleurs
font niiées les vnes aux autres avec
grande égalité, par la raifon que les
vapeurs iont eftendués & difpersées
auffi avec égalité dans toute la capacité
de l'air.
D ^ s F o N r A I N p s. 299
Le nouveau Baro-nerre deMonfieur
Hugue 15 tait vjir eacoi^e ailez claire-
mearce oue je dis. Ce Baron er;e ]ui
marjue plus exademeat lv plus vili-
blemeat que pas vn autre qu'oa ait eu
jui'iues à prefeac , les diverles pefai-
teurs de Tair , tait voir que lors que le
ciel eft lerein c eft lors que lair eft le
plus pelant; & que lors qu'il le dilpo-
fe à la pluye ou au veut , il paroift
plus îeger. La cauie de cela eft, que
lors que le ciel eft ferein , les vapeurs
humides font difpersées dans toute la
fubftance de Tair & ne font qu vn corps
avec luy, & ajoufte^t à fa pelànteiir
naturelle la leur progre, en force |u é-
tant incorporées eniemble elles agil-
fent fur le mercure & fur l'eau dont
eft composé le Baromètre , avec toute
la pefanteur que Ivn & l'autre peu-
vent avoir : m'ais quand ces vapeurs ie
raiTèmblent& deviennent^nuèes , elles
ne rendent plus l'air pelant, pource
qu elles n'v lont plus incorporées ; &
lair devenant amli plus léger ne pefe
plus fur le mercure & fur l'eau , com-
me il faifoit quand il eft oit meflé &
Yny avec bs vapeurs.
300 De l'Origine
Les caufes de ce dirperfement Se de
ce ramaflemeiit de vapeurs ( (i ces mors
fè peuvent dire ) font afliirémeat na-
turelles : mais Tvne eft plus connue que
l'autre. L'on ne doute guère que îa-
gitation des parties de Tair , qui eft
vniverfelle dans tout (o.i corps, ne di(-
fïpe les vapeurs que la terre envoyé
& ne les divilè en autant de parcelles
qu il eft luy-meirne divisé • & quainfi
il ncn (oit à la fin tout remply: mais
il n'eft pas trop connu , comment &
par quelle railon ces vapeurs divisées
fe peuvent ramafîer enfemble , fe ren-
dre vifibles , & former vn corps com-
me font les nues , capable d arrefter la
lumière du Soleil ; & commentée mou-
vement des parties de lair qui a efté
(uflîGnt pourdifîîper ces vapeurs, ceiîe
quelquefois de leftre , & permet que
ce qu il avoit feparé le raflemble & fe
ramafle julques à retouriier en Ion pre-
mier corps. Cette caufe eft tellement
cachée, que nonobftant. le Baromete
dont je viens de parler il eft impofïl-
ble de dire précifement quand il doit
pleuvoir : cependant quoy que cette
caufe foit entièrement cachée , 1 eiFet
DE s FON T A I N E s. ^01
ne laifle pas d eftre fore connu , & per-
fonne ne doute que la pluye ne vien-
ne des Ta'Xurs de la Texe élevées en
l'air , qui eHant rair-a.e es eniemble Se
épaifTies , re:)remieT.t leur première for-
me & C3n(trre.ice d'aai , & par leur
pelanteur defcendeat enbas & font la
pluve.
Si Ton veut donc fe fervir des re-
marques que nous venons de faire fur
ce qui le fait dans 1 air, il iera aisé de
concevoir comment pareille choie le
peut faire dans la terre, en s'imagmant
quelle eft remplie de vapeurs au de-
dans , & que tout fon corps , je veux
dire depuis le lieu bas ou l'eau s'eft
retirée & ramafsée jufqua la fuper-
fîcie , eft toujours humide en quelque
endroit qu'on puiflè l'ouvrir^ com-
me je lay déjà dit ; Que ces va-
peurs font plus êpaifiès en vn endroit
qu'en vn autre, félon la matière qui
les produit : Que ces mefmes vapeurs
fe convertilTent en eiiu en plus ou moins
d'abondance félon que la caufe en eft
plus ou m.oms forte j & enfin que cet-
te eau defcend aux lieux bas par fa
pelanteur naturelle qu'elle reprend
302 De l'Or i gt ne
avec (à première forme : Qa^on peut
croire qu'il y a dans la terre comme
dans lair quelque chofe qui condenfe
ces vapeurs & les réduit en eau , & que
cette condenlàtion, quoy que non con-
nue, ne laifie pas d^eftre & dagir dans
la terre comme dans l'air , avec cette
différence néanmoins, qu ellen eft pas
exposée aux changemens & incon-
ftances de l'air, ou la chaleur du Soleil
hafte ou retarde, augmente, diminue
ou altère cette condenfation , & fait
les incertitudes & inègalitez des pluyes,
& où les vents cha fient les nues qui
en font causées , pour donner de la
pluye en d autres lieux eue ceux oii
les vapeurs avoient efté excitées: ce
qui n eft pas delà forte dans des lieux
auflî cachez ôc autant à labry que
ceux-là : auflî ce convertiflement de
vapeurs en eau s'y fait avec vne régula-
rité & vniformitè continuelle comme
celle avec laquelle 1 on void que les
véritables fontaines coulent ^ & c eft,
ce me femble, de cette forte quefeau
(e peut engendrer dans la Terre pour
les produire.
Mais pour reprendre la fuite de
DES Fontaines. 305
noflre difcours, s'il eft vray, après les
remarques que jay faites , oue les fon-
taines ne font pas la cauledes rivières,
comme la cru toute laPhilofophie, &
que tout ce qu on appelle tonraine ne
lefl- pas ; je puis dire que par le moyen
dont je conçoy que fe meut la machi-
ne des iontames, je trouve la folunon
aux difficultez qui ont donné le plus
de peine a tous les Philo!ophes.
Car par ce moyenje trouve des eaux
en abondance fous toute la iurface de
la Terre , de c eft ce qu'ils ont vaine-
ment cherché dans les eaux de la Mer,
qu ils ont fupposé eftre répandues de
mefme par tout.
Par ce moyen il n'eft point befoin
de ce feu foufterram & vniverfel , que
d autres le font imaginé , pour changer
en vapeur les eaux de la Mer, ny de
les faire pafTer par tant de fortes de
terres , pour leur taire quitter leur iel
& leur amertume.
Par ce moven il neft point befbiti
de faire faire de h grands eitorts au re-
flux de la Mer pour pouiTer fes eaux
jufques au fommet des montagnes,
comme d'autres ont voulu , ny à vae
304 D E L*0 RI G I N E
infinité de canaux de la terre pour les
canierver fidellement entermèes du-
rant de fi longs chemins.
Par ce moyen il n'eft point befoin
auflî de luppofer des vertus & des pro-
prietez particulières aux aftres , & en-
core moms d avoir recours à des mira-
cles nouveaux pour les i^aire mouvoir.
Les eaux que fay trouvées font au lieu
où leur pefànteur les a appellées 3 elles
y font en abondance , lans fel ny amer-
tume , & le iPiOuvement que je leur
donne eft naturel , elles fè partagent
librement & lans contrainte, les vnes
vont vers les rivières par la pente de la
terre qui les fouftient ^ les autres s'ê-
levent au haut des montagnes par éva-
poration , & s'eftant enfin réiinies le
rendent à la Mer d'où elles eftoient
Ibrties en vapeurs.
Par ce moyen je refous la difScultê
remarquée fur l'opinion de Lydiat , de
DuHaniel, de Defcartes , de Schottus,
& de R ohault , touchant le deflâlement
de toute la Mer , en y faiiànt entrer
autant d eaux douces par les rivières
qu'il en peut fortir par Tévaporatioa
caiitinuelle que le Soleil & 1 air peu-
vent
D E s Font A I N E s. 505
Teat caulèr, lans que le fel delà Mer
foit au hazard de demeurer dans le
corps de la terre fans pouvoir retour-
ner à la Mer.
Par là ) explioue le pafTage de l'Ec-
cleliafte , ( s'il eft permis de s'en ferv^ir
icy) avec moms de peine que tous
ceux qui 1 ont allégué • oc parla lena-
vance rien qui loit contraire à la ma-
nière ordinaire dont la Nature ie fert
en toutes les opérations , qui eft de les
faire avec fimp licite lans peine & ians
embarras.
L'on fait plufîeurs objections à ceux
qui ont traité de l'Origine des Fontai-
nes, aufquelles, quov que )'en traite
aufli , je pourrois n eftre pas obligé de
répondre , acaufe que mon opinion eft
entièrement différente de la^leur;&
que ce qui caufe les difficultez qu'on
leur objecfle ne fe trouve pas dans le
fvfteme que ]'enay eftabiv. La caufe
de cela eft que, ( comme je diTois n'a-
gueres ) ds ont cru que les .ontaines
cftoient la caufe des nvi^ es & des
fleuves, & qu'il y avoi b ei plus de
fontaines qu'il i-iy e i a en effet. Et
comme ils ne donnent point d'autre
Ce
^06 De l'O r I g I n e
Î)rincipeà leurs fontaines, &parcon-
èquent à leurs rivières & à leurs fleu-
ves , que des eaux produites par éva-
poration > & que ce principe qui n'ayant
àeffet que par la continuation de Ton
adion , n*eft pas capable ny fuffifant
pour produire lubitement des eaux en
grande abondance comme il en faut
pour fournir aux prodigieux écoule-
mens de tous les fleuves du Monde ;
ils ont bien de la peine à répondre fiir
beaucoup de cas finguliers qui fe trou-
vent en quelques fontaines , à quoy il
m'efl; facile de répondre, par la ma-
nière différente de la leur, dont j efla-
blis les caufes mouvantes de ma ma-
chine.
Vne des plus grandes objections
qu on leur fait , eft qu'il y a des fon-
taines capables de porter bateau dés
leurs fburces , & par là onconclud qu'il
faut qu' vne fontaine de cette qualité ait
pour fon origine autre chofe que des
vapeurs condensées dans les rochers
des montagnes 5 qui ne fçauroient pro-
duire que de petites gouttes d'eau en
beaucoup de temps ^ & à ce fu)et l'on
rapporte l'exemple , entre plufieurs
DES Fontaines. ^07
autres , d'vne fontaine prés de la ville
d'Orléans qui fait à fa iource va grand
bafTin comme feroit vne mare dont
le fonds eft très- profond , & de la cou-
le avec grande abondance jufque dans
la Rivière de Loire , qui n'en eft di-
ftante que de deux lieues , où elle Cq
décharge; & ceruiffeau ou riviere eft
capable de porter des batteaux dés fa
fource meime.
Pour bien répondre à cette obje-
ékion il faut premièrement la confT-
derer en gênerai , & il faudroit aulîi
que de femblables faits quoi met eti
avant fiifTent bien éclaircis & avérez :
Car de dire en gênerai qu'il fort du
haut des montagnes des four ces a fiez
abondantes pour faire des mifleaux ca-
pables de porter des batteaux , je ne
croy pas quil y en ait. le fçay bien
qu'il y a des Torrens puiflans qui
tombent de fort haut : mais ce n eft pas
de ces eaux-là que nous parlons , pour-
ce qu'Us tarifent bien-toft ^ le fçay
bien auffi qu'il y a des nvieres qui
coulent toiajours & qui font descafca-
des en tombant de fort haut, comme
font celles de Tivoly de d'aiTtres fem-
Ce ij
5oS De l'Origine
blables : Mais qui ne fçait que ces cai-
cades de Tivoly, (ont vue rivière coni-
me vne autre dont la pente eftfoufte-
î>uë par vn terrain élevé, qui n'ayant
pas iiiivy la pente des autres rivières
& ruifTeaux des environs , vient à man-
quer fiibitement, & luy fait faire le
faut eftounant que Ton voit^ & à cela
il n'y a rien à admirer que cette fea-
tafque difpofition de terrain & (on
fubit changement. Les moulins qui
font fiir les pépites rivières font autant
de petites xafcades , lefquelles fi Ion
les avoit jointes enfemble , je veux
du'e, jfi Ton a voit foufteiu le cours de
ces rivières dais vne douce peite de-
puis la chute du premier moulin juf-
ques à celle du dernier, feroient vne
cafcade confiderab^ , C3miTie nous la-
voas remarqué cy- devant fiir la riviè-
re d Orne , prés de Caëa en Nor-
mandie.
le dis d3nc qu'il ne fort point du
haut dVne montagne de ces ruifleaux-
là , qui n aye it la raifon & la caufe que
f ay dite , c^eft à dire quelque autr^ ri-
vière éloignée qui laifle échaper fous
terre vne partie de fes eaux fur vne
DES FON T A I N E Ç. jop
pente plus d3iice que n'eft la fîeane ,
i en ay rapporté des exemples proba-
bles ; & amfi lobjeétioa enge^ieralne
regarde point mon opinion , & peut-
eftre que dans le particulier de l'exem-
ple proposé , elle ne la re 'gardera point
aulTÎ non plus que celle des autres.
Car il y a grande apparence que
cette prétendue fburce prés d'Orléans,
eft delà qualité de celles dont je v;ens
de parler j & que ce n'eft quVn écou-
lement & vne portion de la gra ide ri-
vière de Loire qui vient Te rendre en
ce lieu- là par des voves cachées -, fai-
sant (bus la terre vne véritable lile de la
portion de pays qu'il embraiTe •. aufTi re-
marque-t-on que fon eau eft trouble ou
claire félon que l'eft celle de la Loire.
II y a tant de fleuves dans le M3nde qui
fe perdent & entrent dans la terre , &
qui en refîbrtent bien loin après , que
cela ne peut caufer deftonnement.
Quand quelque perlonne intelligente
examine les chofes ,ilen trouve ben-
toft la raifon ^ & s il n'y avoit que de tel-
les gens qui voyageaient parle Mon-
de ôc qui fî/îent des relations de leurs
voyages, loa ne nous racouteroit pas
3^0 De l'O r I g I n e
tant de merveilles que Ton fait ^ Ti-
gaorance admire tout & fe kit va pro-
dige de la moindre chofe extraordi-
naire quelle voit.
Cette diflSculté méfait penlerà vne au-
tre qui arrefte Ariftote, & le fait refou-
dre à croire que TOrigine des Fontaines
vient du changement d'air en eau^oudes
vapeurs humides de la terre conden-
sées Se réduites en eau , à caufe que les
f)lus grands fleuves , dit-il , prennent
eur naillance au pied des plus gran-
des montagnes dans les concavitez qui
doivent y eftre grandes , & où il fe
doit faire vn plus grand changement
que dans celles des peUtes^ & là def-
uis il fait vne ample énumeration des
plus grands fleuves du Monde, & fait
remarquer qu ils fortent des plus gran-
des montagnes. Il y a aflurément de-
quoy seftonner comment vn telper-
ionnage a parlé de la forte , & com-
ment il a pu croire que la fource dVn
gi'and fleuve devoit eftre plus grande
que celle d vne petite rivière : comrne
fi c eftoit leur fource qui fuft la caulè
de leur grandeur ou de leur petitefîè.
Ne f^^ak-on pas quelesileuves ne de-
DESFONTAINÎS. ^tf
viennent grands que par les eaux des
ruiflèaux & des rivières qui y entrent,
& que quelquefois vne rivière entre
dans vne autre où elle perd ion nom ,
quoy qu'elle foit plus grande que celle
qui la reçoit ?
Cette remarque fur Ariftote peut
encore f ervir pour £iire voir combien
il croyoït fortement que les fontaines
font la caufe des rivières : combien les
grands écoulemens des vns & des au-
tres luy donnoient de peine pour eii
trouver la matière , & combien auffi
il croyoït que les pluyes iervoient
de peu pour produire & les rivières &
les fontaines ; puis qu'il veut que la
grandeur des fleuves dépende de leur
lource , & leur lource de l'évaporatioa
qui le fait au dedans de la terre.
Lon me peut faire vne objedion
aflèz raifonnable fur ce que , quand
}ay reftité l'opinion de Lydiat , de
De(cartes , de Du Hamel & des autres
qui veulent que les eaux de la Mer
foient la caufe des fontaines , en s'éle-
vant par évaporation au haut des mon-
tagnes j j ay dit que f\ cela fe fliifjit
de la forte il arriveroit deux chofes3
3tî D E l'O r ï gi n e
La première , que k Mer feroit deve-
nue douce depuis le temps qu'il y cou-
le de Feau douce d'vn cofté par les
rivières & qu'il ea fort de lalée de
l'autre par les grandes ouvertures
que Del cartes & les autres {uppofeiit
eftre aux bords & au fonds de la
Mer, par ou Tes eaux fe répandent dans
la terre. La féconde, que la terre de-
vroit depuis ce temps-là eftre toute
remplie du fel que ces eaux lalées y
auroient laifsé en s'évaporant ; & là
defîiis l'on me peut dire que quand
bien le fyfteme que f ay eftablv ieroit
comme je l'imagine, rien ne fçauroit
cmpefcher que du moins vers les bords
de la Mer la terre ne foit remplie du
fèl que lès propres eaux y doivent
avoir lailsé quand révaporation seneft
faite, de mefine que je dis quelle fe
fait de celles des pluyes , pource que
probablement les bords de laMer , de-
vant eftre humeâ:ez de fes propres
eaux bien avant fous la tere par la
force du reflux ^ il ne s y eft fait d é-
vaporation que d'eaux lalèes , qui par
cette raifon ^doiveit avoir laifse leur
ièl dans la terre des bords de la Mer.
le
D E s FO NT A I N E s. ^I J
le répons que cela feroit vray fi les
eaux de la Mer rempliffoient la terre
de fes rivages , comme on le prétend
par cette objedion , & qu elles s'eften-
difient bien avant fous les plaines &
les montagnes : mais deux chofes em-
pefchent cet épanchement d'eaux ma-
rines. LVne que l'eau falée eft êpaifle
& pelante , Se n'a d'autre pente que
devers le bas , où la pelanteur du fel
à qui elle eft attachée l'attire ^ & par-
tant n'a pas de difpofition à entrer dans
les coftez des rivages dont le moindre
obftacle les peut facilement empef-
cher. L'autre eft que les terres & les
(ables de ces rivages font déjà remplis
des eaux que les rivières y ont laiisé
couler , & qui occupant tous les inter-
valles & pores des terres & des fables,
n'y laifl'ent point entrer celles de la
Mer, & quoy qu'il femble que le re-
flux par lelevation de les eaux y en
doive chafler , les rivières qui en-
trent dans la Mer s'élevant avec le
meinie refîux, tout élever aiifïi leurs
eaux douces dans leurs iables X droit
& à gauche , où elles demeure:it tou-
jours dans vne pareille élévation a caule
Dd
^i4 De l'Or i gi n e
de la fréquente révolution des ces re-
flux , dont les mtermiffions ne font
pas fuffiiantes pour laiffer rabailîer les
eaux qui font dans ces fables , où eftant
toujours comme en melme eftat , elles
ont aufli la force d'enipefcher les eaux
faléesd'y entrer. Auffi voit-on beau-
coup de puits d eau douce près les riva-
ges de la Mer , ce qui ne devroit pas
eftre R les eaux falées fe répandoient fa-
cilement dans les terres des environs.
L'on pourra me iaire encore vne
objedion , & me dire , qu'y ayant ii
peu de véritables fontaines , comme
je le fais voir ^ l'on peut croire que
nonobftant tous les déchets & toute la
confomption que j'ay remarqué (e fai-
re dans les eaux des pluyes 8c des nei-
ges , il en pourra néanmoins defcendre
aflèz dans la terre peur fournir de Teau
aux véritables fources.
Qaelque bien fondée que paroifle
cette objedion , il eft aisé néanmoins
d'y répondre : Car premièrement cette
modicité de véritables fontaines, & ce
petit nombre auquel je dis qu'elles doi-
vent eftre réduites , n eft que par com-
paraifon avec la grande quantité d au-
DESFONTAINES. 315
très que rancienne & la nouvelle Phi-
lofophie le font imaginées, & avec les
écoulemens eftonnans de quelques-
vnes qu'ils appellent iburces , c^mme
ce que j ay remarqué quauroit e/lé la
nviere cl'Éftam_pes à Pans , & que font
les rivières de Drome & d'Aure en Nor-
mandie fur le bord de la Mer, & en-
fin celle de Loiret prés d'Orléans : Ainii
donc quand je dis qu'il ne refteroit
guère de fources qu'on pûft appeller
véritablement iources, je veux dire
feulement qu il n'y en auroit pas tant à
beaucoup prés de ce que l'on croit: Mais
cela n empeiche pas qu'il n'en refte
vne prodigieuie quantité. Seconde-
ment je croy avoir iuffifamment prou-
vé que la pénétration de la Terre par
les eaux de la pluye ne fe peut Eure ,
tant par la manière dont j'ay tait voir
qu'elle fe doit faire , s'il s'en fait quel-
qu vne, que par les expériences & les
reflexions que j'ay faites liir Magnanus.
'En troiliéme lieu, quand il pafleroit
quelque eau à travers la Terre , com-
me f en fuis demeuré d'accord en cer-
tains cas , il ne s'enliiit pas que cet-
te forte de pénétration puiflè faire
Dd ij
^i6 De l'Origine
couler des eaux comme l'on voit
que coulent celles dont nous parlons.
Il eft vray que j ay dit quon voit
fur quelques plaines hautes de leau
qui fort de terre & qui caufe des
mares & des puits ; & immédiate-
ment après je dis que le ruifleau d vne
tbntame fe perd quelquefois en en-
trant dans terre , & de là on voudroit
prouver non feulement Tobjeâiion qui
m'eft faite : mais encore defiruire Tim-
poiTibilitè que j'avance de la pénétra-
tion de la terre par leau de la pluye.
Mais quoy que je fois demeure d'ac-
cord de tout ce qui eft dit cy-deflus ,
l'on ne peut pas en tirer ces confe-
quences : car à f égard de la pénétration
êc de ce ruifleau de fontaine, il ne
faut que voir ce que j'en dis : Et à l'é-
gard du puits produit par cette eau fur
vne plaine haute, il n'en re(ultera rien
non plus contre ce que j'ay avancé :
car cette eau dont je parle qui fait
quelque mare ou quelque puits en
defcendant par quelque endroit fablon-
neux & heureulement difposé pour ce-
la , ne coulera dans ce fable que jui-
ques à ce que la terre d ou elle vient
DES Font AINE s. 317
fe foit égoiittêe ; & des qvie cette eau
cefiera de couler , ce qui arrivera va
peu après que lapluyefera cefsèe, la
mare ieichera & le puits tarira: ous^l
ne rarift pas , ce fera à cauf^ qu'il fe
fera mis beaucoup d'eau en relene
autour de luy dans le mf , qui fera
d'vne grande eftenduë & en torme de
balTin comme dans vne cifterne , la-
quelle eau ne fortant de ce puits qu a
mefure qu'elle en fera tirée, durera
véritablement plus que la mare & ne
tarira pas fi-toft : mais fi i'eau de ce
puits avoit vn écoulement continuel
comme l'eau qui l'a produit , il ne du-
reroit pas plus de temps qu elle ; &
cet écoulement qu'on voudroit appel-
1er vne fource auroit autant d'mtermif-
fions qu'il arriveroit de ceflations &
de renouvellemens de pluyes , & alors
elle feroit femblable aux iources que
le Père Schottus nous a dit que pro-
duifoit le torrent qui pafToit prés de
fbn Collège en Sicile, quand il avoit
coulé quelque temps : mais vne fource
vive,& c'eft de celles-là dont nous par-
lons , qui coule inceflàmment durant
toute vne année, dont les diminutions
Dd 11)
3t8 De L'Or i gi n e
& les accroifîèmeiis font reliez par le
Primtemps &par l'Automne , à qui les
pluves accidentelles & incertaines de
l'Efté, cammeloatles orages quicau-
fent les torrens , napporte.it aucun
changement , doit avoir vn autre prin-
cipe de la continuité de fon écoule-
ment , que l'eau retenue enreferve dans
le tuf des plaines hautes , dont la ca-
pacité ne Içauroit élire fuffi&nte pour
fournir à toutes les fources qui décou-
lent fiir les collines d'alentour durant
toute vne année. Car encore que fé-
lon moy les Rivières qui coulent tou-
jours & avec plus d abondance que les
fources, ne coulent que des eaux rete-
nues dans les fables , comme | ay dit :
néanmoins la manière dont fe fait la
diftribution de ces eaux pour fournir
à leurs écoulemens, eft tout d'vne au-
tre façon que ne (çauroit eftre celle
ny de ces fources de mares ny des au-
tres: Ces eaux retenues enreferve dans
ces fables, entrent dans les rivières par
plufieurs endroits , les vns plus hauts les
autres plus bas , fiicceilivement les vns
aux autres toujours en deicendant de
plus bas eu plus bas , félon que le cou-
DES Font A i ne s. ^19
ratit de k rivière baifib , comme je Fav
remarqué. Et cette diftribunon eu tel-
lement bien ordomièe, que quand le
courant de la riviere eft eleve , es
eaux de referve ne iortent que parles
ouvertures qui font de niveau avec le
courant , & les autres font retenues ians
pouvoir fortir , par Y équilibre qui le
garde des vnes avec les autres , fçavoir
de celles du dedans avec celles du de-
hors 3 & quand le courant baifle , ces
eaux de relerve baillent aufll, & les
ouvertures par lefquelles elles s'ecou-
loient ne donnent plus d'eau , ce font
celles qui font audeflbus,& ainfijut-
ques à la plus baffe : De forte que l on
pourroit dire que fi vne riviere eftoit
vne fource, elle auroit des ouvertures
pour lePrintemps, d'autres pourTEfté,
d'autres pour l'Automne, & d'autres
pour iHyver, les vnes plusbafles, les
autres plus hautes : mais les fources qui
n'ont qu vne feule ouverture par la-
quelle, Efté & Hyver elles font cou-
ler leurs eaux , devroient ne plus cou-
ler dés que la première fuperficie de
leur ref ervoir fe leroit écoulée , & s'il
demeiu'oit encore de l'eau dans le tuf
Dd uij
320 De l'Or igin e
ou refervoir foiifterraia , elle n en
pourroîtpas fortir à caiifc qu'elle feroit
plus baffe que fou ouverture , & de-
meureroitainfi inutile, quelque quan-
tité qu il y en puft avoir ; & pour faire
écouler toute cette eau, il faudroit , ou
faire vne ouverture plus bas , ou fi
cela fe pouvoit, ibuflever le fonds de
ce refèrvoir & le pencher de mefme
qu'on fait à vn muid de vin pour avoir
toute la liqueur qui y efl. Ainfidonc
quelque amas qui puft s'eftre fait dans
la terre par le moyen de cette péné-
tration , il demeureroit inutile dés le
commencemeat du Printemps quand
fa fiiperfîcie f e fèroit abaifsée jufques
au defTous de cette ouverture , & fi l'on
vouloit que récoulemeit qui auroit
commencé continuafl de fe faire avec
égalité, il faudroit qu'il revmfl d'autre
eau avec égalité pour fortir toujours
par la mefme ouverture : Or cette éga-
lité ne fe içauroit trouver dans les
pluyes, de meime qu'elle fe trouve
dans le cours des fources ; auffi voit-on
que la diminution qui fe remarque aux
fontaines leur arrive avec vne propor-
tion plus réglée que n'eft l'arrivée &
DES Fontaines. 3ît
k ceflàtion des pluyes , qu'^ftant tou-
jours fubites , inégales & lans certim-
de , ne fçauroient produire que de>
effets femblables. H faut donc conce-
voir pour la continuité de ces ecoule-
mens , tels qu'on les voit , vne autre
caufe que les pluyes de toute vne an-
née ; veu mefme que quelques pluyes
qu'il faffe en Efté , l'on ne voit point
que les fontaines en reçoivent aucun
accroiffement pour cela, nv au con-
traire que quelque feicherelle qui ar-
rive en Efté, les fources en loient di-
minuées dans l'année meime-.leur ac-
croilîèment ne leur arrive qu après les
grandes eaux & les grands dèborde-
mens del'Hvver , qui reftabliflenttout
d'vn coup ce que la feicherefle oe
l'Eftê fembloit devoir avoir ruine, &
leur diminution ne leur arrive qu après
vne feichereffe d'vne année qui n a pas
efté reparée par les pluyes &les de-
bordemens de l'Hyver luivant. Or il
y a bien plus d'apparence datti-ibuer
cette continuité découlement égale-
ment inégale à vne diftiUation & coa-
vertiffement de vapeur en eau, com-
me je l'ay dit, & comme le croit la
322 De l'Origine
meilleure Philofophie ; pource aue
cette caufe ne peutfoiifFnr d'altération
que par la confumption de fa matière ,
qui le Enfant petit à petit , par les
moyens que j^ay décrits, caufe auffi la
diminution des fources petit a petit,
aux vues plus, aux autres moins.
Quelle que foit donc vne fource
ou torte ou foible , elle ne Tçauroit cou-
ler continuellement fi elle na vn autre
principe que la pénétration de la terre
par les eaux de la pluye & des neiges
tondues de rHyver,&ruppo5émerme
que cette pénétration fe fafle , com-
me /en fuis demeuré d'accord en va
certain cas , & par des difpolitions par-
ticulières de la terre & des lieux : cet-
te pénétration fe fait plus rarement,
ce en bien moins de lieux , qu'il ne fe
voit de fontaines vives ; & leurs eaux
font en beaucoup moins grande quan-
tité que celles des véritables fontaines
Vives dont je pai*le. .
^ Il y auroitvne infinité de queftions
a hure fur plufieurs cas finguliers qui
arrivent aux fontaines , comme ce que
Ion dit, qu'il y en a qui ont des aug-
mentations & des diminutions alte^-
DES Font AI NES. 325
natives qui le rapportent avec le flux
& reflux^delaMer, d'autres qui en ont
d'vne manière opposée , d'autres qui
font chaudes, dautres qui font minéra-
les & qui ont des faveurs & des odeurs
particulières, & quelquefois des vertus
medecinales,&de cent autres maniè-
res. Mais toutes les queftions que l'on
me pourroit faire fur ces differens ac-
cidens ne regardent point mon opi-
mon , & je ne fuis point oblige d'y re-
pondre ; cen'eft pas qu'il ne fuft peut-
eftre aflez facile de le faire par les
principes de Mécanique , de Médecine
& de Chimie : mais il fiudroit pour
cela vn volume plus gros deux fois que
celuy-cy.
Pour mov qui n ay entrepris de par-
ler que de l'Origine des Fontaines, il
me fufEt de l'avoir fait , & de leur avoir
par cemoven donné lanaiflance.Leur
deftin eft de courir fur la Terre & par
le Monde , je les ylaifleray aller (ans
prendre aucun intereft en ce qui peut
leur arriver de bien ou de mal ^ fi les
vnes deviennent renommées par les
diiîerentes qualitez bonnes ou mauvai-
ses qu'elles auront contradces dans
324 De l'Orig. des Font
leurs voyages, folon k bonne ou mm^
vaiie reicontre qu'elles auront faite de
terres favorables ou difgraciées; files
autres attirent ladmiration & l'eflon-
nement des curieux par leurs éconle-
mens & par leurs effets furprenans,fi les
autresdemeurentdans leur naturel doux
& paifible , comme elles l'ont receu en
naiflant. Tout cela ne me regarde point,
il lufîït qu'elles foient fontaines ample-
ment , la qualité n eftant qu' vn accident
qui leur peut arriver ou ne pas arriver
fans changer leur effence ; de comme
des enfans qui ont quitté le logis de leur
père pour voyager, s'il arrive qu à leur
retour ils ayent la taille changée, ouïe
vifâge méconnoiiîàble, ou qu ils ayent
perdu leiu' équipage, ou bien quils
lay^ntaugmenté, ou qu'ils layent con-
fervé tel qu'ils lavoient en partant , n'en
font pas moins pour cela les enfans de
leurs pères : Auffi quelque chofe qui
puifTe arriver aux fontaines , de bien, de
mal, deftonnant & de merveilleux,
tout cela ne les Içauroit empefcher
d'eftre toujours les filles des rivières
leurs véritables mères.
FIN.
LETTRE
A M-" HVGVENS
AV S VI E T
DES EXPERIENCES.
^J^ O N s I E V R ,
Depuis yo/lre départ je 71 dy fongé à
autre chofe fuà ce pie yoi^ malPe!^ dît
touchafît mon fy/ieme de l'origine des
Fontaines , & ^uoy pu je me fois rendu
aux ra-ifons fur hj'cj utiles yous a^e^
fonde yojire Crîti^uj ^ il me refic pour-
tant de grands doutes fui m; tiennent
comme en fufpcns , & que ji ne puis
m'empcfchcr de yous dtclarcr en attm-
dant fue je J ois de retour a Pari^ pour
en ayoïr la folution, La plus grandz
difficulté que yous maye':( opposée^ a
^i6 Lettre.
efié fur ce que je fuppofe dans la terre
des effets fmhl abus à ceux de la pom-
pe ^ aufquils je donne pour eau je prin-
cipale lattraE^îon par la crainte du
yuide ; Et aujiî que par cette rrjfem-
blance de la pompe je fais élever des
eaux a toutes fortes de hauteurs , quoy
que je fçache bien que Vattra^ion nejl
pas reccu'e àprefcnt dans la Phyjique non
plus que la crainte du ^uide ^ dr que
t on j''ouflient que la pompe ne peut ele-
yer de l'eau que jujques ci la hauteur de
32. ou 33. pîeds -^ furquoy yous m'a-
ye:( reprefente que ce nejl pas fans de
lonnes raifons que Con nie l'attraSiion
& la crainte du yuide ^ <& que cejljur
de bonnes expériences aujsi quon ejl
a/fur e de ce terme de Veleyation d'eau
dans la pompe qui ne Ce fait que par
la pefantcur de l'azr qui pre/fant la
furface de l'eau où efl po/êe la pompe
y fait monter cette eau , lors quen le-
yant le pîjlon on luy fait place pour
y entrer , e^ qu enfin elle ny monte
que jujques à ce quelle ait pris yn
équilibre ayec la pcfanteur de l'air ^
cequelle fait quand elle efl paryenué
à la hauteur de ii^oun^ pieds , après
Lettre. 327
tjuoy elle demeure en repos, Leffudlcs
expériences fe faïfd7it & fe continuant
tous les jours a^ec ynj'ucces toujours
pareil , il ny a pas lieu de reclamer
à Rencontre. Sur cjuoy je yous diray
franchement , ^ue je ne demeure pas
tout 'd'j ait a accord de ces deux pro^
pojitions générales comme elles font^
non plus cfue des conclufions gênera^
les ^ue Von tire de beaucoup g! au-
tres expériences. Car ejuelques expé-
riences que ïon puijfe faire , l'on ne
peut s y arrejler purement , Ji le juge-
ment & les jms tout enfemble ne s'y
accordent: Icsfens fe trompent fouyent
quatidils agijfentfeuls , & le jugement
fe méprend auffi quelquefois fi les fens
ne le redrejfent. Les fens nous difcnt
quJn bafton droit mis moitié dans Ceau
efl rompu , <& le jugement nous ajfure
du contraire. Le jugement nom a dit
jufqud prefent que l'air e/loit léger ^&
depups quelque temps les fens nom ont
découvert qu il efl pejant^par pltfietirs
tiouyelles expériences qui en ont ejls
faites : mais quJlcs que foi:nt tou-
tes les expériences que l'on fçauroit
faire ^ & quelque fujct que puiffent
328 Lettre.
ayoir les fcns & le jugement tout efi'
femble dejire fatisfatts , je tiens ^ue
toute la confe^uence que Von en peut
tirer ^ eflque la chofe Je fait ainji a^cc
telles & telles machines , de telle gran^
deur , de telle matière , en tel lieu , &c,
fans qutl y ait lieu d'afjigner "'Pne caufe
plùtofl qu'une autre a T effet qui aura
ejié découvert par cette expérience ^ &
fans que l'on foit obligé de croire ^ par
exemple y que l'eau qui monte dans y ne
pompe y e/i pluto/i poujféepar la pefan^
teur de l'air ^ qu'elle ny e/l attirée par
attra^ion^ ou par la crainte du yuide.
Car Ji je y où que cette eau , lors qu\
elle cfl paryenue j.ufques a trente-deux
pieds d'éleyation , s'arrefie fans quon
la puijfe faire monter plu/S haut comme
Von dit ^ pourquoy f'audra-t-il que je
croye que ce terme de ^i, pieds efi celuy
déséquilibre quellea ayccCair , fans
que je puijfe croire quil y ait encore
yne autre caufe de cet arrejl ? Et pour*
quoy ne me fera-t-il pa^s permis de dou*
ter que fi l'expérience fe faifoit ayec
d'autres machines , plus grandes , a'ym
autre proportion , & à'yne autre ma-
tière , ou autrement la ckofe fe ferait
d'Jne
Lettre. 1^9
d'yne autre forte i"
il e/t certain ^ue dans laNature^^ il
ne fe produit aucun (f et par yne fitde
caufe , & ^uau contraire il ny en a
point pii n en reconnotjfe phfieurs^ dont
les ynes font particulières aux chofes
fur lefijmîles les ejfcts fe prodmfent , tiT
les autres y font étrangères & yiennent
de dehors , & concourent fieanmoins
a la produ^ion de leurs effets,
La chaleur du feu nefi'pits la feule
caufe de V emhrafement du hops , il faut
^uîl y ait dans le hois ^ne difpoj^^
tîon a eftre brûle , il faut efuil foit
fec jufijud yn certain degré , & il
faut tjue ce hops foit dans yn litu &
dans yne difiance proportionnée peur
cela : il faut auffi futi y ait de l'air
à l'entour du bois éjm foit libre , &
non pas rejjerrè ou enfermé, Ainfi
ï embr afemint du hops aura cin<f cau^
fes '■ entre autres , toutes différentes ,
dont l'ytie efi eftrangcre au hops , com-
me la chaleur du feu , Vautre luy e/l
propre comme fa difpofition naturel-
le à eftre brillé , & les trois autres
font communes & au bois & au feu^
& quoy tjua la chaleur du feu fmbU
Ee
3?o Lettre.
ejtre la feule caufe de lembraferrimt du
bops pource ^ue l'effet luy reffemhle ,
néanmoins il ne fe fer oit aucun emhra-
fement fi IPne feule de ces cmcf caufcs
mancjuoit. Par cet exemple , quanA je
yerray monter l'eau dans la pompe con-
tre fon indination naturell : , // faudra
bien fue jayoue que celafe fait^ maiî
en mefmî tpmps je pourray fonder quil
y aura plu/ieurs cauf s qui contnouènt
à cet effet : je croiray fi Von l>eut que
la prfant.uY de V air y ant beaucoup ,
rien ne niempcfchera aufft de croire que
la crainte du yuide y a fa part , & que
fi l'on y ayoit hienpense^ Von y en trou-
ver oit beaucoup d'autres qui yien-
droient du cojVe de Veau , des maté-
riaux ^ de la forme de la machine., de
fa proportion., &c. Mais de me déter-
miner d la fuie pefanteur de Vair ^ &
d exclure toutes autres caufe s il y au-
roit ce me femble de la temeritê. Quand
je yerray aufii V empefchem.nt qui fe
rencontre d le^er Veau au delà des 32.
pieds , pourquoy gefneray-je mon juge-
ment jufques-id que d'en attribuer la
caufe aufeul équilibre de Vair^ Et pour-
quoy nepourray-jepas rrt imaginer qu'il
Lettre. a5«
y a quelque qualité dans VedUquepue
connoîs pa^qui contribué d cet empcfchc^
mmt , <& que la machine peut pécher en
proportion ou en force de matériaux f
Ainft tout ce que je pourray conclure,
fi Ton y eut que j'attribue la caufe de
cet effet aufcul équilibre de l'air , fera^
que celafemble ^ray a^ec cette machine,
mais de m'obligcr d tirer ^ ^ne csnji-
quence générale , & par Id faire corn"
paraifon de nos forces a^ec celles de
tout fyniyers , & de noftre adrejfe &
jufteffe ayec celle dont la Nature feferc
en toutes chopes , & en mcfmc temps fur
le foihle <!X imparfait témoignage de
mi s fins tenir mon jugement en con^
tramte , jufques d re?npefcher de rai-
jonner <& de faire les reflexions dofir
il eft capable, c ejl où je ne yoy nulle
appar.nce, Vonfçait ajfe\ que les ma-
chines ri ont pas toujours yn femblable
fucces quand elles font exécutées en
grand ou en petit , & que les propor^
rions font également difficiles d garder
en ryn & en l autre -^ cependant il ny
a prefque que cette proportion qui pro^
duij^e les effets dejîre:^.
Les enfa>:s pouffent des fops ayec yio^
E c il
33* Lettre.
lence dans des farbacannes tjumd elles
ont deux ou trois pieds de longueur ,
& ils ne le font pas fi facilemmt m
ayec yn pareil fucce s fumd elles en ont
yingt'cinq ou trente^ ou quand elles
ne font longues que de cinq oufixpouU
ces. il en ejl de mefme d'l>n canon ou
couleyrine , qui poufferont l>n boulet
al>ec grande force & fort loin, quand
ils auront cette longueur de ytngt-cinq
ou trente pieds , dr qui ne le ferotent
pas s'ils en aboient 50. ou 60. ouqutls
rien eufjent que deux ou trois. Ce qui
caufe ces différences ceft que la propor-
tion du calibre a^ec la longueur de
ces machines ri ejl pas gardée]
I^on peut encore donner yn autre
exemple pour faire yoir la neccf^itê de
la proportion dans les machines. Vne
flûte ou tuyau Morgue, plus il efllon^y
plus il fonne <2t parle d'yn ton bas ^
éiufli efl-ce en l'alongeant & en Vac^
courciffant que Von V accorde a^ec les
autres:^ cependant Von le pour r oit faire
d'yne telle longueur qu'il ne rendroit
aucun fon , quand mefme on luy don--
neroit le iPent le plus violent que l'on
peut donner. Ce défaut ne yiendroit
Lettre. 3^5
ni de la matière , ni de la forme de
la machine ^ mais feulement de lapro^
portion qui ne ferott p/ts gardée entre
fa longueur & fon calibre , parce que
en retranchant petit a petit de cette
longueur excefiilPe , & s' approchant
ainft de la proportion quil doit ^-
yoir a^ec fon calibre , il commencera
dfonner ^n peu , pups davantage ; ù*
enfin ejlant paryenu dfajufle propoï"
tion il rendra ion fon agréable & natu-
rel 5 ni trop doux ni trop fort 5 mais fi
yous continue:^ de raccourcir , le fon
en deviendra aigu , dr mfme à la fin
il fera difficile de le faire parler, si
l'on nayoit point fait de tuyaux d'or-
gue d'yne longueur excejliye , & quon
je fu/i contenté de ce premier principe
de plus ou moins long , l'on tirer oit yne
conclufion générale quen alongeant yn
tuyau d l'infiny^ l'on luy ferait pren-
dre yn ton bas d l'infiny , ce qui nefl
point yray,
llparoi/i donc que la proportion efi abfo'
lument ne cejf aire dans les machines pour
leur faire produire les efi-ets defirey ;
& il efi pareillement éyident que l'on
ne peut pat tirer des confcquences genc»
354 Lettre.
raies de beaucoup ci' expériences cjue l'on
fait, & tjue tout ce cjuq l'on en peut ap-«
prendre y eft feulement tjue ce quelles
nou^ font yoir , fe peut -faire a^ec les
machines 3 les injtr urne ns, & Us ntatc^
riaux dont nou^ nom fommes feryps 'j
& en mfme temps nous faire craindre
ijiien les faifant a^ec â*autres machines
& d'y ne autre proportion , ou a^ec
dUutrcs in(irum:ns , a autres matc^
riaux ç^ d'autres en confiances , elles
tlayent yn autre effet.
Que fç ayons -nous fi des gens dejprit
ijuî yiendront après nou^ , in/iruits &
éclaire!^ par les chofes dont nous leur
aurons laijfe des mcmoires , diront point
au delà de ce cjue nous fç ayons , autant
^ue nous ayons e/ié au delà de ce qua
fceu r antiquité ? Et de mefme que nous
ayons inyente yn grand nombre d 'in--
ftrumens pour l'jflronomie & pour les
mechaniques \ ils nen my entent auf^i
à^ autres y ou nadjoùtent quelque chofe
à la perje^ion de ceux que nom ayons,
& qitaycc ces nouyeaux fecours ils ne
fajjent des decouyertes de chofes d quoy
nom nauro7is point pense , <& lefquellts
renyerferont .beaucoup de maximes que
Lettre. 355
nous tenons pour tres^a/furées ? Voiis^
mefme , Monlïtur^ naye^^yorn pa^s de-
cou^rt dcpups peu , tjue le Siphon pcoy
qu- pUc2 dans ^n recipi nt yuide a air,
m laijfe pas de nr:r Ccau par dcjftt^ les
bords du yaijfcau ou eji mife la plm
courte de Ces jambes , de m [me cjuil
fait en pi in air 3 e27* e^ue deu ; plaques
de m?tail polies , jointes enfjmhle , ne
laiffent ptts de tenir C^ne d C autre dans
ce ni'jfme yaijjeau yuide a air 3 & pour^
tant ces deux effets font attribue:^ a
la pefanteur de Vair. Monteur Vafchal
dans fon Traité de V'eqmlthre des lu
^ueurs , ce me femhle^ Cajfure, & dc^
figne mcfme le poids a^ec lequel Von
peut faire déprendre ces deux plaques
de met ail félon leur l>olume <& gran^
deur de fuperficîe : & cela a e/ié cru
jufqtid prefent que ^ous a^e:^ fait
yoir quil doit y a^oir encore û! autres
raifons d confiderer que celle-là dans
l^ effet du siphon & de l'ynion & attache^
ment des corps polps enfemhle. ISia-t-on
pO/S encore découvert que le mercure qui
dans yn canal fermé par en haut &
plongée par en bas dans a autre mercure^
defcendoit jufquis a la hauteur de 17,
ilé Lettre.
ou 1^. poîdces, ^ui efl CequiUhre^uon
dit éjuîl prend a^ec l'air , fe foùtient
pourtant cjudcjmjoi^ jufcjues a la hau»
teur de 7*^. poulces : ce que Monfieur
Tafchal ri a point connu ^ ri ayant fondé
toute fon expérience pour la pffaraeur
de l'air y laquelle îl appelle fa grande
expérience y que fur cette hauteur de 17,
ou 1%, poulces. Tant quon a ignore que
cette hauteur pourvoit aller jufques d
75. poulces , l'on dtfoit que les 17, ou
28. poulces efloient l' équilibre du poids
du mercure a'^ec celuy de l'air , de mef
me que l'on dit que les 52. pieds le font
de celuy de l'eau aloec latr dans lapom^
pe, dont on ay oit fait y ne règle gêner a^
le : mats d prefent que l'on a fait l'ex-
périence de ce mercure^ peut^eftre ayne
autre marner e & a^ec d autres circon^
fiances y Von ne trouve plus que ce pre-
tendu équilibre ait yne règle ajjurée ;
car il ne y a quelquefois que jufques d ^4*.
poulces 5 d'autres ^' 52 . d'autres ^' 5 5 . dT*
Ji r on ayoit fait la ynfme chofe pour le-
leyatîon de l'eau dans la pompe ^ peut-
eftre que ces 32. pîeds iroîcnt jufques d
cent & au delà. Mais on a eu tant de
joye iayoir trouyé que l'air eft pefant,
après
L E T T R E. 557
aj?ris que tant de Vhilofophes ont dit
durant tant de Jieclcs quîl efloit léger ^
quon yeut attribuer à cette pefanteur
de Cair la plufpart des effets dont nou^
ignorons les caufes,
il eft certain quil y a lieu de louer
beaucoup ceux qui les premiers ont fait
les expériences dont 7iom parlons , (!T
qui ri ont p^ts youlu fe rapporter entie^
rement au jugement des anciens , dr
foufcr ire aveugle memt à leurs opinions
fur beaucoup de chofes : car comme l'on
dît que la défiance cfi la mère de la
fureté , ces expériences e/iant par ma^
niere de dire ^ne défiance des opinions
des anciens , il en ejl refulte des afju^
rances de beaucoup de chofes dont on
pouJoit douter raifonnablemsnt, Maps
fi ces expériences nom ont fait douter
de tant de chofes dont auparavant noios
e/hons , ce nous fembloit ^ bien ajjure:^^
elles deyroicnt nom mettre en de plus
grands doutes fur beaucoup d^e chofes
queriou^ croyons prfentemerit biencer^
t aine s y & nom faire craiftdre que quel-
que jour la pojhrit'e ne nom le rende ^
& ne fe mocque de no/lrePhilofophiede
mefme que nom nom mocquons de celle
de l'antiquit* Ff
55^ Lettre.
Maù retenons à no/îre fujet , lors
qu ayant fait yne ouverture à yn ton-
neau remply de ytn ou d'^ne autre li-
queur, ce yin ou cette liqueur ne for-
tent point fi le yaiffeau c/i bien ferme
far tout ailleurs , Von dît que la caufe
de cet événement efi la pcfanteur de
l'air qui pour ejlre plm grande que celle
de la liqueur enfermée dans ce yaijfeau
lempcfche de for tir , l'air fe tenant a
cette ouverture de mfme que fi cefloit
^ne pièce de hoM , ou d'y ne autre matière
iicnfolide que Von y auroit mife. L'on
en dît autant de ce tuyau remply de mer-
cure dont je yiens de parler ^ lequel en-
core me/ me qu il foit tire hors du mer-
cure ou il trempe , ne laijfe pas de le
foutenir fuj^endu en l'air jufques a la
hauteur de jt^, poulces. Si cen ejl la
la rai/ on , il y a ce me femhle de quoy
s étonner comment l'air ^ qui e/i composé
d'yne infinité de parties disjointes ^fc^
paries 0^ toujours en mouyement qui font
yn corps fi mol & fi aise a percer y & qui
cède â tout ayec tant de facilite , ne
cède point d la pefanteur de cette li-
queur <!T de ce mercure y CiT à leurs
parties qui font bien plus folides & qui
l
Lettre. 335>
nûbeiffent pa^s fi facilement ^ & com-
ment cette ligueur <& ce mercure ejui
ont beaucoup de pefanteur ne trouvent
pas le moyen de percer a^ec leurs par^
ties folides , & ^ui font toujours en
mouvement, celles de l'air tjui riont
pas tant de folidite ^ <& ^ ut d! ailleurs
font fi dîfposées d céder & a fairepU"
ce à Ce cjui efl plus folide qu elles.
Ne deyroitM pas du moins arriver
alors , ce tjui arrive dans de certains
y erres d boire qui ont en bas ynegrof-^
fe boule ^ dans laquelle par yne ou^er-^
ture très 'petite i te ytn qu on y fait en»
trer en fort quand on a mrs de Peau
dans le ^erre , & pajjfe au traders de
toute cette eau fans qu'il fe mefle a^ec
elle y jufques d ce qu'il f oit parvenu
au dejfus , où on le yoit nager comme
feroit de l" huile , pendant que leau
prend dans cette houle la place que le
yin y occupoit. l'ont cela fe fait par
cette petite ou'Verture par ou l'^n <&
ï autre pajfent en mcfme temps fans
fe m:jler , l^'^n en montant ^ Vautre
en difcendant , comme s ils pajf oient
chacun par yn tuyau ou canal feparé^
ayec yn acquif cément réciproque qu ils
l^o Lettre.
fe donnent l'yn d ï autre y le plus fort
donnafit pajfage au plus foihle au tra^
y ers de fes parties ^ ^uoy ^ue plus folu
des , afin éjuil luy faffe place c^. luy
Ihre le lieu où tl yeut fe mettre ^ â
catfe ^uîl e/l le plus fort & le plus
pefant, Si l'eau youloit faire dans ce
y erre comme l'air fait d ce tonneau y
& fe tenir opiniajlrement à V ouver-
ture de la houle de ce Verre ^ le vin
ne pourroit fe mettre en la place de
leau dr demeurer ott immobile d ce
pajfage. Pour^uoy , s'il ncjîoit ^us-
fiion (jue de pefanteur plus ou moins
grande , Cair rien fer oit -il pas au-
tant aVec la liqueur enjermee dans
ce muid , que l'eau en fait dans ce
yerreaVec le vin de la boule ? car alors
Vair eft plus pefant que la liqueur ^ de
mefme que l'eau dans le Verre eft plus
pefante que le vin qui ejl dans la bou-
le ^ & pourquoy de concert enfemhle Vvn
n entrer oit -il pas dans ce tonneau au
mefme temps que l'autre en for tir oit ?
L'on me pourra dire que l' air perd fa
continuité dans Vn corps liquide, oïl il
fe met en parties rondes qu'on appelle
bulles j & quVn corps liquide fait
m
Lettre. 541
au fi le femhldble (juani il efl daju
Vair ou il fe m t auft en parties ron-
d:s ^uon nomme ^^out tes ^ & que cela
eftant de la forte il ny a pas lieu £ at-
tendre que ces deux corps ainjt diyije:^
& entrecoupe'^ comme ils le feroimt
puiffent s'ajujler fi bien dans cette
ouyerture qui efl petite , quau m^f-
me temps que V^n entrer oit en bul^
les dans ce muid, l'autre en fortiroit
en gouttes , ou bien que s il faut que
tyn entre a^ant que l' autre forte ^ ou
que tyn forte a^ant que Vautre en^
tre ; il ny a point de rai/ on pourquoy
r^n entrera a^ant l'autre. Mais cette
raifon ne fatisfait pas : car fi l'air &
cette liqueur fe di^ifent comme F on
yicnt de dire , & que cela f oit la caufe
de cet empefchement , le y in & l'eau de
ce y erre auroient autant de raifon pour
nefafferpas , puis que le y in & l'eau fe
diyifent aufSi^bten que l'air & la //-
, queur quand ils font l'yn dans Vautrcy
& d'yne manière encore plus ccTifidera-
ble : car ils fe me fient l'^n a^ec l'autre
quand ils fe touchent & cela a^ec ^ne
trc s 'grande facilite ^ comme efiant yne
chofe qui leur eft naturelle : & nean-'
Ff 11)
342 Lettre.
moins V^n & L'autre dam ce pajfage
renoncent à cette naturelle difpojition
à fe mtfler pour Ce confère er chacun
iPny a pj-mpue. L'air & la liqueur
fourr oient en faire autant l'yn à l'é-
gard de P autre, & quitter leur dijpo^
Jition naturelle a devenir iul les & gout-
tes , de mefme ^ueleyin& l'eauquit^
tent leur difpofition naturelle k fe ms^
1er pour entrer dans ce muid ou four
m for tir : car l'yn & l'autre peuvent
s' alonger y & mettre leurs parties de
fuite l'y ne a l'autre fans interruption
en yne manière très 'déliée) comme quand
ils pajfent dans des canaux étroits , &
fe faire l'yn dans ï autre y ne manière
de canal dans lequel ils pajfer oient en
mefme temps dans l'air & dans ce muid^
comme font Ceau & le yin dans cette
houle & dans ce yerre. Ceux qui nont
point connoijfance de cette chofe ont de
la peine a la croire-^ & ^ on leur en
faifoit la propojition fans en ayoïr Vex^
perience prejle ils la nieroient , & la
tiendr oient pour ah fur de ^ à caufe de
V expérience qu'ils aur oient , que le yin
fe méfie dr fe dtJSipe dans l'eau.
Ce que je yiens de dire me donne oc^*
Lettre." 343
cajion défaire 'ym autre remarque y qui
fftr erreur^ je l'ofe appcller atnji, oà
je yoy que font ceux qui s attachent Ji
fort aux expériences, ils ne Veulent
rien croire fi ï expérience ne i en peut
faire deyant eux y & cependant on nen
peut pas faire de beaucoup de chofes que
Von connoifl. Si ces gens-lâ ne ffa^
yoient point que les mstaux dT les pier-
res mcfmes fe peuvent fondre , et ^ue
l'eau fe peut glacer-^ & que l'on yinjl
leur dire que Von peut rendre le cuivre
liquide & coulant comme de l'eau, &
l'eau dure & folide comme de la pier-
re y ils demander oient incontinent den
yoir l'expérience y & comme l'on ne
pourroit pas la faire a t égard de l'eau,
( je fuppofe qu'il n'y eufl point de glace
alors a^ec laquelle l'on, pu jl faire geler
de l'eau )îls nier oient que l'eau fe peut
durcir y & l'on auroit hean leur dire
quonauroit y eu de la glace, <& qu'ils
font oblige:^ de croire au rapport des
témoins fufffans ; ils ny ajoiifteroient
point de foy , <s> dir oient que quand ils
croyent les expériences faites par cC au-
tres , cefi qu'il ne tient qu'à eux de les
Vérifier, Quand ils raifonnent de la
F fin;
"§44 Lettre.
forte ils croyent a^oir d'autant plus de
raifon qtion leur a fait Inexpérience de
la fluidité du cuivre , par laquelle ils
yoyent que leur maxime générale de ne
rien croire fans expérience e/l davantage
confirmée ; & quoy qutls raifonnajfent
apparemment bien 3 ils fer oient pourtant
dans r erreur : mais ils ne raifonne^
rotent pas moins bien s ils fongeoient
que fi Von a pu faire ï expérience du
premier 3 ccjl que l'on a eu tout ce qui
ejioit necejf aire pour cela, & que fi Ton
ne l'a pu faire du fécond , ceji que l'on
a manque ou de matériaux , ou à'in*
flrumens , ou de lieux propres j ou d'au^
très chofes. Et l'on peut dire que cejl
a^ec quelque témérité que l^on tire des
expériences , les deux concluions gene^
raies dont je yiens de parler, l'yneque
telle chofe efi d caufe de quelque expe-
rience qui en a ejîe faite , l'autre que
telle chofe ri efi pas à caufe qu'il rien a
pu ejire fait d'expérience : car quelque
bonnes <& ytilcs que foient les expe^
rience s 3 il ri y a pas Um de s'y atta^
cher fi jortcm?nt qu'on foit oblige de
croire tout ce que Von croit ^otr par
elles f & de ne rien croire que ce qui
Lettre. 54.5
fe yoit par elles , dr encore moins cCen
tirer des confequences par Icpfuelles
nous déniions en aj^igner les caufes à
de certaines chofes pluflofi qu à dau^
très y puis qu'il efl Ji dijficile de les con-
noiftre toutes & fi périlleux d'en faire
le choix.
Mais fur tout il faut fe défier de
foy^mefmey & craindre que l'amour de
la nouveauté & celuy que nous ayons
naturellement pour nos fentimens ne
nous empefche de juger fans pajSion :
car en s'obflinant fi fort à attribuer
par exemple la caufe de l'êleyation
de Peau dans la pompe à la feule
pifanteur de l'air ^ fans y Vouloir ad-
mettre aucune autre caufe ; on fait
yoir plus d'affeSfation que de jugement y
& l'on donne a connoijlre que tout ce
que l'on fait d'expériences efl plufiojl
four le prouver que pour en découvrir
la yerite comme fay dit. Quand je
youdray me mettre dans l'efprit qu'il
m*cft indiffèrent que l'eau de la pompe
y monte , ou par la pefantcur de l'air
ou par la crainte du yuide , ou par yne
autre caufe ^ ou par toutes celles-là en^
femble 5 je feray comme yous aye:( fait.
1,4'^ Lettre."
MonJieUTi f examiner. ^i a^ec yn efprtt
dégage & non préyenu toutes fortes de
raifons y je feray des ?'-^peric7ice's de tou^
tes les manières que je pourray ^ a^ec
toutes fortes aînjhumens , de machines
& de matériaux ^ & dans la défiance
oïl je yoy que je dois e/ire d'ejire trom-
pe par mesfcns , par monjugem?nt , far
ma propre foîhhffe & petit c/fe y par cel-
le des matériaux, & par cdle des ma-
chines que je luis capable de mouvoir ^
je cratndray toujours o!efire trompe-^
plus je croiray yoir clair , plus je me
defieray & craindray a\Jlre eblouypar
les chofes nouy elles que je croiray de-
couyrtr qui nayoient point efie connues
aupar ayant : Mais fi je yeux paffer
pour celuy qui aura trouyh le premier
que l'air ejl pelant , & qui en aura
donne qudques preuyes par des expc^
riences jujques alors inconnues ; /"/ ejl
certain que je fer ay tout ce que je pour ^
ray pour accorder toutes chofes à mon
dejfein ; ^ que ji en tray aillant fen
rencontre quelqu y ne qui y f oit tant f oit
peu contraire , je r abandonner ay dT ne
youdray pas mfime m'en faire P obje-
ction j pour ne pas ruiner ma propofition
Lettre. ^4.7
ny donner la moindre atteinte a ce qus
fauray youlu ejlahlir comme premier
inventeur.
Quant a la féconde difficulté que yous
rnaye!^ faite, Monjieur , qui efi quil ne
fe fait point d'attra^ion dans la Nature
par la crainte du louide ou autrement >
dr que tous les mou^emens iy font par
impuljîon du plus fort d?' du plus pe-
fant, fur le plus foîble & le plus léger y
il femble a abord que cette propoji-
îion foit plus rece^able & mieux fon-
dée : car rien ne fefaifant dans la Isla-
ture par miracle, il faut que tous les
mouyemens fe faffent par des principes
de Mechanique, le ne laijfe pas néan-
moins de trouyer cette proposition har-^
die , & de m'ejlonner comment l'on r«-
treprend de parler de chofes que ïon ne
connoijl point, Sçait-on ce que ceftque
fort & pefa7it ? ( car le foihle & le le*
ger ne font que le moins fort & le moins
furquoy il s' appuyé pour pouffer yn
moins fort que luy-, fer oit-ce jury n autn
plus fort f cda troit d l'tnfiny, S fait-
34^ Lettre.
on ce que c\Jl que pifanteur ? comment
le pejant agit fur le moins pefant ? &
d'où îl prena j^a pefant eur ^ ce ne peut pas
eflre à'iPne autre chofe plus pefante ^ ce
fer oit pareillement aller à Vinfiny 5 d^
nous Soyons cC ailleurs que foulent les
thofes de plus grand 'Volume pefent
moins que celles d^l>n plus petit ^ ce qui
f croit contraire aux principes de Mecha-
nique, pource qu^n corps de petit yolu^
me donnant moins deprife fur luy pour
eflre pouJSé , détroit recevoir moins de
force & pefer moins. Mais quand on
f çaur oit tout cela, f fait -on comment la
pierre d'aimant agit quand elle fait ye^
nir à elle le fer ? y oit -on quelque cbo^
fe qui poujfe le fer a^ec force ? ou que
quelque chofe de plus pefant que luy le
fajfe avancer ? Et quand cela feroit
commsnt e/t-ce que l' aimant feroit mou*
yoir ce fort & ce pefant pour les faire
agir , puis quil ne touche à rien , du
moins qui foit yijible ou reconnoijfable
par nos fens , comment cet aimant corn-
munique-t'il fa yertu attra^i^e au fer
pour en attirer d'autre comm? luy ?
Comment le diamant , Vamhre, lagom-
me Ucqu€ GT le foufre , & tant d au-
Lettre. 34P
très ckoPes fort communes attirent -elles
d'autres corps cfloigne:( & les retien^
tient , Cir cjudcjuifois Us chajfent après
les ayoir attire:^ comme font la gom-»
me lacque <& le Joufre dont je yiens de
parler, dont cji compose ce cjuon appel-
le are d 'Ef pagne ? tout cela ne fe fait
point ce me femhle par impuljion aDn
plus fort, ny par le poids a '^n plus pc-
fant , du moins leur aUionfe fait fans
attouchement. Comment les odeurs fe
communiquent-elles ? & comment (es
chofs d qui elles ont ejié communiquées
les communiquent -elle s encore a fJau-'
très ? Comment Ce peut comprendre la
feye qui monte aux arbres ? peut -on
dire que ce f oit la pefanteur de l'air qui
la fait monter entre Vecorce <& lehois^
comme dans ^ne pompe ^ il faudroit
pour cela qu'il y eufl yn r: fermoir de
fel>e dans lequel fer oit le pied de l'ar^
ire y & quand bien il y en auroit , cette
fc^e ne détroit monter que jufques à
trente deux pieds de haut , & il y a
des arbres qui en ont plus defix-^ingts.
Comment eft-ce que l'on comprend que
les yapeurs de la Terre, fans qùil fajfe
aucun yent , s élément dans l'air quie/l
350 Lettre.
plus léger & plus fotile quelles : car
ces yapeurs font de Veau toute formée^
(îîfpersee en gouttes imperceptibles &
qui ont yne Jolidîte plus grande que
neft celle de i air puis quelles arreftcnt
la lumière du Soleil & font ombre fur
ta Terre, & me f m: font capables de re-
cevoir la clarté & de la réfléchir , dT
de faire Voir des couleurs de me f me que
peut faire Peau e/lant enfon lieu 3 ce que
Vair ne fait point : cependant ces Va-
peurs y fans que cet air foit agité & mef-
me dans fa plus grande tranquillité &
ionacC) ne laijfent pas de séleVer com-
me l'on Voit ajffe:( fouVent. Combien fe
fait-il de chofes dans le corps des ani^
maux qui femblent ne pouvoir efire at-
tribuées qu à quelque puijfance attra- <
UiVe?
Après toutes ces reflexions Von 71 a
point d^ autre raifon pour nier fattra-
Hion par la crainte du Vuide , Jînonen
difant, à V égard de la crainte au Vuide^
quil eft hors de propos d'admettre des
aVerJtons dans des chofs inanimées qui
tien peuvent pas ejlre capables : a quoy
je répons que ceux qui parlent ainfi ne
laijjçnt pas de dire dans Voccajion) que
Lettre. 451
la yie a horreur de la mort , que le
feu <f l'eau font ennemis ; ils dipnt
duf^i quand ils parlent des animaux ^
qui au f intiment de 'Dif cartes , ne font
que des machines composées de chofcs
i'fianimees incapables a aucunes pajsions,
qùîls ont des amîtît^ & des a'^er fions -^
<!T que les chiens aiment les hommes y
que les moutons craignent les loups ^ les
four i s les chats , &c. Et a V égard de
CattraUion ils difenty 'quîl ny a nulle
apparence de l'admatre dans la Nature
quand on iPott que cette Nature n'a ny
crochets ny cordes pour attirer -^ & moy
je dis que je ne yoy poi72t aufi quelle
ait de bras 3 de mains , de pieds pour
poujfer les corps forts & les corps pe»
fans comme elle fait,
le pourrois faire beaucoup a'autres
remarques fur cette difficulté , a quoy
ilferoit difficile de donner yne folution
yalable ayec ces deux principes de pe-
fanteur d'air <3> d'impulfion du plus
fort : Ainfi je croy que je puis dire fur
le premier , que les expériences ne don-
nent point de décijions générales , & que
• le plus fouyent elles ne prouyent rien
d ayant âge , Jinon que ce quelles font
1^1 Lettre.
yoirfe peut faire ; CJT fur la féconde
may:ime i que les principes du mouye"
ment nejlant pas connus il n*y a pas
lieu de rejetter ahfolument l attraUion
pour nadmatre que la fuie impul/ion-y
& que c\Jl beaucoup fe hasarder que de
décider aufi précisément que Von fait
de la caufe du mouvement , & cela
d^ autant plus que fay remarque quil
y a des mouyemens quon ne peut pas
yraifmhlablemcnt attribuer au fort
& au fefantj puis quon ne y oit en eux
aucunes marques cCimpulJion,
Voila y Monjiiur y d peu près ce que
je penfe fur ces deux diffxulte^ , re-
folu neanmions de fuiyre ce que yous en
ordonnèrent après que yous yous fere^
yous^mefme re folu fur l'incertitude où
je croy que yous ont mis les expe^
riences que yous aye:^ faites du siphon y
& des deux plaques de met ail : Ce-
pendant dtoutha:(^ard je nay pas you-
lu aller contre ces deux maximes dans
la fuite de mon Traite des Fontaines-^
<j pour ne pas mefme tomber dans quel'
tjue occajion de contejîation, fay quit-
te les expeduns quefayoistrouye:^ dans*
la rejfemblance delà pompe pour foujle-
mr
Lettre. 35g
nir mon fyjieme 5 le fats efiat de yous
prefenter ce Traite après que je lUuray
rey^u^jejuts,
MOKSIEFKy
A •• le dernier de
lujllet 1672..
Gg
TABLE DES MATIERES,
PREMIERE PARTIE.
opinions des PJnliJophes touchant roru
gine dis Fo?it aines , & re flexions
fur chacune en particulier.
Opinion de Platon. page S
Opirfion d'Aiiftote^ p. 15
Opinion d'Epiciire. p. 21
Opinion de Vitruve^ p. ii
Opinion de S enec^ue. P* ^4
Opinion de Pline. P- 32.
Opinion de S. Thomas & des Plûlofophes de
Connimbre. f- 3^
Opinion de Scaliger. p. 3 8
Opinion de Cardan. p. 40
Opinion d'Agricola. p- 48
Opinion de W. DobrzenZKÎ. p- 4?
Opinion de Van Helmonr. pv^yi
Opinion de Lydiat. p. 72
Opinion de Davity. p. 8^
Opinion de Defcartes^ p. 90
Opinion de Papin. p. 97
Opinion de Gaflendi» p. ii^
Opinion de Du Hamel. p-iij
Opinion du Père Schottus» p- nj
Opinion de Rohault. p, 138
Opinion du Père François» p- 142-
Opinion de PaiiiTu p. 147
Table des Matières.
SECONDE PARTIE.
opinion de l'Auteur , fes preuves &
ohjeUîo7is au contraire.
Opinion de de l'Auteur. page 148
Opinion commune , & reflexions fur cette
opinion. p. 150
A
Defcrfpâon des grottes d'Arcy. ^ p- 2-73
Grotte d'Amiparos. p. 187
C
Les fontaines Chaudes ne peuvent pas avoir
pour cûufe de leur chaleur le feu foufter-
rain. p. 81
lin y a point plus de Chaleur dans les caves &
dans les puits en Hyver qu'en Efté. p 84
Terres des Collines comment difpofées. p. 116^.
Canaux foufterrains capables & fidelles pour
conduire des eaux fous terre. p. i6^
Paflages de l'Ecriture fainte ne doivent point
eftre employez à prouver ce qui eft de la
Phyfique. p. ^4. & 135
Il fe fait vne grande Evaporation des eaux de la
pluye &: de la neige. ' p. 181
Caufes de l'Evaporation de l'eau. p. 138
On a penfé de conduire des eaux de la Rivicic
Table des Matières.
d*Effcampes fur le mont fainte Geneviève à
Paris. p. ^6J
F
Il n'y a point de Peu foufterrain vniverfel fous
toute la terre. p. 75?
Toutes les Fontaines ont des diminutions & des
augmentations, & pourquoy. P-^-jo
Deux moyens par lefquels félon l'Opinion com-
mune l'eau defcend dans la Terre pour pro-
duire les Fontaines. P-i?"^
Les Fontaines cherche'es & trouvées dans terre
ne durent pas long-temps. p- 2-47
Pourquoyiln'yapasdesFontainespartout. p.ip
Les Philosophes n'ont rien trouvé de plus diffi-
cile à chercher que la matière àt% Fontaines,
p.z<5-4
il n'y a pas tant de Fontaines que l'on croit, p. i6^y
Objection fur les Fontaines aux bords de la
Mer. p'3ii
Objçdion fur la modicité des véritables Fon-
taines au fentiment de l'Auteur. p- 2.14
G
H y a de la Glaife ou terre grafTe fous toutes
les plaines, & fous toutes les montagnes- p. 110
Les lits de Glaife n'empefchent'poijit les vapeurs
démonter dans la terre. P-2-53
Grotte de Gregy prés Meaux.. p. 287
Grotte d'Arcy. p. 275
Crotte d'Antiparos. P- ^§7
I
Reflexion fur le pafTage de l'Ecriture fainte, où
il eft parié du Soleil ^ue Jofué fit arrefter. p. 6^
Table des Matières.
Lacs que l'antiquité a fuppoTez eftrc dans la
Terre , ne peuvent fcrvir à faire couler les
Rivières. . P- i7-&H^
Lieue commune de Irance, combien a de toiles.
Objedion des Fontaines portant battcau a leur
fourcc & de celle de Loiret prés d Orléans.
p. 30^-
M
Vérification de l'cxpetience de Magnanfis tou-
chant leau qui eft attirée par le fable lec ,
& circonftances de cette expérience, p. i J 5
Tourquoy les Moulins tournent plusvifte, a ce
eue l'on dit , le matin que le foir. P- 4J
Les eaux de la Mer ne peuvent pas eftre répan-
dues fous toute la furface de la Terre , com-
me le dit Defcartcs. ?\^^
De combien les Montagnes ordinaires font éle-
vées au deffus de la fur face de la Mer. P'i»?
Le Muid d'eau réduit au cube combien il ueuc
Ca^rriere à Meudon d'où U fortoit des vapeurs.
p. 14^.
lontaiue à Modene- P' ^7^
N
Obfervations fur la manière comment fe font
les Nuées. P' ^^^
O
L'Opinion de l'Auteur eft plus rccevable que pas
vue de celles qui ont cfté rapportées. p . M 5
Table des Matières.
Gombienil faut que la Terre foit mouillée pour
eftre difpofée à la Pénétration. p. i^i
1-es Pluyes , mefme félon Ariftote , font fuifi-
lantes pour faire couler les Fontaines conci-
nuellement. p.i8.&i9^
Lz Pefanteur de la Terre ne peut pas faire
monter l'eau aux montagnes pour caufer les
Fontames. p. 40
Xes Puits falez ne viennent point de la Mer,
comme le croit Defcartes. p. y y
la Terre n^eft point Pénétrée par ks eaux de
ia pluye en la manière que l'eftablit l'Opinion
commune: pourguoy & combien elle eft Pé-
nétrée, p j^,
li ne Pleut pas a/Tez , félon f Opinion commu-
ne , pour faire couler cominuellement les Fon-
^in«. p j^j
Comme fe fait la Pénétration de la Terre par
les eaux de la pluye. jyg
les eaux de la Pluye & principalmcnt celles de
i Hyvcr ne peuvent pas pénétrer la Terre
pour- defcendre fur la glaife. p. 179
Combien vn Poulce d'eau donne de muids du-
rant vingt quatre heures. p. i^s
Ccwnbien les Pluyes & les Ndges <ionnent de
hauteur d'eau durant vne année. p. 100
La fixiéme partie des Pluyes. fuifit pour faire
couler les Rivières continuellement. p^ 104
les eaux des Pluyes &: des Neiges defcendent des
montagnes & des collines dans les Rivières.
Il peut y avoir des Puits dans les plaines , mefme
Table des Matières^
dans celles de lArabie. p. 118
R
Ce qui fait que les Rivières fe perdent dans la
Terre. p. m
Toute la Philofophic a cru que les Rivières
eftoient produites par les Tontaines. p- 1^-
Comment fe font Jes Rivières. p. m
Ce qui entretient le cours continuel des Riviè-
res, p. 116^
L'eau Salée attirée en ham par du fable Cec ne fe
deflale point. p. i<5"o
Comment l'eau de la Mer fe peut de/Ta 1er, félon
les Chimiftes en pafTant par de la terre, p. 47
Comme i'e^u entre dans les fables des plaines.
p. iii.
Ce que c'eftque les Sources qui font au bord &
*' au fonds des Rivières & de la Mer. p. 117
Tontaine dans vne des Ifles Strophades- p. 2.70
Rivières deDrome & d'Aure à lafofle deSoucy.
p. i7iv
Comment la Terre fe trouve difpoféc en foiiillant
des puits ou des fontaines. p- i<^<5
Confiderations & reflexions fur la grandeur &
rondeur de la Terre, p- 18(^
Diamètre de la Terre. P- 189
Difpofition & efiat de la Terre au dedans pour
caufer les Fontaines. p. 108
La Terre eft échaiilFce par le Soleil. p- 13*
Table des Matières.
V
L'air Vaporeux produit les Fontaines , & com-
ment Ariftote fe peut entendre fur ce fujer.
p. i^
Les Vents ne peuvent pas faire monter des eaux
au haut d». s montagnes. p. 35
Les Vapeurs de la terre fcmt voir les objets en
des fituations différentes. p. 109
L'eau monte en Vapeurs au haut des montagnes
félon tou5 les Philofophes. p. 131
Montagne en Efclavonic d'oùil (cMrtoit des Va-
peurs, p. Z4<5'
Comment les Vapeurs caufcni des Fontaines.
p. 148
JâUtes k corriger.
PAge 8. PhœdoD, liftzi Phaedon, ld€m p- 9„
page 19. que ce vuide , hfn. que de ce ivààt.
page al . Pytoclus , lifet, Pythocles.
page %y. Caflandus , lifeu Caflandru».
page 37. n'y peut élire , lifeu n*y eft peut-eftre.
page 4J. devroic , liftz, devoir.
pape 126. dans les canaux, /«/«^ dans des canaux,
page 1 3 j. en voit-on pas , lifez, ne voit-on pas.
page ISS- laquelle je mis , ii/êa: laquelle goutiere je mis»
page 17/. pourfources , lifez. pour les fources-
page 190. dernière , liftx^ première,
page. 103. faite, lifet. prife.
page a/6, matière , liftn manière,
page 316. dans ce fable ylifeiz travers ce fable.
\